Évidemment, les grandes enseignes se félicitent d’une prétendue baisse moyenne de 2 % à 3 % de leurs prix. Cependant, les résultats des enquêtes statistiques et de celles qui ont été menées par les associations de consommateurs aboutissent à des conclusions bien plus nuancées et même divergentes : de l’avis même de vos services, la très faible baisse des prix constatés, de l’ordre de 0, 65 %, n’est pas assez significative et ne saurait être imputable à la LME dans une période de crise.
Par ailleurs, dans leur grande majorité, les personnes auditionnées par le groupe de travail ont regretté la persistance du rapport de force entre les acteurs économiques et l’absence d’améliorations dans les relations commerciales ; cela a été justement évoqué par notre rapporteur. Autrement dit, les relations commerciales sont encore, dans moult secteurs de l’économie, une épreuve pour de nombreux fournisseurs, contraints, sous la pression des distributeurs, de compresser leurs marges, et ce au détriment de leurs salariés.
En la matière, la DGCCRF n’a pas pour mission de contrôler les marges et ne peut intervenir à ce niveau-là. Mais ses pouvoirs de contrôle et d’instruction des plaintes et les missions de la Commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, sont essentiels. Le rôle de l’État régulateur est la pierre angulaire de la qualité des relations entre les différents partenaires économiques.
Pour le moment, force est de constater que le rééquilibrage entre fournisseurs et distributeurs – soit l’un des objectifs majeurs de la LME – n’a pas été atteint et que la moralisation des pratiques, si fortement annoncée, n’a pas encore eu lieu. À ce titre, la réduction des effectifs de la DGCCRF est de très mauvais augure.
Pour ce qui est de l’urbanisme commercial, cette réforme devait permettre « la mise en place de nouvelles règles du jeu dans la grande distribution pour augmenter la concurrence et défendre le pouvoir d’achat ». Là encore, le lien que vous établissez entre concurrence, dérégulation et pouvoir d’achat se révèle inopérant. Certes, l’urbanisme commercial n’est plus régi par des considérations strictement commerciales, incompatibles avec le droit européen. À cette heure, et en l’absence d’outils statistiques fiables, il apparaît seulement que l’assouplissement des règles d’autorisation d’installation n’a pas modifié – mais sans doute est-il encore trop tôt pour le mesurer – la structure oligopolistique de la grande distribution. On note surtout qu’elle n’a pas eu d’incidence prouvée, tangible et notable sur les prix.
Quant à l’inscription de l’urbanisme commercial dans le cadre du droit commun de l’urbanisme, il s’agit d’une réforme qui est « au milieu du gué », selon l’expression de notre rapporteur. La possibilité pour les SCOT de définir des zones d’aménagement commercial est encore balbutiante. Le rôle, la composition et les règles d’intervention et de décision des CDAC ne sont clairs pour personne. Ils ne sont, de toute évidence, pas adaptés à leurs missions.
À cet égard, je regrette le sort qui a été réservé à la proposition de loi de notre collègue Sueur sur les entrées de villes. Ce texte, vidé de son contenu lors de son examen en commission, prévoyait notamment, à l’origine, que les entrées de ville ne devaient pas être défigurées par l’implantation de bâtiments commerciaux uniformes et à l’architecture parfois tapageuse, sans respect pour le paysage urbain et la tradition architecturale locale. C’est pourquoi le groupe socialiste soutient les recommandations du rapport concernant la mise en place d’un outil d’observation des équipements commerciaux et l’élaboration d’un texte spécifique sur l’urbanisme commercial.
Pour conclure, j’aimerais évoquer, monsieur le secrétaire d’État, deux aspects de la LME qui, à défaut d’avoir fait l’objet d’une évaluation de notre groupe de travail, intéressent de près l’élue parisienne que je suis : les soldes flottants et l’indice des loyers commerciaux, l’ILC
La LME a ouvert le droit, pour les commerces, d’ajouter deux autres périodes de soldes. Ce dispositif, davantage taillé sur mesure pour les grandes enseignes, porte un préjudice important au commerce indépendant et contribue à jeter un doute sur la sincérité des prix. De soldes privés en soldes officiels, de promotions en ristournes, d’affaires à faire en démarques, les consommateurs ne connaissent plus le juste prix des produits. Les commerçants indépendants, qui n’ont pas les mêmes marges et volumes de vente que les grandes enseignes, ne peuvent plus suivre cette course aux rabais permanents.