Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais tout d’abord remercier la commission des affaires sociales du Sénat d’avoir organisé ce débat, qui – M. Nicolas About l’a souligné – intervient, pour une partie, très en amont des décisions et, pour l’autre, en aval de certaines mesures déjà prises en termes d’emploi des seniors. Je tiens aussi à remercier M. Dominique Leclerc, dont l’expertise en matière de retraite et d’emploi des seniors est plus que reconnue.
Nous travaillons sur le sujet de l’emploi des seniors depuis maintenant plusieurs années. Après l’impulsion donnée par le président Gérard Larcher, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Xavier Bertrand et de Brice Hortefeux, avec qui nous avons collaboré. Nous comptons désormais sur Xavier Darcos, qui apporte toute son énergie pour que nous puissions assurer une mobilisation conjointe sur le dossier. Il s’agit effectivement d’une priorité majeure, à la fois pour le pays et pour les sénateurs, comme l’a rappelé M. Nicolas About, non sans humour.
S’agissant d’emploi des seniors, la France est enfermée depuis trente ans, toutes tendances politiques confondues, dans une spirale infernale, qui a consisté à acheter un allègement à court terme de la situation de l’emploi au mépris de l’emploi des seniors. J’ai souvent l’habitude de faire cette comparaison : l’utilisation en tous sens des préretraites s’est finalement apparentée à l’utilisation de la morphine, soulageant à court terme, mais se révélant extrêmement pénalisante pour les seniors et pour la compétitivité de notre pays à long terme.
Ainsi, en France, seuls 37 % des seniors disposent aujourd’hui d’un accès à l’emploi, alors que ce taux atteint 70 % en Suède et que la moyenne européenne avoisine 50 %. Notre pays fait donc totalement figure d’exception !
Cette situation est le fruit d’une responsabilité conjointe. Sur le plan politique, les ministres de l’emploi successifs ont acheté un camouflage des statistiques par le biais des préretraites.
La responsabilité en revient ensuite aux employeurs et à leur gestion des ressources humaines, notamment en période difficile, par le biais des départs en préretraite. La responsabilité est enfin partagée par les syndicats, les préretraites étant considérées comme « du grain à moudre » pour gérer les conflits sociaux.
Ainsi, année après année, le nombre de préretraites a grimpé de façon vertigineuse. Je me permets de rappeler les chiffres, pour mettre fin à certaines polémiques qui m’ont choqué sur ce sujet. En 1997 et en 1998, années record en la matière, plus de 100 000 départs en préretraite ont ainsi camouflé l’impossibilité d’apporter un emploi à nos seniors.
C’est pour cette raison que, depuis deux ans maintenant, nous avons choisi d’inverser les choses et de mener une politique active en faveur de l’emploi des seniors. Comme MM. Dériot et Barbier l’ont rappelé, de nombreuses mesures ont été prises en la matière : la fin de la mise à la retraite d’office, la libéralisation du cumul emploi-retraite, le relèvement de la surcote et l’impossibilité de mettre d’office un certain nombre de personnes à la retraite, y compris dans la fonction publique.
Les résultats sont là : alors qu’en 1997 et en 1998 100 000 personnes étaient mises en préretraite, elles ne sont plus que 8 000 cette année, uniquement des victimes de l’amiante.
Le deuxième volet de notre politique, qui a été programmé, vise à aboutir à un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi seniors, qui ne seront plus dispensés de rechercher un emploi. De ce point de vue, la situation était scandaleuse : un senior qui perdait son emploi recevait, en guise d’accompagnement, un courrier lui enjoignant de ne pas encombrer le service public de l’emploi et de rester chez lui, ce qui était particulièrement choquant en termes de considération pour les seniors et d’accès à l’emploi.
Le dernier volet de notre action, dont la deuxième étape s’engage aujourd’hui, est le changement en profondeur de la gestion des âges dans les entreprises.
Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, sur laquelle nous avons été amenés à travailler avec plusieurs d’entre vous dans l’enceinte du Sénat, les branches et les entreprises de plus de 50 salariés ont dû signer avant le 1er janvier 2010 des accords ou des plans d’action pour recruter ou maintenir les seniors dans l’emploi, avec des objectifs et des moyens précisément chiffrés. M. Dériot l’a relevé, la part des seniors a ainsi pu progressivement augmenter.
Que n’avons-nous entendu, avec Xavier Darcos, à ce sujet ! Avec la crise, on nous a conseillé de ne pas nous occuper de l’emploi des seniors, qui n’était pas une priorité, et de laisser perdurer le système actuel de préretraites, car ce n’était pas le moment de le modifier. Nous avons refusé de céder à la facilité et nous avons, au contraire, enclenché cette dynamique de gestion en faveur de l’emploi des seniors.
Or, les résultats sont là. Pour la première fois depuis trente ans, en période de crise, le taux d’emploi des seniors s’est amélioré de près de 1, 5 point pour atteindre 39, 2 %. Pour autant, le chemin est encore long pour inverser les mentalités culturelles dans lesquelles nous nous étions enfermés.
J’en viens aux accords de branches, sur lesquels des questions m’ont été posées, notamment par M. Barbier. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
La dynamique est bonne : quatre-vingt-deux branches, qui représentent les trois quarts des salariés du privé, ont ouvert – et, pour la plupart, conclu – des négociations au cours des derniers mois. Pour ne citer que certaines d’entre elles, l’Union des industries et des métiers de la métallurgie, l’UIMM, la Fédération française du bâtiment, l’Union des fédérations de transports, les industries alimentaires, les industries chimiques, la Fédération des entreprises de propreté et services associés ont déjà déposé des accords à leur niveau.
Avec Xavier Darcos, nous avons souhaité faire preuve de souplesse pour les entreprises de 50 à 300 salariés qui pensaient, en toute bonne foi, être couvertes par un accord de branche qui n’aurait finalement pas été engagé.
À partir des remontées de terrain dont nous bénéficions, nous pouvons d’ores et déjà vous communiquer un certain nombre d’éléments qualitatifs.
Tout d’abord, nous constatons que le contenu des accords est de qualité – je sais que Mme Demontès y sera sensible. Ainsi, 80 % des branches ont affiché comme une priorité le développement des compétences et des qualifications, l’accès à la formation et le tutorat. Les trois quarts ont choisi d’anticiper l’évolution des carrières professionnelles et plus de la moitié d’aménager les fins de carrière, notamment pour les seniors.
Certaines d’entre elles travaillent également sur l’amélioration des conditions de travail, ce qui renvoie aux situations de pénibilité, sujet dont Xavier Darcos a la responsabilité.
Il s’agit bien sûr d’outils, et les outils ne valent que s’ils sont utilisés et s’ils sont opérationnels sur le terrain, je vous le concède volontiers, monsieur Fischer. Un certain nombre d’initiatives très concrètes sont, de ce point de vue, assez porteuses ; je sais que M. About y sera sensible.