Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 12 janvier 2010 à 14h30
Pénibilité emploi des seniors âge de la retraite : quelle réforme en 2010 — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre collègue Alain Milon devait intervenir dans ce débat aujourd'hui. Mais ayant un empêchement, il m’a demandé de le suppléer, ce que je fais avec plaisir.

Sur l’initiative de la commission des affaires sociales, un débat thématique est organisé afin de mettre en perspective les futures réformes qui concernent directement les comptes sociaux.

L’occasion nous est donc donnée d’affirmer notre volonté de faire évoluer le système de retraites pour lequel les réformes sont plus que jamais nécessaires. Il y a obligation d’agir au vu des déficits de plus en plus exponentiels.

Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, M. le rapporteur, Dominique Leclerc, l’a noté dès la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le déficit devrait être de 9, 5 milliards d’euros en 2009, contre 7, 2 milliards d’euros prévus initialement. Il atteindrait, à législation constante, près de 15, 7 milliards d’euros en 2013. À cela, il faut ajouter le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, qui sera de 3 milliards d’euros en 2009.

Cette dégradation est importante, mais elle a des causes qui ne sont pas toujours maîtrisables.

Tout d’abord, la crise économique sans précédent que nous avons connue et que nous connaissons encore a provoqué la montée du chômage et la baisse des recettes fiscales.

Ainsi, la branche vieillesse est durement touchée par une forte baisse de ses rentrées de cotisations salariales et le Fonds de solidarité vieillesse, quant à lui, souffre d’une diminution de ses rentrées de CSG.

Cependant, nous devons reconnaître que, face à la crise, notre système de retraite par répartition a fait la preuve de sa solidité. En France, contrairement à certains pays de l’OCDE, les pensions de retraite n’ont pas diminué et l’épargne retraite n’a pas souffert de la crise boursière.

Par ailleurs, à ce déficit conjoncturel s’ajoute un déficit structurel qui va aller en s’aggravant avec la progression continue de la masse des pensions due aux facteurs démographiques et à l’augmentation de l’espérance de vie.

Il est donc essentiel d’apporter des réponses structurelles afin d’assurer la viabilité financière et sociale de notre système de retraites.

L’année dernière, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avons voté des mesures fortes pour inciter nos compatriotes à travailler plus longtemps.

J’illustrerai mon propos en me fondant sur la récente étude de la caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV. Depuis son instauration en 2003, la surcote, qui bonifie la retraite des personnes qui décident de poursuivre leur carrière au-delà de l’âge limite et de la durée de cotisation, a montré ses premiers résultats. Ainsi, la CNAV a constaté, au premier trimestre de 2009, une augmentation de 12, 5 % du nombre des nouveaux retraités bénéficiaires de ce bonus, contre 9 % en 2008, 7 % en 2007 et 5 % en 2005 et 2006. La revalorisation du taux de surcote, passé le 1er janvier 2009 de 3 % à 5% par année supplémentaire travaillée, n’est sans doute pas étrangère au succès du dispositif.

Par ailleurs, cette étude a montré la bonne connaissance du dispositif de cumul emploi-retraite par les personnes pouvant en bénéficier. L’objectif prioritaire de permettre à des travailleurs âgés d’arbitrer librement entre un départ à la retraite choisi et la poursuite d’une activité professionnelle doit être poursuivi.

Cela dit, d’autres sujets devront être abordés. Dans son discours du 22 juin 2009 devant le Congrès, le Président de la République a tracé les grandes lignes de la réforme qu’il souhaite pour notre système de retraite : « Il faudra que tout soit mis sur la table : l’âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. »

Nous partageons bien sûr ces ambitions : l’année 2010 doit nous donner l’occasion de remettre à plat notre système de retraite avec pour fil conducteur, d’une part, la solidarité intergénérationnelle, condition de la pérennité financière de notre système – car les générations futures ne sauraient être pénalisées par notre immobilisme – et, d’autre part, la simplification du système existant. En effet, la multiplication des régimes rend le système incompréhensible pour les Français et entretient la défiance de nos concitoyens à l’égard de notre système de retraite.

Une réforme en profondeur est donc nécessaire pour assurer la viabilité de notre système de retraite par répartition. À cette fin, elle doit s’accompagner d’un changement dans les comportements et les attitudes de tous les acteurs, afin de promouvoir et d’encourager l’allongement de la vie professionnelle.

Aucun sujet ne doit être tabou : par exemple, pourquoi ne pas réfléchir à la prolongation de l’activité professionnelle ? En effet, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans s’élève, en moyenne, à 48 % dans les pays de l’OCDE et seulement à 25 % en France. Or, du fait du vieillissement des populations, de moins en moins de personnes en âge de travailler devront supporter les retraites de personnes âgées de plus en plus nombreuses. Un document de l’OCDE sur la crise des systèmes de pension donne le ratio de dépendance des personnes âgées. Ce ratio, qui mesure le poids des plus de 65 ans par rapport à celui des personnes de 20 à 64 ans, passera de 22 % actuellement à 46 % en 2050.

Face à une telle évolution, il est essentiel de favoriser l’emploi du plus grand nombre de travailleurs et plus particulièrement des seniors. Les mesures prises, comme la suppression de la contribution due par les entreprises licenciant des travailleurs de plus de 50 ans, l’augmentation de la surcote, la mise en place du droit individuel à la formation, vont dans le bon sens.

Il est donc impératif de supprimer tout dispositif qui subventionne le retrait anticipé de la vie active, en premier lieu, les préretraites. Or, souvent, l’âge effectif de départ à la retraite demeure de deux à trois ans inférieur à l’âge légal : ce phénomène s’explique par le fait que d’autres dispositifs continuent d’encourager le retrait anticipé du marché du travail. Comme c’est le cas dans notre pays, les critères d’admissibilité aux allocations chômage sans recherche active d’emploi permettent aux chômeurs âgés de passer directement du chômage à la retraite.

Pour relever l’âge effectif moyen de cessation d’activité, il faudra également s’assurer que les travailleurs âgés aient de réelles perspectives d’emploi et que la qualité de ces emplois soit telle qu’ils puissent effectivement rester plus longtemps sur le marché du travail.

Un véritable changement de comportement s’impose donc de la part de tous les acteurs.

Les entreprises doivent comprendre que les travailleurs âgés représentent une réelle richesse ; elles doivent, notamment, éviter toute discrimination à leur égard, investir dans leur formation ainsi qu’aménager les horaires et les conditions de travail.

Les gouvernements doivent adapter les politiques de l’emploi. Plus particulièrement, les services publics de l’emploi doivent répondre aux besoins spécifiques des travailleurs âgés et favoriser leur insertion sur le marché du travail.

Enfin, nos concitoyens doivent se préparer à l’idée de travailler plus longtemps, ce qui n’empêche pas, bien évidemment, de prendre en compte la question de la pénibilité ni celle des carrières longues.

Il s’agit du respect de l’équité sociale, pas seulement entre actifs et retraités, mais également entre générations. Sans réforme, sans changements des comportements, nos enfants et nos petits-enfants seront pénalisés. Nous devons donc lancer ce débat et nous vous soutenons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans votre volonté d’agir sur cette question fondamentale.

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