Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ce temps de morosité économique, la France a besoin de créer des emplois, donc d’encourager la création d’entreprises. Les Français attendent – peut-être à tort, d’ailleurs – que l’État défende leur pouvoir de consommer moins cher et qu’il cherche à concilier, dans le secteur de la distribution, un certain équilibre entre fournisseurs et distributeurs. La loi de modernisation de l’économie avait pour objectif d’apporter des réponses sur ces sujets. Je formulerai à son propos une appréciation en demi-teinte.
La réduction des délais de paiement était assurément nécessaire. Elle aura permis de donner un peu de souplesse aux entreprises en termes de trésorerie. Il faut souhaiter que le nombre d’accords dérogatoires, qui couvrent 20 % de l’économie française, diminue significativement, sans quoi la portée de la règle serait anéantie par le poids des exceptions. En outre, il semble indispensable que les pratiques de « commercialisation » de la réduction des délais sous la forme de ristournes soient fermement sanctionnées. Nul ne doit pouvoir régulièrement bénéficier d’un avantage financier au seul motif qu’il se conforme à la loi.
Le régime de l’auto-entrepreneur constitue par ailleurs un apport majeur, sur lequel je souhaiterais insister aujourd’hui.
D’un point de vue purement quantitatif, son succès est indéniable, sans doute parce qu’il apporte des réponses adéquates à des problèmes identifiés. Outre la réduction du « travail au noir », la simplicité des déclarations et du régime applicable à ce nouveau statut est un progrès substantiel : le créateur d’entreprise n’aura peut-être plus à emprunter ce labyrinthe administratif, institutionnel, juridique et fiscal, dans lequel s’égarent tant de porteurs de projet.
Je souhaite donc que le succès quantitatif du nouveau régime soit l’occasion de soulever une réflexion de fond sur la simplification des démarches des entreprises, notamment au moment de leur création, afin de les rendre plus en phase avec le rythme des entrepreneurs.
Je note dans le très bon rapport de Mme Lamure que les chambres consulaires voient ce nouveau statut d’un mauvais œil. Il a en effet engendré une baisse importante – de 30 % – des inscriptions au répertoire des métiers et, parallèlement, du nombre des participants aux prestations qu’elles proposent.
Cependant, il ne faut pas, me semble-t-il, se focaliser sur les accusations de « concurrence déloyale » portées contre les auto-entrepreneurs. Les chambres consulaires, plutôt que de céder à la défiance, devraient plutôt prendre ce nouveau statut comme une opportunité pour elles de s’ouvrir et de coopérer. Ainsi, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat pourraient proposer leurs prestations – quitte à les adapter – à ce nouveau type d’entrepreneurs, en vue de les accompagner dans la professionnalisation.
En ce sens, il serait souhaitable que le statut soit éventuellement limité au temps de la création d’entreprise et du démarrage de l’activité, c'est-à-dire environ deux ans après l’inscription. C’est d’ailleurs ce que j’avais proposé dans un amendement lors de l'examen du texte.
Les premiers mois d’application de la LME ont au moins ce mérite de soulever, de manière générale, l’appétit des entrepreneurs pour des régimes et des démarches simples, pour une liberté accrue.
Il est primordial d’accorder une importance majeure à cette préoccupation : aujourd’hui, la tendance aux « parcours fléchés » de la création d’entreprise comme les délais d’instruction extrêmement longs pour les demandes d’aide publique en la matière, du type FISAC, par exemple, alourdissent la marche de notre économie et déroutent nombre d’entrepreneurs. Peut-être devrait-on envisager un relèvement du plafond de chiffre d’affaires pour l’obtention du statut d’auto-entrepreneur ?
En ce qui concerne l’urbanisme commercial, l’objectif du Gouvernement était clair : mettre en place de nouvelles règles du jeu dans la grande distribution pour augmenter la concurrence et défendre le pouvoir d’achat ; en d’autres termes, favoriser l’implantation du hard discount afin de concurrencer les grandes surfaces déjà implantées.
Les dispositions relatives au rôle des commissions départementales d’aménagement commercial ne semblent pas suffisantes, mais les instruments d’évaluation à cet égard n’existent toujours pas.
Quant à l’absence d’un urbanisme commercial réellement cohérent, elle relève d’une problématique à part entière. De ce point de vue, la proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes, votée récemment par le Sénat, constitue l’ébauche d’une première réponse.
J’en viens à présent à la disposition qui concerne les relations commerciales, l’une des plus importantes de la LME dans la mesure où elle avait pour objectif de favoriser un environnement plus concurrentiel propre à redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs.
Ma conviction n’a pas changé par rapport à ce que j’avais déclaré lors de la discussion générale du texte : quelle que soit la sophistication des dispositions législatives – conditions générales ou particulières de vente, sanction des abus dans les relations commerciales –, à partir du moment où les fournisseurs négocient avec cinq centrales d’achat hyperpuissantes, les relations sont structurellement déséquilibrées. Comme je l’avais souligné, « certaines dérives, bien connues, risquent de se poursuivre, le cas échéant, d’ailleurs, sous d’autres formes ».
Le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a lui-même reconnu récemment que la LME était contournée par des méthodes inacceptables, appliquées dans les relations entre distributeurs et agriculteurs. En ce sens, la portée de cette loi ne me semble pas de nature aujourd’hui à régler la question sur le fond.
Certes, l’assignation devant les tribunaux de neuf enseignes de la grande distribution pour des pratiques abusives est une action forte de l’État. Les griefs ne manquant pas, espérons que le zèle des pouvoirs publics en la matière perdurera.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’action de la Commission d’examen des pratiques commerciales et la mise en place, au sien de la DGCCRF, des « brigades LME ». Je suis même favorable à la création d’une commission d’enquête parlementaire qui pourrait œuvrer aux côtés de ces instances pour faire toute la lumière sur les pratiques au sein du secteur. Disant cela, je ne fais que rappeler l’objet d’une proposition de loi que j’avais déjà déposée en 2004.
L’essai n’a pas été transformé, mais je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour apporter, dans le domaine de la création d’entreprise, un peu d’air au fonctionnement de notre économie. Comprenez mon scepticisme sur le sujet des relations commerciales : peut-on promettre aux Français de consommer plus et moins cher sans détériorer l’équilibre de la chaîne commerciale ? Le coût de la politique du pouvoir d’achat ne saurait en effet être supporté par les seuls fournisseurs de base, à savoir les agriculteurs, artisans ou industriels, au risque de fragiliser les deux grands secteurs de notre économie.