Mais, dans le contexte économique actuel, marqué par l’explosion sans précédent du chômage, de la précarité, du temps partiel subi, avec ou sans revenu de solidarité active, le RSA, décider d’allonger la durée de cotisations ou de reculer l’âge de départ à la retraite est un non-sens, d’autant que les deux questions fondamentales que sont l’emploi des seniors et la pénibilité n’ont pas été résolues.
Il faudrait également évoquer, même si ce n’est pas l’objet de notre débat d’aujourd’hui, l’accès à l’emploi des jeunes. En effet, tout est lié.
En matière d’emploi des salariés âgés de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans, la France fait figure de dernière de la classe de l’Union européenne, avec seulement 38, 2 % de salariés de cette tranche d’âge en activité.
Nous doutons fortement que le mécanisme instauré à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, prévoyant une sanction financière égale à 1 % de la masse salariale pour les entreprises n’ayant pas conclu d’accord sur l’emploi des seniors ou n’ayant pas mis en œuvre un plan d’action sur le sujet si les négociations ont échoué, soit de nature à apporter une réponse durable sur le sujet.
Aujourd’hui, selon le ministère du travail, 8 000 entreprises ont finalisé un tel dispositif. Mais, à y regarder de près, les accords sont rares. Dans les deux tiers des cas, ce sont des plans d’actions qui sont mis en œuvre. La loi, en ne modulant pas la sanction, constitue pour les employeurs une véritable invite à contourner les partenaires sociaux ! Et quand bien même les employeurs mettraient en œuvre leurs plans d’action, les conséquences sur l’emploi des seniors risqueraient d’être modestes.
Une enquête menée par le cabinet de conseil Mercuri Urval atteste que 80 % des employeurs sondés envisagent d’organiser la transmission des savoirs et le tutorat, alors qu’ils ne seraient que 20 % à avoir l’intention de mettre en place des mesures pour favoriser l’emploi immédiat de seniors.
Dans un tel contexte, envisager l’allongement de la durée de cotisations ou le recul de l’âge légal de départ apparaît comme une véritable provocation. Cela pénaliserait immanquablement les salariés qui ont commencé à travailler tôt, d’autant que le Gouvernement a encore durci les conditions d’accès au dispositif carrières longues, y compris à l’occasion des modifications apportées à la majoration de durée d’assurance.
De la même manière, nous ne pouvons que dénoncer la suppression progressive de la dispense de recherche d’emploi pour les salariés privés d’emploi approchant les soixante ans. C’est en fait tout un modèle économique, tourné vers la performance et le moindre coût du travail, qui incite les employeurs à se séparer des salariés supposés être moins productifs et coûter plus cher, à partir de cinquante-huit ans et huit mois, comme l’a souligné Dominique Leclerc.
Par ailleurs, au groupe CRC-SPG, nous considérons que le Gouvernement doit faire de la prise en compte de la pénibilité sa priorité pour 2010. Il est nécessaire de déconnecter les deux débats : il faut évoquer la pénibilité avant de parler de la réforme des retraites.
Les négociations sur la pénibilité au travail sont gelées depuis le 16 juillet dernier. Patronat et Gouvernement portent une lourde responsabilité dans cet échec. D’abord, le patronat a refusé pendant longtemps de reconnaître que le travail pouvait être nocif pour la santé des salariés, puis a refusé d’aborder les questions de l’accès à un dispositif de retraite anticipée, de la réparation et du financement. Et le Gouvernement a laissé s’enliser les négociations.
Si celles-ci n’ont pas débouché sur un accord, elles ont néanmoins permis la reconnaissance progressive d’une réalité : les conséquences potentiellement nocives du travail sur la santé des salariés. Aujourd’hui, nul ne peut plus nier cette réalité constatée scientifiquement : l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept ans à celle d’un cadre.
La pénibilité peut se classer en trois catégories.
La première catégorie correspond globalement aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Cela requiert un effort important de la part des employeurs pour adapter les conditions de travail et de la part des pouvoirs publics pour adapter les règles et les outils de prévention.
La deuxième catégorie est liée aux conditions mentales ou psychiques de réalisation de l’activité professionnelle, autrement dit le « stress ». La solution passe par une modification des conditions et des rythmes de travail. Je pense notamment aux cas de suicides.
La troisième catégorie, qui est malheureusement irréversible, est celle qui résulte de l’exposition du salarié pendant un temps et selon une intensité certaine à un facteur nocif pour sa santé. Le salarié dont l’espérance de vie est ainsi réduite doit pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée. C’est sur cette véritable mesure de justice sociale que les négociations achoppent.
En effet, le patronat considère qu’il n’a pas à financer ce mécanisme, ce que nous contestons vivement, et entend conditionner ce départ anticipé à la retraite à l’approbation d’une commission médicale. Cette proposition aurait pour effet d’instaurer, selon l’expression de la CGT, « un mécanisme d’invalidité bis ».
Avec les organisations syndicales, nous refusons cette logique médicale. Nous considérons que la pénibilité et son appréciation doivent reposer sur la reconstitution de la carrière du salarié et sur la prise en compte de son exposition à des facteurs pouvant diminuer son espérance de vie. L’analyse de la commission médicale, qui est préconisée par le MEDEF, reviendrait à avancer de quelques mois à peine la retraite des salariés malades du travail. Ce serait rendre quasi inopérant ce dispositif.
Enfin, monsieur le ministre, le 10 juillet dernier, vous déclariez sur France Inter : « Plusieurs solutions sont envisageables. […] On peut envisager une capitalisation plus grande. » Le mot est lâché !