C’est pourquoi j’évoque cette question, monsieur le secrétaire d'État !
À l’évidence, ce régime participe de la même vision d’une société low cost, qui se renforce dans une période où les licenciements se multiplient.
Il a été sanctuarisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, puisqu’il est désormais possible d’en relever non plus pour une année, mais pour trois ans. Cette disposition laisse Mme le rapporteur « perplexe » et irrite légitimement la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Les responsables de cette organisation relèvent fort justement que ce régime crée une concurrence peu loyale ; ils estiment également que la mesure inscrite dans le collectif budgétaire de 2009, à savoir l’obligation corrélative d’attester d’une qualification minimale, est très insuffisante.
Tout aussi justement, Mme Lamure pointe dans son rapport « l’effet substitution » et « l’effet crise » qui sont à la base de ce pseudo-succès. Elle relève qu’un auto-entrepreneur sur deux cherche un revenu complémentaire, ce qui montre que ce statut permet de contourner la question salariale, comme je le soulignais au début de mon intervention, et contribue finalement à externaliser les coûts de l’entreprise vers les individus.
Pour terminer, j’en viens aux dispositions financières les plus significatives de la loi, à savoir la banalisation du livret A et la réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts.
J’évoquerai tout d'abord le livret A. L’effet sur l’augmentation des dépôts, en pleine tourmente financière, alors que cette épargne administrée bénéficiait d’un taux élevé de rémunération, était attendu. Ainsi, la collecte a atteint en 2008 un niveau historique de presque 19 milliards d'euros, et 6, 2 millions de livrets A ont été ouverts par les banques nouvellement habilitées à les commercialiser, à côté des réseaux historiques.
Dès lors, sous le double effet de la baisse des taux et de la concurrence d’autres produits d’épargne plus attractifs, on observe, de mois en mois, une collecte nette négative.
Certes, la crise participe aussi à cette baisse tendancielle de la collecte, les ménages ayant tendance à « tirer » sur leur épargne. Toutefois, et c’est plus ennuyeux pour l’avenir, comme le révèle une étude de la SOFRES réalisée pour le compte de la Caisse des dépôts et consignations, les épargnants éprouvent un moindre attachement pour l’épargne administrée, dont la finalité est le financement du logement social, depuis qu’elle a été libéralisée.
Je voudrais relever trois motifs d’inquiétude.
Il s'agit, en premier lieu, du niveau de centralisation acté dans la LME. Celle-ci a prévu un ratio minimal de 125 % entre les dépôts et les prêts. Or, compte tenu de l’évolution dynamique de l’encours des crédits, ce ratio ne serait plus respecté dès 2014, ce qui obligerait donc à le relever. Cette situation doit nous conduire à être très vigilants en ce qui concerne les modalités de la centralisation, qui seront définies en 2011 et entreront en vigueur à l’issue de la période transitoire prévue dans la loi et s’étendant jusqu’au 31 décembre 2011. Dans la mesure où une clause de revoyure est fixée, il est souhaitable que le Parlement s’intéresse à cette question et donne son avis.
En second lieu, nous avons attiré l’attention du Gouvernement sur le contrôle de la multi-détention de livrets A, qui est pourtant explicitement interdite dans la loi.
Le Gouvernement a brandi à plusieurs reprises le risque de sanctions contre les multi-détenteurs. Il leur a donné jusqu’au mois de décembre de l’année 2009 pour se mettre en règle. Il a déclaré avoir envoyé aux banques la liste des livrets A en doublon et a annoncé des contrôles sur ceux qui ont été ouverts en janvier 2009.
Toutefois, ces déclarations ont été peu efficaces : à la fin du mois de novembre dernier, il y avait en France 58, 8 millions de livrets A en circulation, pour 64, 3 millions d’habitants, et l’on estimait qu’un livret A sur cinq était illégal ! Nous avons donc eu raison d’être méfiants quant aux promesses du Gouvernement relatives au contrôle de cette multi-détention.
En troisième lieu, et ce point est important, monsieur le secrétaire d'État, j’évoquerai le fléchage des fonds collectés par les banques et non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
Bien que les parlementaires que nous sommes, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, soient revenus à la charge, notamment à l'occasion de la discussion de la proposition de loi sur le financement des PME de notre collègue députée de Seine-et-Marne Chantal Brunel, l’opacité est toujours de mise en ce qui concerne l’utilisation de ces fonds, et il n’est pas possible de vérifier que la volonté du législateur de financer l’économie réelle est bien prise en compte.
Alors que les banques ont bénéficié d’importantes liquidités de la Banque centrale européenne, de l’aide de l’État et de l’apport de cette nouvelle épargne, elles ne respectent pas l’engagement qu’elles ont pris au mois d’octobre 2008 d’augmenter l’encours de leurs crédits dans une proportion comprise entre 3 % et 4 %. Elles se réfugient derrière l’explication selon laquelle la demande serait moins forte. Or les entreprises, sur tous les territoires, affirment ne pas avoir accès, notamment, au crédit de trésorerie. Est-ce l’offre ou la demande qui est en cause ? C’est la poule et l’œuf !
Tout récemment, Mme la ministre a convoqué les banques pour leur demander de satisfaire à leurs obligations. Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’on voit se dérouler un tel scénario : on convoque les fautifs, on organise une conférence de presse mais, six mois plus tard, on constate que les résultats ne sont pas au rendez-vous !
M. Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne, a, lui aussi, sommé les banques de faire leur travail, mais elles préfèrent manifestement se tourner de plus belle vers les produits financiers purement spéculatifs, ceux-là mêmes qui nous ont entraînés dans la crise financière en 2007.
Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que, pour les PME qui n’ont pas accès aux marchés financiers, le soutien bancaire est indispensable, notamment pour faciliter leur trésorerie. Si elles en sont privées, la part qu’elles pourraient prendre à la reprise économique s’en trouve réduite d’autant.
Il est nécessaire que le Parlement fasse la clarté sur cette question. Je demanderai à la commission des finances d’exercer formellement son contrôle sur la mise en œuvre de la volonté du législateur de voir les banques financer l’économie réelle à partir des fonds collectés et non centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.
J’en viens à la réforme de cette dernière et insisterai sur deux innovations contenues dans la loi.
D’une part, un comité des investissements a été mis en place au sein de la commission de surveillance. Il est obligatoirement consulté pour toute cession ou acquisition d’actifs. Pour en être membre, je peux attester qu’il fonctionne régulièrement. Ce fut notamment le cas lors de la constitution du Fonds stratégique d’investissement, le FSI, que le Sénat a évoqué à la fin de l’année dernière, du rachat par ICADE de la société foncière Compagnie La Lucette, du rapprochement de Transdev et de Veolia Transport.
D’autre part, est désormais prévu l’appui de la Commission bancaire à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, notamment quant aux règles prudentielles. Un premier décret est paru l’année dernière, malgré l’avis négatif de la commission de surveillance ; un second décret a été transmis au Conseil d’État à la fin de l’année dernière.
Je crois pouvoir affirmer que la loi est respectée dans sa lettre et dans son esprit : la Caisse des dépôts et consignations, consacrée investisseur de long terme par la LME, est sous le contrôle effectif du Parlement. Nous savons tous que, du fait de la crise, elle a été très fortement sollicitée depuis l’adoption de la loi et qu’elle apporte un soutien sans faille à l’économie, soit directement soit par le biais de ses filiales.
En conclusion, ce premier exercice d’évaluation, qui mérite d’être complété, car la LME est en vérité un vaste fourre-tout, est un rendez-vous utile, et j’ai cru comprendre que, dans l’esprit de nos collègues de la commission de l'économie, il devra se renouveler.
En tout cas, il a la vertu de faire une plus juste appréciation d’une loi qui avait été annoncée à grands renforts de communication.
Conçue à partir d’a priori idéologiques...