En quarante ans, la grande distribution a créé en France un secteur à la puissance économique considérable ; un véritable rapport de force s’est établi entre producteurs et distributeurs.
Or, si toutes les centrales d’achat acceptaient la légitime augmentation de certains tarifs due à la hausse incontournable de plusieurs produits agricoles, si tous les acteurs respectaient le bon sens économique inscrit dans la LME, nous n’aurions pas connu ces situations funestes qu’a vécues le monde agricole, dont de très nombreuses filières ont enregistré une chute de revenu sans précédent.
Plus on est proche du consommateur dans la chaîne alimentaire, plus on a de pouvoir ! Parallèlement, la variable prix est prépondérante dans le choix du consommateur.
Comment comprendre que, pour certaines filières, sur les prix d’aliments pas ou peu transformés et dont la matière première agricole constitue une part majeure, la marge pratiquée par les distributeurs atteigne jusqu’à 60 % ? Ces différentiels importants restent inexpliqués faute de transparence et de données publiques.
Ainsi, cette loi de modernisation de l’économie votée dans le but d’améliorer le pouvoir d’achat aurait, semble-t-il, hélas, en partie conforté la position dominante de la grande distribution.
Les centrales d’achat ont effectivement supprimé les notions de ristournes et de rabais, mais, dans les faits, elles retiennent en général, dans le cadre de partenariats, un pourcentage sur les prix des producteurs pour participation à leurs frais, pourcentage qui est variable suivant les enseignes. On constate ainsi que certaines sont plus vertueuses que d’autres : si cette participation aux frais des centrales d’achat est de 0 % pour Leclerc, Lidl et ED, elle est en revanche de 2, 5 % pour Carrefour et Carrefour Market, Casino et Monoprix, de 3, 5 % pour Auchan, de 4 % pour Pomona ou pour Intermarché…
Les pourcentages que les fournisseurs trouvent en pied de facture peuvent représenter de 3 % à 5 % de leur chiffre d’affaires, soit quasiment la marge de certains d’entre eux, et cela sans service en contrepartie.
Et que dire quand est décrétée une promotion et qu’un grand volume est alors commandé à un prix imposé, mais qu’une seule partie de ce volume est vendue à prix promotionnel, le reste l’étant au prix fort, sans répercussion pour le producteur ? La ponction de ces ristournes sur les producteurs de légumes atteindrait, par exemple, 200 millions d’euros par an.
Finalement, rien, ou presque, n’a changé, si ce ne sont les termes. Toujours est-il que les producteurs vendent en dessous de leurs prix de revient.
Ainsi, pour la pomme, les prix au kilogramme ont perdu 10 centimes depuis la campagne 2007-2008. Depuis le début de la présente campagne, le prix moyen au kilogramme logé départ ressort à 65 centimes, ce qui laisse entre 20 et 25 centimes au producteur. Pour que ce dernier « rentre » dans ses frais, le prix logé départ devrait être de 80 centimes.
Il est donc impératif de mettre de la transparence dans la transmission des prix tout au long des filières pour garantir un juste retour de la valeur ajoutée aux producteurs et un prix final plus équitable aux consommateurs.
Il nous faut cependant souligner le rôle essentiel joué par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que par la Commission d’examen des pratiques commerciales en matière de contrôles et d’interprétation unique de la loi. Leurs préconisations publiques participent de la promotion des bonnes pratiques voulues dans la LME.
À cet égard, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous renseigner plus avant sur le groupe de travail, intitulé « pacte nouvelles donnes LME », chargé de préparer les bases des relations commerciales et les clauses du contrat de plan d’affaires pour les négociations commerciales de 2010 ?
Je sais les pouvoirs publics conscients de la nécessité du contrôle et de la répression des abus.
J’ai bien sûr noté la remarque, en commission de l’économie, de notre collègue Gérard César, rapporteur du projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui a indiqué qu’il existait des correspondances entre la LME et ce texte, dont l’examen sera l’occasion de réfléchir aux moyens d’améliorer les dispositions relatives aux relations commerciales et à la formation des marges dans la filière agricole.
Je forme donc des vœux – c’est de circonstance, en ce début d’année ! – pour que, conjuguées aux efforts des brigades régionalisées de contrôle de la LME et de l’Observatoire des prix et des marges, les dispositions que le Parlement adoptera dans le cadre de la future LMA permettront d’assainir définitivement les relations commerciales.