Monsieur le ministre de l'agriculture, il fallait de l'audace pour se lancer dans une telle aventure législative. En effet, votre position est difficile : vous savez que la gestion d'une exploitation agricole s'établit sur le long terme et vous devez en permanence faire face à des changements multiples. Néanmoins, vous avez déclaré vouloir dessiner l'agriculture pour les prochaines décennies.
Pourtant, le « non » français à la Constitution européenne fut une catastrophe politique ; elle a notamment privé la France de son autorité morale de membre fondateur, qui lui permettait d'affirmer le rôle spécifique de l'agriculture en Europe.
Si les dernières propositions du commissaire Peter Mandelson, en particulier la baisse moyenne des droits de douane de 46 %, étaient acceptées, elles auraient une incidence forte, non pas tant parce qu'elles constitueraient une perte de recettes pour le budget de l'Union - les montants ne sont pas élevés - mais parce qu'elles permettraient des importations en provenance de pays où les coûts de production sont bien moindres.
Ces deux faits sont, bien sûr, extérieurs à votre projet de loi d'orientation, mais le second peut bouleverser les prévisions sur les revenus des agriculteurs français, et donc appeler de votre part des mesures plus fortes.
Les agriculteurs français sont désorientés. La baisse de leur revenu est planifiée. Devront-ils pousser leurs enfants à leur succéder ? La baisse des installations est le meilleur révélateur de cette inquiétude. Elle fragilise l'ensemble du monde rural et, en particulier, toutes les activités annexes liées au tourisme rural, qui représente un gisement d'emplois déjà exploité mais toujours prometteur.
Dans ce contexte, vous avez une obligation pour ne pas perdre leur confiance : toutes les décisions doivent être simples et lisibles ; pour eux, lisibilité et sincérité sont étroitement liées.
Je voudrais saluer votre méthode de travail et la concertation menée tant avec les organisations professionnelles qu'avec les parlementaires. Dans ce contexte très préoccupant, le dialogue est vital et donc indispensable.
Monsieur le ministre, vous proposez au monde agricole de s'adapter à ces nouvelles règles communautaires et internationales. Dans ce projet de loi d'orientation, vous couvrez en effet les principaux sujets : vous tentez de répondre tout à la fois aux attentes des agriculteurs en matière de lissage des revenus et de lutte contre les aléas, aux nouvelles exigences économiques, au souci environnemental, au besoin d'un véritable élan pour les débouchés non alimentaires.
Pour cela, vous proposez des mesures fiscales à hauteur de 80 millions d'euros ; sera-ce suffisant ? La fiscalité, élément essentiel de la survie des exploitations, doit être simple ; elle constitue un facteur primordial pour générer la confiance, et donc le dynamisme.
En effet, face au réaménagement progressif de la PAC, à la disparition programmée de la préférence communautaire, vous ne devriez pas craindre d'utiliser toutes les armes légales pour soutenir les agriculteurs français.
Un exemple : pourquoi nos agriculteurs ayant choisi le bio ne bénéficient-ils pas déjà d'une aide au maintien, comme leurs homologues britanniques, belges ou allemands ?
Ce projet de loi d'orientation offre de nouvelles perspectives et je retiendrai trois sujets sur lesquels vous apportez des améliorations notables : l'installation, la valorisation des productions et la simplification administrative.
Permettre le renouvellement des générations et la fluidité de la transmission des entreprises agricoles est essentiel pour notre pays puisque 250 000 exploitants devraient partir à la retraite à l'horizon 2020. C'est vital, en particulier pour mon département, le Gers, le plus rural de France.