Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, réformer les retraites est un sacré travail, « la mère des batailles », comme vous le dites justement, monsieur le ministre.
Normalement, la réforme dite « Fillon » de 2003 avait réglé les choses jusqu’en 2012. Le Président de la République a décidé de s'attaquer à la question dès cette année, et ce avec raison. Plus le temps passe, plus les responsables de la Caisse nationale d'assurance vieillesse s’inquiètent de l’évolution du déficit : ce dernier, après avoir atteint 8, 2 milliards d'euros en 2009, s’élèvera à 10, 7 milliards cette année !
À ces montants records, il faut ajouter les pertes des régimes de retraites complémentaires des salariés du privé – AGIRC, Association générale des institutions de retraites des cadres, et ARRCO, Association des régimes de retraites complémentaires – qui seront dans le rouge en 2010, et celles du fonds de solidarité vieillesse.
Certes, l'incidence de la crise n'est à ce sujet pas négligeable. Quand les salaires stagnent et que le nombre de chômeurs s'accroît, les cotisations se réduisent mécaniquement. Mais le problème est aussi structurel.
Comme l’a très bien montré M. le rapporteur, les données sont connues : un déséquilibre grandissant entre le nombre d'actifs et de retraités, un allongement de l'espérance de vie et, en conséquence, de la période de la retraite.
À l'évidence, les mesures prises en 2003 seront insuffisantes pour faire face au papy-boom. Nous le savons, le rythme des départs reste élevé et, même si les pensions ne sont revalorisées qu’en fonction de l'inflation, la facture continuera de s'alourdir.
La France ne peut donc faire l'économie de nouvelles mesures pour équilibrer son système de retraites. Le rendez-vous de cette année est capital et ne doit pas se limiter à quelques aménagements des dispositions existantes.
Sauf à remettre complètement le système à plat, et à changer radicalement de logique – la capitalisation plutôt que la répartition –, la réforme ne peut jouer que sur quelques leviers : la durée de cotisation, l'âge de départ à la retraite, le montant des cotisations et celui des pensions. Les réformes de 1993 et de 2003 ont surtout joué sur le premier élément. Rien n’interdirait d’ailleurs de les combiner.
La conjoncture actuelle limite les marges de manœuvre, cela ne fait aucun doute. Il est néanmoins permis de réfléchir et d'espérer.
Une baisse du niveau des pensions, nous l’avons vu, n'est guère envisageable. Elle affaiblirait le pouvoir d'achat des retraités et bloquerait la machine économique. Elle se révélerait contre-productive à tous points de vue. Déjà, nous le constatons, les retraités sont nombreux à fréquenter les Restos du cœur, le Secours populaire ou le Secours catholique...
L'augmentation des cotisations serait sans doute un scénario efficace. Toutefois, une telle décision est délicate, dans un pays où les prélèvements obligatoires sont déjà anormalement élevés et alors que la crise rogne le pouvoir d'achat des salariés.
Reste la solution de repousser l’âge de départ à la retraite. Jusqu'à présent, nous avons choisi d'allonger la durée minimale de cotisation nécessaire à la perception d’une pension à taux plein. En réalité, le rapporteur l’a également souligné, pour beaucoup de Français, une telle évolution repousse mécaniquement l'âge de départ à la retraite. L’entrée dans la vie active se faisant de plus en plus tard, il est en effet toujours plus difficile d'obtenir ses annuités à soixante ans.
Dès lors, allons au bout de la logique et reculons l'âge légal de la retraite. Nous touchons là, j’en suis conscient, à un symbole fort, objet de vives divergences entre les partenaires sociaux. Mais discutons-en sans tabou !