Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 12 janvier 2010 à 14h30
Pénibilité emploi des seniors âge de la retraite : quelle réforme en 2010 — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Tout à fait, mais, quoi qu’il en soit, permettez-nous de douter de l’efficacité d’une telle disposition !

Quel sera l’effet de cette amende sur des entreprises qui dégagent des bénéfices énormes ?

Le sujet de l’emploi des seniors est lié explicitement à celui de la pénibilité, lequel avait conditionné l’adoption de la réforme de 2003. Six ans après, le constat est amer. Malgré de nombreuses séances de travail entre les partenaires sociaux, le dispositif de prise en compte n’a jamais vu le jour en raison de l’opposition du patronat à toute participation pour financer la compensation de la pénibilité.

Apporter une réponse à la question de la pénibilité s’inscrit dans une démarche de recherche de justice sociale. Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer au rapport de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, qui traite de la double peine des ouvriers.

Il y est observé qu’à trente-cinq ans les hommes cadres supérieurs ont une espérance de vie moyenne dépassant de six ans celle d’un ouvrier et que le différentiel est de deux ans pour les femmes.

En ce qui concerne « l’espérance de vie en santé », qui renvoie à une situation dénuée d’incapacité ou de handicap, il est noté que les cadres supérieurs âgés de trente-cinq ans vivront trente-quatre des quarante-sept années d’espérance de vie sans handicap ou incapacité de type 1, laquelle concerne les problèmes de vue, de mobilité, soit dix ans de plus qu’un ouvrier. Pour les femmes, l’écart est de huit années.

Malgré cette réalité, les acceptions concernant la pénibilité demeurent fragmentaires et ne renvoient à aucune disposition du code du travail.

Un emploi peut être considéré comme dangereux, même s’il n’est pas nécessairement pénible. C’est ce qui ressort du jugement prononcé par la cour d’appel de Paris le 9 juin 2004 aux termes duquel « le risque grave ne saurait être constitué par la seule pénibilité du travail ».

Le code du travail ne fait pas d’amalgame entre la pénibilité liée à l’exercice d’une fonction et les mauvaises conditions de travail, notion qui renvoie à une organisation et à un climat défectueux.

De fait, la prise en compte de la pénibilité reste posée. Or l’observation des dispositifs de départs anticipés, souvent instaurés en guise de traitement social du chômage, laisse apparaître que certains départs sont en lien avec cette prise en compte. Je pense, notamment, à la préretraite des travailleurs de l’amiante et à la cessation anticipée d’activité de certains travailleurs salariés.

Force est de constater que le patronat, comme l’actuelle majorité, cherche à limiter le champ d’application de ce dispositif en voulant restreindre son périmètre aux seuls salariés ayant développé une maladie ou en rendant strictement individuelle l’accessibilité à la préretraite.

Si tel était le cas, nous ne serions plus dans une logique de compensation, mais dans une logique de réparation, ce qui est tout à fait différent ! Voilà ce qui est au cœur de l’échec des négociations interprofessionnelles sur la pénibilité du travail.

À la logique de compensation prônée par les syndicats de salariés s’oppose celle de la réparation de l’usure.

Le MEDEF a proposé que, en fonction de facteurs de pénibilité préalablement déterminés, le salarié qui satisferait aux critères d’éligibilité pourrait, deux ans avant son départ en retraite, accéder à un mi-temps, le mi- temps non travaillé étant financé par la solidarité nationale.

Ainsi, les employeurs, même responsables, ne seraient pas mis à contribution. C’est le salarié qui financerait les conséquences de sa dégradation physique.

Nous sommes inquiets à la lecture du rapport du député Jean-Frédéric Poisson, qui reprend les positions du MEDEF. La philosophie de ce rapport, adopté par la majorité, transparaît très clairement lorsque le rapporteur affirme qu’il « n’est pas favorable à une mise en place de retraites anticipées ou cessations anticipées d’activité ou à une augmentation des droits à pension de retraite pour les travailleurs ayant été exposés à la pénibilité ».

Pire, il déclare : « S’il est indubitable que des différences réelles en matière d’espérance de vie sont constatées entre les ouvriers et les cadres, il demeure impossible de considérer que la seule cause de cet écart provient des conditions de travail. La santé est une réalité suffisamment personnelle pour que soient également évoquées des considérations qui touchent au mode de vie des personnes, et en particulier à la qualité de leur accès aux soins non moins qu’à leurs habitudes. » Cela laisse sans voix !

En conclusion, nous considérons que prendre ce rapport comme base de travail des futures négociations ne répondrait pas, selon nous, aux attentes des partenaires sociaux.

Des différences subsistent entre les organisations de salariés et d’employeurs, mais ces dernières se sont toutes accordées sur trois facteurs principaux de pénibilité : les contraintes physiques, l’environnement de travail agressif et les rythmes de travail. C’est sur cette base que nous devons travailler.

À nos yeux, les écarts d’espérance de vie entre nos concitoyens justifient d’accorder des avantages spécifiques aux salariés qui ont subi des conditions de travail pénibles.

Ces avantages ne doivent pas être uniquement pris en charge par la collectivité.

Les employeurs ne sauraient prétexter le coût du travail dans la compétition internationale pour s’exonérer de leurs responsabilités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion