Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Après plusieurs mois de débats, le projet de loi réformant la protection de l'enfance a été déposé sur le bureau du Sénat le 5 mai dernier.
Très attendu par les professionnels, les familles et les élus, et faisant l'objet d'un consensus, il établit un dispositif en trois points : le renforcement de la prévention, en multipliant les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels ; l'organisation du signalement de l'enfant en danger ; la diversification des modes de prise en charge des mineurs à protéger.
Or la mort coup sur coup, dans des conditions horribles, de deux très jeunes enfants a remis sur le devant de la scène le projet de loi pour la prévention de la délinquance, en préparation sous l'égide du ministre de l'intérieur, ce qui risque de porter un coup d'arrêt au projet de loi réformant la protection de l'enfance et suscite une vive inquiétude de l'ensemble des partenaires.
Sous couvert d'une actualité qui n'a rien à voir avec la protection de l'enfance, mais profitant de l'émotion générale, il serait dangereux de tomber encore une fois dans l'approche strictement sécuritaire, car les philosophies qui sous-tendent ces deux textes sont diamétralement opposées.
Le premier vise, pour la première fois, à aborder la question de la protection des mineurs sous l'angle de la prévention, au titre du droit des enfants à être protégés.
Demain, en privilégiant la répression, voire la stigmatisation plutôt que l'accompagnement et la prévention, vous ne répondrez pas aux difficultés rencontrées par certains enfants, adolescents et jeunes majeurs. Vous remettrez en cause l'engagement du Président de la République pris à la suite de l'« appel des cent pour le renouveau de la protection de l'enfance ».
Les maires vont se voir attribuer de nouvelles responsabilités, les immergeant dans la vie privée de leurs concitoyens et risquant de dénaturer leur fonction.
En effet, la protection de l'enfance repose sur un savant équilibre : l'instauration d'une confiance entre les professionnels et les familles, garantie par le secret professionnel. Le maire doit-il être dépositaire d'informations qui pourraient fragiliser cette relation de confiance ?
Tout amalgame entre ces deux textes nous apparaît donc dangereux et malvenu.
Le CPE, l'apprentissage à quatorze ans, la CRP sont des mesures qui ont été vécues comme une défiance à l'égard de notre jeunesse, qui apparaît comme un risque à contenir et non comme une chance et une richesse pour notre société.
La lenteur à nommer le nouveau défenseur des enfants et le report de la conférence de la famille en juillet sont autant d'éléments qui marquent le malaise de votre gouvernement dans sa relation avec les jeunes.
Monsieur le Premier ministre, vous avez l'occasion, en maintenant et en privilégiant le projet de loi réformant la protection de l'enfance, texte perfectible mais qui répond à une attente, de modifier cette image et de dire à quatorze millions de jeunes qu'ils ont droit à être protégés et aidés avec équité. Allez-vous saisir cette occasion ?