Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’excellente intervention du rapporteur pour l’assurance vieillesse, M. Dominique Leclerc, qui témoigne à la fois de sa grande maîtrise du sujet des retraites et de sa lucidité quant aux défis à venir, je voudrais simplement vous livrer quelques observations.
La première porte sur l’incidence du choc démographique sur notre système de retraite. Deux phénomènes le caractérisent : l’arrivée à l’âge de la retraite, à partir de 2006, des générations nées après la Seconde Guerre mondiale – c’est le fameux « papy-boom » – et l’augmentation de l’espérance de vie de six ans depuis le début des années quatre-vingt.
En 2050, la France comptera, selon les projections actuelles, soixante-dix millions d’habitants : une personne sur trois sera alors âgée de soixante ans ou plus et onze millions de Français auront soixante-quinze ans et plus, contre cinq millions en 2005.
Cette évolution structurelle emporte des conséquences irréversibles sur les régimes de retraite. Évidemment, le vieillissement de la population accroît mécaniquement les dépenses de retraite, qui progressent plus vite que les cotisations. Il en résulte des déficits croissants et vertigineux : ils atteindront 25 milliards d’euros, tous régimes confondus, en 2020 et près de 70 milliards d’euros en 2050.
Inévitablement, nous devrons consentir des efforts pour répondre à ces besoins de financement. L’allongement de la durée d’assurance et de la durée d’activité me semble être la meilleure garantie, et la plus juste, pour assurer un haut niveau de retraite sans reporter sur les actifs de demain une charge démesurée.
Ma seconde observation porte sur un sujet qui se situe à la périphérie de notre débat sur les retraites, mais qui lui est étroitement lié : la prise en charge de la dépendance. Je crois d’ailleurs que le Gouvernement souhaite traiter ces deux dossiers parallèlement.
J’aborderai cette question sous l’angle du développement de l’offre de soins à domicile. Nous le savons, nos concitoyens, dans leur grande majorité, souhaitent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible et considèrent que le maintien à domicile doit être une action prioritaire de l’État. Cela suppose de renforcer l’aide aux tâches domestiques et l’accompagnement des actes de la vie quotidienne, d’améliorer l’aménagement des logements et d’accroître les aides techniques. Dans tous ces domaines, les besoins sont immenses.
Or le secteur du maintien à domicile souffre de nombreuses faiblesses qui l’empêchent de prendre véritablement son essor.
Il reste fragmenté entre différents décideurs, différents financeurs et différents producteurs. N'est-il pas singulier que nous n’ayons pas une politique de maintien à domicile pilotée et financée de manière cohérente ? La Cour des comptes avait déjà dénoncé, l’an dernier, la persistance, en dépit de ses recommandations passées, d’une multiplicité d'intervenants auprès d'une même personne – aides à domicile, infirmières, aides-soignants, personnels médicaux et paramédicaux – et leur manque de coordination.
Ensuite, ce secteur est confronté à l'insuffisante qualification de son personnel. Face à l'augmentation du nombre des services mandataires et prestataires d'aide à domicile, se pose légitimement la question de leur qualité et de la confiance qu’il est possible de leur accorder. Au-delà de l'enjeu quantitatif, il y a donc aussi un défi qualitatif à relever dans le secteur du maintien à domicile.
J'en viens à ma dernière observation : le financement de la dépendance. Comme vous le savez, dès l'annonce par le Président de la République, à la fin de 2007, d’un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque, le Sénat a constitué sur ce thème une mission commune d'information, dont j'ai l'honneur d'être membre, entre la commission des affaires sociales et la commission des finances. La mission a établi un rapport d'étape afin de faire le point sur ce sujet majeur de société pour lequel nos concitoyens attendent des réponses pertinentes et pérennes, à la hauteur des enjeux.
Notre mission s'est d'abord attachée à expliquer pourquoi le statu quo n'est pas tenable à terme. Certes, des efforts financiers très importants ont été engagés depuis plusieurs années, comme la mise en œuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ou l'instauration d'une journée de solidarité. Mais, parallèlement, les ressources à mobiliser pour les personnes âgées en perte d'autonomie n'ont cessé d'augmenter : elles approchent aujourd'hui une vingtaine de milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du PIB.
Dès lors se pose la question de la soutenabilité de la dépense publique. D'un côté, le nombre de personnes en situation de perte d'autonomie va continuer de croître. De l'autre, la dette publique accumulée, le poids déjà lourd des prélèvements obligatoires et la montée inéluctable des dépenses de maladie et de retraite liées au vieillissement de la population imposent de procéder à des arbitrages.
Partant de ce constat, notre mission a formulé quatre séries de préconisations.
Premièrement, il faut prévoir plus d'équité en faveur des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, en instaurant un mécanisme de prise de gage sur le patrimoine.
Deuxièmement, il convient de maîtriser le reste à charge en établissement et d’accroître l'efficience de la dépense en établissements d'hébergement.
Troisièmement, la mission propose de mettre en place un financement mixte du cinquième risque, faisant intervenir les assurances, les mutuelles et les institutions de prévoyance aux côtés de la solidarité nationale.
Quatrièmement, enfin, il est nécessaire de créer les conditions d'une bonne gouvernance du cinquième risque.
Les propositions de notre mission pourront, je l’espère, utilement enrichir le projet de loi annoncé pour cette année.
Je laisse maintenant la parole aux orateurs des groupes pour un débat qui, j'en suis persuadée, sera riche en propositions et critiques.