Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le second volet de la vaste réforme législative que ce gouvernement et celui qui l'a précédé ont entreprise pour conforter et développer notre agriculture. Il y a moins d'un an, nous avons adopté l'importante loi relative au développement des territoires ruraux. Nous abordons aujourd'hui les aspects économiques et sociaux de la production agricole.
Le projet de loi initial comportait trente-cinq articles. A l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, il en compte maintenant quatre-vingt-cinq. Je tiens à cet égard à saluer le travail mené par les députés, en particulier l'action de M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Bien sûr, nous avons quelques divergences d'analyse avec nos collègues députés, et la commission des affaires économiques du Sénat vous proposera de supprimer certains ajouts de l'Assemblée nationale.
Je souhaite aborder ici quelques grands points sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir et qui me paraissent particulièrement importants.
Sans revenir sur la présentation que vient d'en faire M. le ministre de l'agriculture, je rappelle que le titre Ier du projet de loi doit permettre aux exploitations agricoles d'intégrer une véritable démarche d'entreprise, qui leur permettra de mieux répondre aux évolutions des marchés agricoles. Cette évolution est liée au contexte international des négociations à l'OMC et à la réforme de la PAC, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Je saisis cette occasion pour me féliciter de ce que le Gouvernement et son ministre de l'agriculture aient fait en sorte que nous puissions examiner et - si vous en décidez ainsi - adopter ce projet de loi avant la fin de l'année. Je crois qu'il s'agit là d'un signe tangible adressé à l'ensemble du monde agricole.
Les principaux éléments de cette nouvelle démarche économique sont la création du fonds agricole, à l'article 1er, et celle du bail cessible, à l'article 2. L'Assemblée nationale a précisé que le fonds agricole était optionnel, précision utile que la commission des affaires économiques vous propose de conserver. Concernant le bail cessible, il convient de rappeler que celui-ci s'ajoute au statut du fermage mais qu'il ne supprime absolument pas le bail à ferme classique.
Nos collègues députés ont proposé que le bailleur puisse choisir le repreneur en cas de cession du bail. Il s'agit là d'un ajout critiquable car, dans la mesure où un fermier a en moyenne huit bailleurs, cette disposition compromettrait la cession d'un fonds agricole cohérent, c'est-à-dire une exploitation viable avec son foncier et son cheptel mort et vif.
Je voudrais également dire quelques mots de l'article 5, relatif au contrôle des structures. Il s'agit de simplifier ce contrôle, mais certainement pas de le supprimer. Il y a eu une confusion sur ce point chez certains députés, parce que le projet de loi supprime une référence législative aux CDOA. Mais il faut bien voir qu'il s'agit d'une mesure de coordination juridique, car les CDOA ont, depuis l'ordonnance du 1er juillet 2004, un statut réglementaire, ce qui est normal pour des commissions qui ne rendent que des avis consultatifs, que l'administration n'est pas obligée de suivre. Il faut rappeler, du reste, que nous avions déjà abordé cette question au début de l'année lors de l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux, dont le rapporteur était M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.
Une seconde mesure contenue dans cet article 5 suscite des interrogations. Ainsi, certains de nos collègues ont cru que cet article prévoyait la fin du contrôle des structures sur les formes sociétaires. Je les rassure, il n'en est rien : le contrôle des formes sociétaires demeure, et notre commission y reste très attachée.
Monsieur le ministre, il faudra que nous soyons très clairs sur ce point lorsque nous aborderons l'examen de l'article 5, car nous souhaitons obtenir une confirmation de votre part sur cette question.
Nous aurons également un vaste débat sur le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER. Je tiens à préciser que les amendements les concernant ont été renvoyés après l'article 10 sexies, afin que nous puissions les aborder tous en même temps.
Mais j'en reviens au présent projet de loi.
Le métier d'agriculteur est soumis à de multiples risques et aléas, qu'ils soient de nature économique ou climatique. Afin de prévenir leurs conséquences, le titre II du projet de loi tend à consolider le revenu agricole et à favoriser l'emploi. Pour cela, il explore trois grands axes.
Le premier concerne la recherche de nouveaux débouchés de nature non alimentaire. L'agriculture constitue un formidable réservoir d'énergies renouvelables, que ce soit à travers l'utilisation de la biomasse ou la production de biocarburants. Nous aurons à cet égard, à n'en pas douter, un débat très fourni sur deux points : l'interdiction des sacs en plastique non biodégradable à l'horizon 2010, mesure que je vous proposerai d'amender, et la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser les huiles qu'ils ont produites.
Le deuxième axe a trait à l'organisation de l'offre. L'agriculture souffre en effet de sa grande dispersion face à une distribution concentrée autour de quelques centrales d'achat. Le projet de loi favorise le regroupement des producteurs au sein de différentes structures, tout en tenant compte des contraintes communautaires. Je vous proposerai, sur ce point, quelques amendements simplifiant, voire enrichissant le dispositif.
Le troisième axe a pour objet la maîtrise des aléas. Sans supprimer le Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, les articles 18 et 19 le réaménagent et tendent à stimuler le développement de l'assurance récolte, qui sécurise et responsabilise davantage les agriculteurs. Le président de notre commission, M. Jean-Paul Emorine, présentera à cet égard un amendement important que j'ai cosigné avec notre collègue Dominique Mortemousque. Il vise à rendre progressivement obligatoire le recours à l'assurance récolte par les exploitants. C'est là un véritable sujet de fond, et il faudra prendre le temps nécessaire pour en débattre car il est très important.
Le constat est clair, monsieur le ministre : l'agriculture a considérablement évolué ces dernières années. Après ne s'être longtemps préoccupée que de productivité et de rendement, elle s'ouvre aujourd'hui à de nouvelles préoccupations. Le titre III du projet de loi les prend en considération, en cherchant à répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs.
Plusieurs pistes sont suivies.
La première concerne la garantie de la sécurité sanitaire. L'article 21 confie ainsi à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, l'évaluation du risque lié aux fertilisants et aux produits phytosanitaires en agriculture. Nous discuterons sur le point de savoir s'il convient également de lui transférer la décision d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. J'indique qu'à titre personnel j'y suis favorable.
La deuxième piste a trait à la réforme du dispositif des signes de qualité. Notre pays élabore d'excellents produits, dont la qualité et la provenance sont renommées dans le monde entier. Mais la surabondance de signes de qualité entraîne souvent une confusion dans l'esprit du consommateur. Aussi, l'article 23 les regroupe autour de trois grandes catégories et élargit les compétences de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, à la qualité. Si les grandes lignes en sont bien tracées, il conviendra de débattre de points qui, s'ils peuvent paraître accessoires, ont en réalité une grande portée symbolique.