Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi d'orientation agricole contient, comme tout projet, des éléments positifs, mais également d'autres éléments plus inquiétants, qui feront l'objet de ma part d'un certain nombre de questions.
Un tel texte a vocation à nous projeter vers les dix à quinze ans à venir. Il nous faut ainsi identifier les objectifs, s'agissant, par exemple, du nombre d'agriculteurs au terme de la période considérée : ils sont à ce jour entre 800 000 et 900 000 ; combien seront-ils dans dix ans : 300 000 ou 200 000 ? Voulons-nous une agriculture extensive à l'anglaise, ou une agriculture qui participe aux mutations de la PAC , qui les accompagne et, parfois, les devance ?
Dans cette recherche, je n'oublie pas la nécessaire et fondamentale projection économique, celle qui nous permettra de retrouver et d'identifier une agriculture compétitive, capable de rivaliser avec tous les acteurs de ce marché mondial.
Le présent texte apporte de nombreuses réponses à ces interrogations, et rapprocher l'agriculture d'un mode de gestion proche de celui de l'entreprise n'a rien d'aberrant, à la condition que, au-delà de sa mission économique, elle conserve une mission environnementale et sociale en lien avec les mutations de nos sociétés. Cela justifie d'ailleurs qu'elle bénéficie d'un statut fiscal et juridique privilégié par rapport, notamment, au monde du commerce.
Si le statut que vous nous proposez facilite un certain nombre d'installations, il suscite aussi des inquiétudes en raison de nombreuses imprécisions : qui va gérer les futurs baux, que va-t-on retrouver dans la notion de fonds agricole ? De plus, il est prévu, pour certaines des dispositions de ce texte, de légiférer par ordonnances.
L'inquiétude vient aussi d'un possible basculement vers une agriculture très libérale, incontrôlée, qui laisserait le champ libre à l'argent roi. Qui régulera le foncier, les DPU et les baux cessibles ? Est-il bien opportun de bloquer, de verrouiller les bailleurs pour mieux maîtriser le foncier ? Je ne le crois pas.
N'y a-t-il pas d'autres formes plus innovantes à trouver dans la relation entre le bailleur et le preneur ? Ne serait-il pas opportun de définir un nouveau cadre juridique et fiscal pour l'entreprise agricole ?
Qu'en est-il réellement en France ? Qu'en est-il de l'agriculture sociétaire ou individuelle dans nos zones de montagne, de piémont, dans les zones plus difficiles où l'agriculteur - et pas seulement l'agriculture - se marie pleinement avec le monde rural, participe à la vie rurale et reste l'acteur principal de ce qui identifie notre France rurale, celle qui aménage en permanence, sans le savoir, notre territoire, celle qui, par sa présence, valorise les savoir-faire locaux qui se transmettent de génération en génération, celle qui reste toujours perfectionniste et qui lie souvent agroalimentaire et terroir, celle qui, au-delà des chiffres d'affaires, a toujours fait l'honneur et l'identité de la France, celle qui est capable d'accepter tous les sacrifices pour continuer à être présente dans nos territoires, celle qui reste toujours capable de nourrir les hommes pendant les plus grandes crises, celle qui, pour résister, se diversifie en plusieurs métiers, parfois en plusieurs vies, et qui est toujours fière d'être encore là, toujours présente ?