Grâce à votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, deux mesures doivent entrer en vigueur dès le 1er avril prochain : d’une part, l’attestation de qualification professionnelle avant toute création d’entreprise dans le domaine artisanal ; d’autre part, l’obligation d’inscription au répertoire des métiers pour les auto-entrepreneurs ayant une activité artisanale à titre principal. Ces mesures permettront aux auto-entrepreneurs les plus dynamiques de passer à un statut à la fois plus favorable au développement économique et plus égalitaire.
En outre, je tiens à saluer l’annonce de la création cette année, en toute cohérence avec le régime de l’auto-entrepreneur, de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, qui permettra de protéger le patrimoine personnel des artisans en cas de faillite. Cette réforme est attendue depuis plus de vingt ans par l’artisanat et je me félicite, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez su entendre cette demande.
J’en viens, enfin, à la question de l’urbanisme commercial.
Mon premier constat porte sur le rôle des commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC : leur mission n’est pas claire. Quatre points cristallisent les critiques.
Premièrement, leur composition et leurs règles de décision. La présence d’une personnalité qualifiée en matière de consommation ne va pas de soi dès lors que l’impact économique du projet n’a pas à entrer en ligne de compte. De même, placer la voix des personnalités qualifiées, qui sont nommées, sur le même pied que celle des élus locaux est discutable.
Deuxièmement, le rôle et les critères de décision des CDAC ne sont pas aussi bien définis que ceux des anciennes commissions départementales d’équipement commercial, les CDEC. Il n’y a pas de critères ni de normes partagés pour définir les exigences minimales à respecter en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. Les CDAC risquent ainsi de ne plus se prononcer que pour dire « oui ».
Troisièmement, la notion de seuil de saisine perdure alors que ce n’est peut-être pas l’outil adéquat pour appréhender l’impact du commerce sur les territoires. Notre regretté collègue député Jean-Paul Charié proposait de remplacer le critère de la surface par celui de l’envergure des commerces. C’est une idée qui mérite d’être creusée.
Quatrièmement, les équipements commerciaux effectivement construits ne sont pas tenus d’être conformes aux projets qui ont été préalablement présentés et validés par les CDAC, de sorte que les décisions des CDAC risquent de rester lettre morte.
Mon deuxième constat relatif à la réforme de l’urbanisme commercial porte sur l’absence d’outil statistique permettant d’évaluer l’impact de la libéralisation des implantations commerciales. On ne sait pas comment évolue la carte commerciale, ce qui donne lieu à des rumeurs alarmistes évoquant une multiplication des installations d’équipements dont il est impossible de vérifier la réalité. On ne sait pas non plus quel est l’impact sur la concurrence et sur les prix. Nous avons donc besoin d’un outil de mesure adapté pour appréhender les effets de la réforme.
Je précise toutefois que la réforme de l’urbanisme commercial est une réforme structurelle et qu’il ne faut sans doute pas s’attendre à ce qu’elle produise des effets significatifs en peu de temps ; plusieurs années seront nécessaires pour qu’on observe une évolution notable de la cartographie commerciale.
Enfin, et c’est mon troisième constat, l’intégration de l’urbanisme commercial à l’urbanisme reste inachevée. En effet, la réforme de l’urbanisme commercial par la LME était transitoire : un texte sur ce thème devait être adopté très promptement. Les outils créés par la LME ne sont donc pas opérationnels et beaucoup de questions restent en suspens : que peut comporter exactement le document d’aménagement commercial d’un SCOT ? Les prescriptions et le zonage du volet commercial d’un SCOT s’imposent-ils aux PLU et, au-delà, aux autorisations d’urbanisme ? Quels sont les liens entre le volet commercial d’un SCOT et les CDAC ? Le Grenelle II comporte une avancée importante dans ce domaine mais ne peut remplacer une réforme d’ensemble cohérente.
Dans ces conditions, je formulerai deux recommandations.
D’une part, il faut mettre en place dans les plus brefs délais un outil d’observation des équipements commerciaux permettant d’établir un bilan objectif de la LME.
D’autre part, il faut élaborer rapidement un texte sur l’urbanisme commercial, c’est-à-dire non pas un texte sur le commerce, mais un texte sur l’urbanisme. En effet, si l’urbanisme commercial était jusqu’à présent avant tout affaire de commerce, il devra à l’avenir être avant tout affaire d’urbanisme.
À ce sujet, je me réfère aux éléments extrêmement intéressants contenus dans les travaux de Jean-Paul Charié ou dans la contribution du Club des SCOT, dont je retiens trois suggestions très simples.
Selon la première, il conviendrait de préciser et de renforcer le pouvoir d’encadrement de l’activité commerciale par le SCOT et le PLU.
La deuxième suggestion est de donner aux élus locaux la capacité de contrôler les changements d’activité commerciale.
La troisième consiste à faire du permis de construire le seul instrument d’autorisation de construction de nouveaux commerces. Il serait délivré, bien sûr, après conformité aux règles d’urbanisme des PLU, eux-mêmes conformes aux SCOT, qui intègrent les fameux DAC, les documents d’aménagement commercial.
Il s’agit là, sinon de propositions, du moins de pistes à étudier, qui préfigurent en quelque sorte une réforme de l’urbanisme
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les principales conclusions du groupe de travail sur l’application de la LME, ainsi que quelques conclusions personnelles.