Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’axerai mon intervention sur l’auto-entrepreneur, qui est l’une des innovations marquantes de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
L’engouement pour ce nouveau statut est réel. Les chiffres que vous communiquez, monsieur le secrétaire d’État, de l’ordre de 300 000 nouveaux auto-entrepreneurs en 2009, le montrent bien.
Il est vrai que le statut de l’auto-entrepreneur offre de multiples avantages, au nombre desquels un régime micro-social simplifié. Ce régime consiste en un versement libératoire des cotisations sociales, calculé proportionnellement aux revenus d’activité effectivement encaissés. Pour les périodes sans revenus d’activité, aucune cotisation n’est due. Ce régime micro-social simplifié ouvre notamment droit à une couverture sociale en termes d’avantages maladie, maternité, vieillesse et invalidité-décès.
Les caisses de protection sociale, surtout les caisses de retraite, s’inquiètent et tirent la sonnette d’alarme.
La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, et la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, la CIPAV, se montrent préoccupées par les conséquences financières de ce régime. L’ouverture de droits sociaux à des actifs ayant des chiffres d’affaires très faibles pose en effet de sérieux problèmes.
Les déclarations effectuées auprès des deux caisses précitées pour le premier semestre de 2009 laissent présager un chiffre d’affaires annuel moyen de 2 000 euros. La majorité des auto-entrepreneurs qui y sont affiliés n’ont d’ailleurs pas déclaré de chiffre d’affaires du tout.
À la CIPAV, un adhérent qui réalise un chiffre d’affaires de 4 000 euros par an doit 550 euros de cotisations. Il en paie la moitié, l’autre moitié étant prise en charge par l’État.
La situation est la même pour un auto-entrepreneur commerçant. Ainsi, dans une circulaire en date du 9 avril 2009, la direction des retraites du régime social des indépendants prend l’exemple d’un commerçant auto-entrepreneur déclarant un chiffre d’affaires annuel de 20 000 euros. La retraite de base payée par l’assuré à hauteur de 606 euros, au lieu de 966 euros, est compensée par l’État à hauteur de la différence, soit 360 euros. Mais les droits sont validés sur la base de 966 euros. La retraite complémentaire est payée à hauteur de 237 euros, mais les points sont calculés sur la base de 377 euros.
Sur la base de 100 000 bénéficiaires en fin d’année, l’État devra compenser à la CIPAV près de 30 millions d’euros en 2009 et plus de 40 millions en 2010. C’est une échelle de chiffres que nous retrouvons dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Ces évolutions posent la question du financement des régimes des professionnels indépendants ainsi liée à la capacité de l’État à faire face à ses obligations de compenser le manque à gagner en termes de cotisations.
Ces évolutions pèsent également sur la charge de compensation démographique qui pèsera sur la CNAVPL si les règles actuelles ne sont pas changées. L’afflux d’adhérents accroît la charge de compensation de la CNAVPL aux autres régimes de base de 1 700 euros pour chaque actif supplémentaire, montant sans commune mesure avec les cotisations des auto-entrepreneurs : 550 euros pour un chiffre d’affaires de 4 000 euros et 606 euros pour un chiffre d’affaires de 20 000 euros.
L’article 71 du PLFSS pour 2010 prévoit que la compensation assurée par l’État aux organismes de sécurité sociale concerne désormais les auto-entrepreneurs ayant un revenu inférieur à un seuil fixé par décret. Ce seuil doit être significatif. Or il n’a pas encore été indiqué, monsieur le secrétaire d’État.
Toutefois, il est important d’aller plus loin. Il faut que les droits ouverts aux auto-entrepreneurs soient proportionnels au montant de leurs cotisations. Cette solution n’est pas très pénalisante compte tenu du fait que, d’après les termes du rapport de notre collègue Élisabeth Lamure, on trouverait, parmi les auto-entrepreneurs, 33 % de salariés et 6 % de retraités. Ce sont donc près de 40 % des auto-entrepreneurs qui bénéficient déjà d’une couverture sociale et, de fait, trouvent dans leur auto-entreprise un complément de revenu. Ils n’ont donc pas absolument besoin de retraite supplémentaire.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais que vous avez déjà été sensibilisé à ce problème. Je souhaite réellement que l’on trouve des dispositions qui restent intéressantes pour l’auto-entrepreneur, mais qui ne pénalisent pas les finances des caisses de protection sociale.