J'ose espérer que le Parlement sera, d'une manière ou d'une autre, associé à la rédaction de ces ordonnances, et je crois pouvoir compter sur vous pour qu'il en aille bien ainsi.
La consolidation du revenu agricole vient en tête des préoccupations ayant guidé l'élaboration de ce projet de loi : je souscris pleinement à ce choix, mais je pense que cela passe aussi par le rétablissement d'un rapport de force plus équilibré entre les producteurs et la distribution.
Monsieur le ministre, il faut mettre fin à cette exception française qui veut que cinq centrales d'achat régulent le commerce dans notre pays et tentent par tous les moyens de réduire de façon drastique les prix payés aux producteurs, afin non pas de vendre moins cher aux consommateurs, mais plutôt de réaliser le maximum de profits.
Dans cette optique, les interprofessions agricoles devraient s'attacher à encadrer certaines pratiques commerciales subies par les producteurs, telles que les enchères inversées, les remises, les ristournes, les rabais, les marges arrière, afin d'aboutir à la suppression de celles qui n'amènent pas de contreparties en termes de volumes achetés ou de fréquence d'achat.
Cela étant, il faudrait également que les textes existants soient effectivement appliqués : je pense à celui qui permet de faire cesser la pratique de prix abusivement bas en cas de crise conjoncturelle, ou encore à la disposition résultant de l'adoption d'un amendement présenté par notre collègue Daniel Soulage et relative aux coefficients multiplicateurs dans le secteur des fruits et légumes.
Je me demande d'ailleurs si, face aux centrales d'achat, les producteurs ne devraient pas s'organiser en créant des « centrales de vente » qui leur permettraient de mieux lutter contre les pratiques de la grande distribution et d'augmenter ainsi leur revenu.
Une autre manière de redonner des marges de manoeuvre à nos agriculteurs consisterait à mieux prendre en compte ce que l'on appelle les fonctions non marchandes de l'agriculture : les agriculteurs ne sont pas que des producteurs, ils sont également des protecteurs de l'environnement et de la biodiversité, des « séquestrateurs » de carbone, des garants de l'entretien des paysages.
Ces fonctions ne sont, pour l'heure, pas rémunérées ; pourquoi ne pas envisager de financer effectivement ces services qui constituent une véritable valeur ajoutée pour notre société ? On pourrait, pour ce faire, utiliser les réserves importantes d'aides européennes disponibles au titre du second pilier de la politique agricole commune, axé sur le développement rural ?
Il conviendrait également de favoriser le développement de nouveaux débouchés pour notre agriculture, et je pense tout naturellement ici aux biocarburants. A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté de relever les objectifs de production inscrits dans le plan « biocarburants », mais il faudrait en outre encourager la recherche sur des procédés de fabrication de biocarburants ligno-cellulosiques de synthèse. L'Allemagne et la Suède s'intéressent déjà à la production de biodiesel de synthèse, et les Etats-Unis, grâce à leur ambitieux programme de recherches, devraient devenir dès 2010 le premier producteur mondial de carburants.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais énumérer rapidement quelques pistes de réflexion sur des points qui me préoccupent en tant qu'élu de la Meuse, et à propos desquels nous défendrons d'ailleurs plusieurs amendements.
J'évoquerai tout d'abord le renforcement des actions des SAFER, au service et, souvent, à la demande des collectivités territoriales.
Je voudrais ensuite mentionner la possibilité d'établir des baux précaires et révocables, quelquefois consentis par des collectivités territoriales lorsqu'elles disposent de terrains n'ayant pas d'utilisation immédiate. Dans certains cas, de tels terrains ne sont pas loués pour éviter les contraintes d'un bail, ce qui est tout de même regrettable.
Cette situation s'observe d'ailleurs particulièrement dans mon département de la Meuse, où le monde agricole connaît des baux précaires et révocables consentis par le ministère de la défense. De nombreux terrains militaires sont concédés ou rachetés progressivement par les collectivités territoriales, qui décident ensuite soit de les mettre en fermage, soit de ne pas les louer. Dans les deux cas, cela pose des problèmes.
Je ne saurais passer sous silence les retraites agricoles, qui doivent connaître l'évolution prévue dans le cadre des engagements antérieurement pris.
Enfin, je n'aurai garde d'oublier que mon département est largement voué à la production et à la transformation du lait, et a en outre une vocation forestière très affirmée.
Le prix du lait constitue, nous le savons, une préoccupation constante et suscite souvent des controverses entre producteurs et transformateurs. Il faut que les producteurs de lait puissent bénéficier d'un prix rémunérateur, sans lequel la viabilité de leurs exploitations serait mise à mal.
S'agissant de la forêt et de la filière bois, nous n'en avons toujours pas fini avec les conséquences des terribles tempêtes de 1999, et j'observe que les engagements financiers pris par les pouvoirs publics en matière de reconstitution des forêts ne sont pas toujours respectés, ce qui entraîne un retard particulièrement préjudiciable à ce secteur d'activité.
Monsieur le ministre, notre agriculture et notre industrie agro-alimentaire représentent des pôles importants de notre économie : il faut que les agriculteurs se sentent soutenus, que les jeunes puissent se voir proposer des perspectives d'avenir. Le projet de loi d'orientation agricole que vous nous présentez aujourd'hui et que nous allons améliorer au fil de nos travaux concourra, je l'espère, à leur redonner confiance. C'est la raison pour laquelle je le soutiendrai.