Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a indiqué le rapporteur, M. Gérard César, le texte ambitieux que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans le prolongement de la loi du 23 février dernier relative au développement des territoires ruraux.
Avec l'adoption du projet de loi d'orientation agricole, la législature actuelle aura donc permis de définir un nouveau cadre pour l'agriculture et le monde rural. A cet égard, je tiens à souligner combien il est important, d'un point de vue tant symbolique que juridique, que ce projet de loi soit discuté et adopté avant la fin de l'année. L'avancement de son calendrier d'examen permettra en effet de le rendre applicable au 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de l'ensemble des mesures liées à la réforme de la politique agricole commune dans notre droit national. Il était important que le Parlement relaie le message auprès du monde agricole.
Cependant, si le projet de loi d'orientation agricole reçoit un accueil très favorable de notre part, je me permettrai, monsieur le ministre, de développer plus longuement deux points particuliers qui me tiennent à coeur et que ce texte ne reprend pas entièrement.
Le premier a trait à l'exonération progressive de la taxe sur le foncier non bâti.
Cette question sera abordée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, mais elle s'inscrit tout à fait dans le cadre du présent débat. Je tiens donc à vous donner dès à présent mon sentiment sur la mise en oeuvre de ce que j'appellerai un dégrèvement plutôt qu'une exonération.
Tous les sénateurs sont très attachés à l'autonomie financière des collectivités locales. Or, à partir du moment où ces dernières subiraient une perte de recettes, il faudrait prévoir une compensation financière de l'Etat.
La taxe sur le foncier non bâti est payée par le propriétaire. Si celui-ci est exploitant, il bénéficiera du dégrèvement. Si le propriétaire n'est pas l'exploitant, ce dernier ne paiera pas sa participation à hauteur de 20 %.
Ce système est donc assez facile à mettre à oeuvre, puisque le Gouvernement pourrait être amené à dégrever à hauteur de 20 % la taxe sur le foncier non bâti. Le propriétaire bénéficierait du dégrèvement et le répercuterait en ne faisant pas appel à la participation financière du locataire.
Cela étant, la collectivité locale disposerait toujours du même niveau de recettes, puisque la taxe sur le foncier non bâti serait intégralement payée par le propriétaire, qui serait, en quelque sorte, remboursé par l'Etat.
J'essaie de défendre cet argument afin d'essayer de rassurer nos collègues sur l'autonomie financière des collectivités locales car, je le rappelle, la taxe sur le foncier non bâti peut faire l'objet d'exonérations pour la part régionale et la part départementale et qu'aujourd'hui seules la commune et l'intercommunalité bénéficient de la taxe sur le foncier non bâti quand il y a une fiscalité additionnelle.
Je réitérerai cette suggestion au moment de l'examen du projet de loi de finances, afin d'essayer que la mise en oeuvre du dispositif soit compréhensible par tous les acteurs du monde agricole et que l'allégement des charges attendues par les agriculteurs puisse être efficace.
Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne le développement de l'assurance récolte. Il s'agit d'un sujet récurrent depuis maintenant plusieurs années, dont la concrétisation est très attendue dans le monde agricole.
Mais replaçons le débat dans son cadre général.
La couverture des risques agricoles s'articule aujourd'hui autour d'une architecture à plusieurs piliers. Deux d'entre eux sont constitués de systèmes d'indemnisation obligatoires et collectifs : le régime dit de « calamités agricoles » et le régime dit de « catastrophe naturelle ».
Si ces deux systèmes ont historiquement prouvé leur utilité, ils souffrent aujourd'hui de nombreuses limites et insuffisances : application conditionnée à des critères très stricts, longueur et complexité des procédures, faiblesse des indemnités octroyées, précarité du financement du fonds ...
Deux systèmes d'indemnisation facultatifs et privés ont donc vocation à en prendre le relais, conformément d'ailleurs aux orientations du projet de loi : d'une part, le dispositif de la dotation pour aléas, la DPA, dont l'article 20 assouplit les modalités d'utilisation ; d'autre part, les produits d'assurance, plus particulièrement le mécanisme de l'assurance récolte.
Conformément aux conclusions du député Christian Ménard, vous avez souhaité, monsieur le ministre, promouvoir un dispositif de ce type couvrant plusieurs risques climatiques et combinant un financement provenant pour l'essentiel des exploitants sur une base volontaire à des subventions incitatives de l'Etat.
La première campagne de souscription de ces contrats d'assurance récolte multirisques est un succès, puisque 55 000 à 60 000 d'entre eux ont été conclus, couvrant approximativement les deux tiers des exploitations qui pouvaient y souscrire.
Si la direction prise est bonne, il convient aujourd'hui d'aller plus loin en élargissant au maximum l'assiette de ce dispositif assurantiel. En effet, seule une telle extension lui assurera une véritable portée et une efficacité satisfaisante. De plus, elle est indispensable pour permettre aux mécanismes assurantiels de prendre, à terme, le relais d'un système d'indemnisation publique aujourd'hui essoufflé en mutualisant le financement des risques. Enfin, elle permettra de responsabiliser et de mieux sécuriser les agriculteurs face à des aléas climatiques dont l'occurrence et l'intensité tendent à s'accroître.
Cette solution m'apparaît plus porteuse de sens et plus viable que l'idée d'assurance « revenus », qui a été évoquée tout à l'heure.
L'amendement n° 664 rectifié bis, que je présenterai à l'article 18 et qui est cosigné par M. Gérard César ainsi que par M. Dominique Mortemousque, prévoit la généralisation progressive de l'assurance récolte, ce qui pourrait être une mesure forte de la loi. J'y attache une importance particulièrement grande, monsieur le ministre, et j'ai bon espoir que vous partagerez mon point de vue à ce sujet.
Tels sont, brièvement résumés, les quelques points que je souhaitais évoquer. Le débat qui nous attend devrait être très fourni, si l'on en croit la richesse des discussions que nous avons déjà eues en commission sur certains points. Je ne doute pas qu'il sera également très fructueux !