En filigrane de l’intitulé du débat, sans qu’on veuille la nommer, presque par pudeur, la question des retraites se profile, chacun l’a bien compris !
La situation des régimes de retraites est extrêmement préoccupante : leur déficit s’est élevé à 8 milliards d’euros en 2009, il atteindra 11 milliards d’euros en 2010 et 13 milliards d’euros en 2012. Dès 2007, nous avons atteint le niveau que prévoyaient les projections du Conseil d’orientation des retraites, le COR, pour 2020 !
Évidemment, le retournement conjoncturel a puissamment pesé sur ces résultats. Mais, comme cela a été rappelé, en aucun cas le retour à une conjoncture économique favorable ne permettrait de rééquilibrer le solde financier de la branche, parce que le déséquilibre, avec la dégradation des rapports démographiques, est évidemment structurel.
En 1970, on recensait 3, 80 actifs pour un retraité : ce chiffre est aujourd’hui tombé à 1, 43. Cette dynamique défavorable a conduit à une dégradation continue des soldes financiers du système de retraites depuis cinq ans, au point qu’en 2008 la branche vieillesse a été la plus déficitaire des quatre, et ce en dépit des réformes déjà engagées. Cette situation était, hélas, prévisible.
En son temps, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait été présentée comme une réforme décisive. Loin de moi l’idée de minimiser l’importance de cette réforme courageuse et attendue : l’allongement de la durée de cotisation et l’alignement partiel de la fonction publique sur le régime général ont été effectivement des mesures clefs. Mais nous savions, dès cette époque, que ces mesures ne permettraient de couvrir que la moitié des besoins de financement. Il faut maintenant assurer le financement de l’autre moitié. Et, s’il faut agir, il importe également de le faire vite !
C’est pourquoi les membres du groupe de l’Union centriste ne peuvent que saluer le volontarisme politique dont le Président de la République fait preuve en avançant de deux ans par rapport au calendrier initialement prévu « la remise à plat » du dossier et en en faisant le « grand chantier de 2010 », le « marqueur » de sa volonté de réforme, pour reprendre l’expression consacrée.
Cette réforme annoncée est attendue. L’opinion est mûre pour l’accueillir. Les premiers intéressés, les travailleurs, ont pleinement conscience que le statu quo n’est plus une option et ils sont prêts à faire des efforts. Je ne m’étendrai pas sur le sondage publié par le Journal du dimanche, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais force est de constater que ses enseignements sont rassurants.
Pour réformer, fait sans précédent par rapport aux rendez-vous passés, nous pourrons donc nous appuyer sur un consensus quant à la nécessité d’une réforme. En revanche, le consensus s’arrête là : les modalités de cette réforme sont encore inconnues.
Aussi, le débat d’aujourd’hui est-il paradoxal : il est fondamental, mais intervient alors que seules des pistes très générales sont esquissées et que même le calendrier demeure un mystère. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous en tenir à énoncer les principes et options que nous défendrons. Ils s’articuleront autour de trois axes : globalité, « systémicité » et équité.
Premièrement, nous souscrivons à l’approche globale du dossier dont l’esquisse est déjà donnée par l’intitulé du présent débat. La question de la pénibilité et celle de l’emploi des seniors pourraient être traitées séparément de celle de l’âge de la retraite. Cependant, une telle approche serait quelque peu artificielle. Il n’est qu’à voir par quelles mesures le Gouvernement a avancé en matière d’emploi des seniors pour constater à quel point les problématiques sont liées : augmentation du taux de la surcote, libéralisation totale du cumul emploi-retraite, suppression des « clauses-couperet » de mise à la retraite d’office ou extinction des préretraites.
Il faut jouer « gagnant-gagnant » entre la problématique de la retraite proprement dite et les problématiques connexes de la pénibilité et de l’emploi des seniors. La remise à plat du système de retraites doit nous donner l’occasion d’avancer dans le règlement du dossier de la pénibilité, sur lequel tout reste à faire, car les partenaires sociaux ont échoué, et dans le domaine de l’emploi des seniors, domaine dans lequel notre pays reste grandement à la traîne. Inversement, une telle approche globale permettra d’offrir des contreparties réelles aux nouveaux efforts qui seront consentis dans le cadre des retraites.
Deuxièmement, le groupe de l’Union centriste défendra une réforme systémique, et non seulement paramétrique.
En effet, la réforme à venir pourrait, comme toutes les précédentes, seulement jouer sur les quatre paramètres que sont le montant des cotisations, la durée de cotisation, le montant de la pension ou le recul de l’âge légal. J’en profite pour signaler que nous ne serions pas, a priori, favorables à une remise en cause de ce dernier paramètre : la retraite à 60 ans est un symbole fort auquel les Français restent très attachés. De plus, le gain escompté ne serait pas à la hauteur du symbole : passer à un âge légal de 62 ans ne comblerait que 10 % des besoins de financement. Enfin, poser la réforme en ces termes nous semble vraiment le meilleur moyen d’accentuer les crispations, tout en prenant le problème par « le petit bout de la lorgnette ».
En effet, nous sommes depuis toujours favorables à une réforme systémique, et non seulement paramétrique. À l’instar de notre collègue Dominique Leclerc, nous défendons depuis 2003 le remplacement de l’annuité par le point. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que, depuis, l’idée a fait son chemin. Aussi attendons-nous avec impatience le rapport que le COR devrait rendre à la fin du mois de janvier sur les modalités du basculement vers un régime par points ou « comptes notionnels ». L’adoption de l’une de ces deux solutions nous semblerait à la mesure de l’enjeu. Nous vous interrogerons sur ce point tout à l’heure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.
Troisièmement, évidemment, cette réforme ne sera acceptable que si elle est équitable. Nous ne pouvons que saluer l’effort de solidarité déjà engagé, avec la revalorisation de 7 % du minimum vieillesse cette année, ainsi que la majoration de 11 % des petites pensions de réversion. Cet effort de solidarité doit être poursuivi à l’occasion de la réforme à venir. Telles sont les propositions de notre groupe.