Toutefois, ces données statistiques doivent être relativisées. C’est le constat qui ressort, me semble-t-il, du rapport excellent et objectif de notre collègue Élisabeth Lamure. En effet, des auto-entreprises demeurent inactives, et certaines n’ont fait que se substituer à des créations d’entreprise individuelle qui auraient de toute façon eu lieu, mais sous un autre régime.
Si le statut d’auto-entrepreneur encourage les bonnes volontés et est à l’origine d’une véritable floraison d’initiatives, l’ampleur de son succès inquiète, en particulier les instances représentatives de l’artisanat.
En effet, les chambres de métiers craignent une hémorragie de leurs membres. Elles se demandent désormais si le statut d’artisan ou d’entrepreneur habituel pourra continuer de financer les charges et les cotisations et s’inscrire dans la pérennité.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rencontré les représentants des artisans. Les engagements que vous avez pris en juin dernier ont été tenus puisque, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un amendement visant à prévoir qu’une personne exerçant une activité à titre principal sous le régime de l’auto-entrepreneur doit s’inscrire au répertoire des métiers.
Néanmoins, des problèmes subsistent. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de mes collègues et moi-même avions déposé un amendement complémentaire, le 18 décembre dernier, prévoyant l’inscription au répertoire des métiers des auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal et à titre complémentaire. En effet, qu’elle s’exerce à titre principal ou secondaire, l’activité réglementée au sens de l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 peut présenter les mêmes risques pour les consommateurs. Il serait donc logique que l’exercice de cette activité fasse l’objet d’une immatriculation au répertoire des métiers, indépendamment de son caractère principal ou complémentaire, ladite immatriculation faisant obligation au créateur d’entreprise d’attester d’une qualification minimale – j’insiste sur ce point.
Il faut également poser la question des limites du statut d’auto-entrepreneur et des conditions de sortie de ce statut, car on ne peut être indéfiniment auto-entrepreneur.
Une véritable réflexion doit être menée sur ce sujet et un vrai texte législatif est aujourd’hui nécessaire.
Le 18 décembre dernier, au Sénat, M. Éric Woerth, ministre du budget, a dit qu’il n’était pas très favorable à l’extension de cette obligation à ceux qui exercent sous le statut d’auto-entrepreneur à titre complémentaire.
Il faut pourtant revoir cette question de près afin de ne pas fragiliser les chambres de métiers et de l’artisanat, ainsi que les autres structures représentatives de ces différents métiers, réseau formidable d’artisans de toutes professions à qui il convient de rendre hommage.
Il semble qu’une évaluation de l’auto-entrepreneuriat s’impose, et ce de façon assez urgente.
En l’absence de contraintes et de charges, tout dispositif est forcément d’une plus grande efficacité. Comment pourrait-il en être autrement ? Les auto-entrepreneurs, parce qu’ils sont exonérés d’un certain nombre d’obligations, échappent aux conditions d’une concurrence loyale aux yeux des artisans, qui sont, eux, sur le terrain, soumis à toutes les contraintes afférentes à l’exercice de leur activité. Une telle situation ne saurait durer indéfiniment, sauf à voir bientôt l’auto-entrepreneuriat se substituer progressivement à des pans entiers de l’économie de proximité. On voit de plus en plus de personnes, notamment des retraités, développer une activité parallèle sous le statut d’auto-entrepreneur.
Passe encore le cas de l’auto-entrepreneur qui effectue quelques heures de jardinage chez ses voisins. Mais quid de celui qui réalise une installation électrique ou de plomberie s’il n’est pas en mesure de fournir la garantie décennale pourtant indispensable ?
Il faut donc absolument reprendre à la base un régime qui concerne un éventail de nouvelles activités et élaborer une véritable loi afin de gérer le succès du statut d’auto-entrepreneur. Si ce statut peut être la meilleure des choses, les abus doivent être évités.
À cela s’ajoute aujourd’hui le problème de la sous-traitance auto-entrepreneuriale, qu’il ne faut surtout pas négliger.
Pour éviter un certain nombre de dérives, qui ne seraient pas conformes à l’idée que nous nous faisons d’une croissance saine et équilibrée, vous allez devoir, monsieur le secrétaire d’État, mettre bon ordre à tout cela. À l’évidence, nous avons besoin, je le répète, d’une loi en la matière.
Mes collègues et moi-même serons attentifs aux conclusions du comité d’évaluation que vous avez convoqué pour ce début d’année, en présence des organisations professionnelles,
De même, nous serons attentifs aux dispositions du décret, actuellement soumis au Conseil d’État, instituant une vérification des qualifications professionnelles pour les artisans, comme pour les auto-entrepreneurs, car l’auto-entrepreneur doit avoir les mêmes compétences que celui qui décide d’exercer un métier sous un autre statut.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter.