Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 2 novembre 2005 à 15h30
Loi d'orientation agricole — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Quel cadre de vie voulons-nous proposer à ces femmes et à ces hommes ? Quel lien rural vont-ils conserver ? Comment la formation au métier d'agriculteur est-elle abordée ? Quel encadrement - car il en faudra bien un - prévoir dans la démarche très libérale que vous nous proposez ? Nous n'échapperons pas à cette question ! Le métier est soumis à trop d'aléas pour ne pas prévoir des couvertures, des garanties et des protections.

Les pistes sont inexistantes. Or nous sommes prêts à retravailler cette question de l'encadrement, qui est la contrepartie indispensable à l'ouverture, et donc au risque de fragilisation de l'agriculteur.

Quelles sont les perspectives s'agissant de la fin de l'activité ? Les retraites agricoles demeurant trop basses par rapport au statut du cadre paysan que vous voulez ouvrir, que peuvent espérer les agriculteurs ? Très rapidement, nous risquons de trouver les limites d'une trop forte libéralisation dans le domaine de l'agriculture. Cette double ou multiple agriculture est une nécessité pour la France, mais votre texte interroge plus qu'il ne rassure.

Comment apporter de la solidarité dans ce métier ? Comment poursuivre l'accentuation de la mutualisation et la coopération, en dépit des souhaits qu'ont certains de regrouper au maximum l'offre, notamment par l'ouverture des parts sociales à des ressources financières ?

Le fonds agricole pourra-t-il constituer une réponse ? Il faudra certainement aller plus loin dans cette approche, non seulement pour pouvoir disposer d'une vision à dix ou quinze ans, mais encore, comme nous l'enseigne la sagesse chinoise, parce que s'il est nécessaire de faire de petites choses, il faut que ce soit en grand nombre, et la petite exploitation s'inscrit dans cette logique.

Les transformations sont importantes et rapides. Les agriculteurs de notre pays, qui sont de moins en moins nombreux, cherchent à ne pas perdre pied dans un Europe qui s'élargit à d'autres nations agricoles. Pourtant, ils entendent dire, notamment outre-Manche - et davantage encore depuis le 29 mai -, que, pour la tourner vers l'avenir, il faudrait réorienter l'agriculture vers d'autres horizons que la PAC, une PAC qui symboliserait le passé. L'épisode du sommet européen de la semaine dernière atteste l'importance de la crise européenne sur ce sujet !

J'ai un moment pensé que la posture idéologique des deux France, la France d'en haut et la France d'en bas, avait fait long feu. Or l'impression générale demeure que ce projet avantagera certainement la France d'en haut, celle qui tirera profit de la concurrence, et moins sûrement celle d'en bas, celle des terroirs, celle qui peine à vivre, celle qui avait vu en la personne du Président de la République un rempart contre la mondialisation.

Comment satisfaire aux deux objectifs de l'Union européenne, à savoir la multifonctionnalité et la compétitivité de l'agriculture ?

Il est exact que le marché peut apporter une première réponse pour rétribuer l'acte agricole. Le fonds agricole participe de cette démarche.

Les soutiens publics aux services non marchands de l'agriculture sont également nécessaires, et les amendements que nous vous proposerons, monsieur le ministre, vont dans ce sens : ils visent à promouvoir l'existence et la coexistence de ces agricultures à la française, l'une tournée vers l'exportation et la compétition mondiale, l'autre, celle des territoires ; ils visent également, en vertu de notre principe républicain, à accentuer la solidarité entre elles.

Ce projet, monsieur le ministre, n'est pas entièrement nouveau. Certaines dispositions - et parmi les plus importantes - reprennent une proposition de loi portant diverses mesures urgentes relatives à l'agriculture, déposée en octobre 1997 par M. le rapporteur, Gérard César. Elles étaient « urgentes » à l'époque. Aujourd'hui, après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la PAC entre avril 2002 et juin 2003, ce projet apparaît davantage comme une adaptation à une réforme de la PAC déjà adoptée.

Si, il y a trente ans, le foncier était indispensable, aujourd'hui, il faut également gérer les DPU, devenus marchands en liaison avec le fonds agricole. Mais comment et par qui seront-ils gérés ? La légalisation de la marchandisation des aides publiques ne peut aller sans une définition de la nouvelle exploitation agricole ! Le risque est que le fonds agricole, à l'instar du fonds de commerce, puisse être créé demain par une personne morale ou physique qui aurait le nom d'exploitant sans en avoir la qualité.

Si le bail cessible entraîne un renchérissement néfaste pour le preneur, il peut apparaître comme un outil à double tranchant. Il faut s'interroger à cet égard sur le rôle des SAFER, car affaiblir leur rôle de contrôle va de pair avec une mécanique plus libérale de la gestion des outils de production. Pourtant, il conviendrait certainement de prévoir des modifications dans le fonctionnement de ces structures, dont certaines ont parfois eu tendance à déraper, et de leur donner une véritable mission dans le domaine du contrôle.

Une clarification est nécessaire et bienvenue s'agissant de l'organisation des producteurs et de l'élevage, monsieur le ministre. Nous vous accompagnerons dans ces démarches. A cet égard, le soutien à l'agriculture de groupe, par le biais d'ateliers communs, mérite d'être encouragé.

Si la réforme du fonds de garantie des calamités agricoles a aujourd'hui pour objet d'inclure dans ses missions l'assurance, rien ne nous porte à croire que le système hybride des vases communicants à sens unique entre l'enveloppe « calamités » et l'enveloppe « assurance » soit adapté ou suffisant.

L'orientation donnée à une agriculture productrice, entre autres, de biocarburants, de bioénergies et d'huiles végétales pures, à laquelle nous adhérons pleinement, devrait aller beaucoup plus loin dans la défiscalisation, monsieur le ministre. En effet, l'attente de notre pays est forte en la matière, et il conviendrait de ne pas le décevoir.

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