Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 12 janvier 2010 à 14h30
Évaluation de la loi de modernisation de l'économie — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Mme la ministre, dont l’optimisme n’avait d’égal que la confiance en la faculté d’autorégulation du marché, voyait du vert partout §: création d’emplois dans le secteur marchand, augmentation de la consommation, crédits aux entreprises dynamiques, bref, le Gouvernement baignait dans l’euphorie de sa victoire électorale de 2007, alors même que la bulle financière gonflée au-dessus de nos têtes avait éclaté aux États-Unis depuis juillet 2007 et que le système bancaire diffusait ses pilules toxiques dans le monde entier !

Or, aujourd'hui, nous sommes obligés de le constater, la consommation marque le pas, plus de 346 000 emplois ont été perdus au cours des neuf premiers mois de 2009, nous allons malheureusement atteindre cette année la barre des 10 % de chômeurs, et la croissance, même révisée à 1 %, ne nous permet pas d’espérer une reprise solide et n’arrêtera pas les licenciements.

Enfin, les banques ne remplissent pas leur engagement, pris en octobre 2008 en contrepartie de l’aide de la Nation, d’assurer une augmentation de l’encours de crédit aux entreprises et aux ménages de l’ordre de 3 % à 4 %, puisque le dernier bilan en la matière, réalisé en novembre 2009, laisse apparaître que cet accroissement est de 1 % seulement.

S’il est vrai que la crise financière et ses conséquences ont pris à revers le Gouvernement, elles n’expliquent pas tout.

Quant au pouvoir d’achat, il devait mécaniquement augmenter sous l’effet de la concurrence, censée entraîner inévitablement une baisse des prix, ce qui devait constituer un résultat concret de la LME.

Or, nous pouvons nous interroger sur cette course au prix bas, à une économie low cost – pardonnez-moi, mes chers collègues, d’utiliser une expression anglo-saxonne –, qui constitue en fait un moyen commode de contourner la question salariale, d’occulter le phénomène persistant de la précarisation de la population active et, plus largement, d’éviter d’affronter le débat essentiel, à savoir celui de la juste rémunération du travail.

Cette course au prix le plus bas comporte sa part d’illusions. Dans les budgets des personnes modestes, le poids des dépenses contraintes, c'est-à-dire de celles qui sont liées au logement, à l’énergie et aux déplacements, ne fait qu’augmenter d’année en année, jusqu’à en représenter près de la moitié.

Quand je constate que de grands distributeurs, pour lancer leur propre marque discount, s’inspirent de ce qui existe en Russie – caisses automatisées, chambres froides où circulent les consommateurs afin d’économiser des meubles réfrigérés ! –, quand j’entends des exploitants de hard discount qui voient leurs ventes reculer sous l’effet de la crise et qui comptent – sans aucun cynisme, faut-il le préciser ! – sur les nouveaux clients amenés par la montée du chômage, je me demande si c’est bien cette société que veulent les gens !

En ce qui concerne l’effet de la LME sur les prix, je m’en remets à l’analyse de Mme le rapporteur : « L’impact reste difficile à analyser », note-t-elle, et les auditions ont fait apparaître des contradictions : pour les distributeurs, les prix baissent ; pour les consommateurs, il n’en est rien.

Aux termes de ce rapport, la LME se révèle peu efficace pour rétablir l’équilibre entre les producteurs et les distributeurs, quand elle ne joue pas en sens contraire, et les pratiques abusives persistent.

À cet égard, notre collègue Élisabeth Lamure souligne à plusieurs reprises dans son rapport le rôle essentiel qu’ont joué les services et les agents de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que l’efficacité de leur contrôle.

Cet hommage mérite toute notre attention au moment où l’effet conjugué de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et de la réorganisation de l’administration territoriale, la REAT, aboutit, à partir du 1er janvier, à leur démantèlement sous couvert de rationalisation.

Regroupés au sein de la nouvelle DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les agents seront déconnectés du terrain. Dans les directions départementales, ne subsistera que l’activité « commande publique et consommation », strictement comprise, c'est-à-dire les soldes, la publicité des prix et le contrôle des produits alimentaires, rompant ainsi avec la polyvalence traditionnelle des agents.

Les impacts de la LME seront traités au niveau régional ; il n’y aura donc plus de régulation économique au plus près du marché.

Les brigades dites « LME », mentionnées dans le rapport, qui au demeurant existaient avant la loi sous le label « pratiques concurrentielles restrictives », c'est-à-dire « PCR », loin d’être renforcées, perdent des personnels.

Quant aux brigades interrégionales d’enquêtes anti-concurrence, privées d’agents de terrain, quelle sera leur efficacité ?

Nous nous étions déjà interrogés en 2008 sur l’efficacité de l’Autorité de la concurrence et sa capacité à traiter les dossiers transmis depuis le terrain.

Je citerai le cas de la région Aquitaine, que je choisis au hasard, car je n’en suis pas l’élue : cinquante-quatre dossiers ont été transmis depuis le terrain en 2009 et deux seulement ont été retenus par l’Autorité de la concurrence, contrairement aux objectifs affichés. S’agit-il d’une volonté consciente d’éloigner les agents du terrain, pour laisser faire le marché ? Ce serait très curieux en pleine période de crise économique, quand, au moins dans les discours, l’idée de régulation revient à la mode…

J’en viens à mon deuxième point. Le Gouvernement, en particulier M. le secrétaire d'État, a beaucoup communiqué sur le succès quantitatif du régime de l’auto-entrepreneur.

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