Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le bilan sur quelques thèmes de la loi de modernisation de l’économie montre encore une fois que la relance de la concurrence comme levier de la croissance, la déréglementation des activités économiques, les exonérations fiscales et sociales, pourtant chères à ce gouvernement, sont inopérantes pour garantir la vitalité économique de notre pays et créer des emplois.
La LME n’a pas su enrayer la flambée du chômage ni l’apathie de l’activité économique, notamment celle du secteur industriel. Ce bilan négatif est le résultat plus global des politiques conduites par les gouvernements de droite depuis de trop nombreuses années.
Les mauvais résultats de l’économie française et les conséquences sociales dramatiques qui en découlent ne s’expliquent pas seulement par la loi de modernisation de l’économie ; celle-ci constitue un exemple parmi d’autres de l’incapacité des politiques gouvernementales à éviter les crises sociales et économiques que traverse notre pays et à les gérer.
L’organisation d’un débat parlementaire sur le bilan, même partiel, de la LME est donc une bonne chose s’il permet au Gouvernement de tirer les conséquences de cet échec.
Le champ des thèmes retenus est assez restreint au regard de celui de la loi, qui est immense, il est vrai. Quoi qu'il en soit, je regrette que l’on n’ait pas choisi d’évoquer la question du crédit à la consommation, crédit nécessaire à nos concitoyens aux revenus les plus modestes, d’autant plus que, dans cette période de crise, le Gouvernement n’a pas su tenir ses promesses d’augmentation du pouvoir d’achat.
Ici, se pose la question des crédits permanents, dits revolving, dont il semble si difficile de s’extraire et qui aggravent encore la situation de personnes en grande précarité. Selon la Banque de France, « dans 70 % des dossiers, […] la part des personnes en situation de surendettement dont les revenus sont inférieurs ou égaux au SMIC est en augmentation ». Cette question aurait mérité toute notre attention.
J’en viens maintenant à l’analyse des domaines soumis au bilan.
Le titre de la première partie du rapport est prometteur puisqu’il évoque « un premier bilan très positif de la réforme des délais de paiement ». Cependant, le ton optimiste de notre rapporteur ne résiste pas au contenu même de l’examen au fond, ainsi que Mme Lamure vient de l’expliquer.
Ainsi, on peut s’interroger sur la nécessité d’une telle réforme puisque, sans y être encore soumis, un grand nombre d’acteurs économiques l’auraient anticipée.
Au regard des données disponibles, notamment de celles délivrées par l’Observatoire des délais de paiement, on constate une baisse relative des délais de paiement. De plus, on a assisté à la signature d’un grand nombre d’accords dérogatoires.
Or la LME se dispense totalement de régler la question de l’après-dérogation. Le législateur a posé une règle, assortie d’une limite temporelle – le 1er janvier 2012 – en ce qui concerne la possibilité de dérogation au plafond, en reportant à plus tard les problèmes posés par la spécificité de certains secteurs.
La proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre, par exemple, qui sera examinée cette semaine par le Sénat, montre à quel point les problématiques sont pointues. Il reste que cette tendance à légiférer en faisant de la règle l’exception pose un problème tant elle porte atteinte à la clarté du régime juridique applicable aux différents contrats.
Je reviendrai plus particulièrement sur deux questions abordées par le rapport.
En premier lieu, la réduction des délais de paiement avait été initialement prévue pour améliorer les conditions de trésoreries des entreprises. Cet objectif n’a été que partiellement atteint. Cela s’explique notamment par l’impact différent de la loi sur la réduction des délais de paiement des fournisseurs et des délais de paiement des clients.
Cet échec de la réforme est d’autant plus regrettable que la question de la trésorerie des entreprises est un élément fondamental de leur vitalité et que les politiques gouvernementales n’ont pas su régler les difficultés récurrentes rencontrées par les petites et moyennes entreprises dans leurs relations avec les établissements bancaires.
Or, pour un tiers environ des chefs d’entreprise, c’est encore et toujours l’accès au crédit bancaire qui est source de difficultés et menace le développement de l’activité ainsi que, souvent, le maintien des emplois et la survie même de l’entreprise.
En second lieu, le rapport pose la question de « la compatibilité de certains avis avec l’esprit de la LME ». En effet, la CEPC indique, tout comme la DGCCRF, que, « si l’obligation légale d’ordre public n’a pas à donner mécaniquement lieu à une compensation au premier euro, elle ne l’interdit pas », ajoutant que « la question des délais de paiement peut toujours être prise en compte dans les négociations commerciales ».
Votre critique, madame le rapporteur, est selon nous injustifiée. Les instances visées font une juste interprétation de la législation telle qu’elle a été voulue par la majorité. Nous avions, nous, dénoncé les pratiques abusives qui pouvaient naître de la réglementation sur les délais de paiement, quand la même loi étendait la libre négociabilité des conditions générales de vente et instaurait la discrimination tarifaire.
S’ils étaient prévisibles, les comportements abusifs dont le rapport fait état sont néanmoins inquiétants de par leur contenu même et de par leur ampleur. Cela pose évidemment la question des moyens de contrôle en termes de personnels, mais également en termes d’effectivité du contrôle, tant les pressions peuvent être grandes sur les acteurs économiques les plus faibles.
Cela nous amène tout naturellement à la deuxième partie du rapport relative à « l’impact limité de la loi LME sur les relations commerciales ». Dans ce domaine, l’échec est patent.
Nous avions pointé du doigt les dangers de la réglementation prévue par le projet de loi de modernisation de l’économie. En effet, la législation a fait table rase des quelques garde-fous qui subsistaient encore dans le code de commerce, notamment dans son article L. 441-6, pour tenter d’encadrer le grave déséquilibre de la relation commerciale entre fournisseur, centrale d’achat ou distributeur.
Il aurait été illusoire de croire que la loi de modernisation de l’économie pouvait encadrer les marges arrière, tout en prônant la libre négociation des conditions générales de vente et en autorisant la revente à perte.
En consacrant, dans les relations commerciales, l’opacité ou la discrimination tarifaire, la législation n’avait pas su lever l’inquiétude chez les professionnels, sauf chez les grands distributeurs, qui se félicitaient d’un dispositif taillé sur mesure pour eux.
Aujourd’hui, le bilan de ces dispositions n’a rien d’étonnant. Selon les informations fournies par le ministère, les marges arrière auraient très fortement diminué. Si cela se vérifie, comment expliquer que la baisse des prix n’ait pas été au rendez-vous et que les fournisseurs ou producteurs n’aient pas vu leurs rémunérations augmenter ?
La crise traversée par le secteur laitier en particulier et par le monde agricole en général montre à quel point les relations entre producteurs, fournisseurs et distributeurs sont opaques et déséquilibrées.