...- c'est notre patrimoine - et rappeler très concrètement que nous sommes la première destination touristique au monde, avec plus de 60 millions de visiteurs par an.
Cette multifonctionnalité est indispensable, et indissociable de l'agriculture. Or cela n'apparaît pas dans ce projet de loi.
On ne dira jamais assez que la fonction première des agriculteurs est la production pour nourrir les femmes et les hommes de notre pays. C'est ainsi qu'ils font vivre les territoires, mais ils les font vivre également par d'autres activités. Les agriculteurs et les agricultrices sont au centre de l'animation et de la vie en milieu rural, car ils ont une mission d'intérêt général, de services à la collectivité.
L'intérêt général, c'est aussi préserver le foncier et permettre aux collectivités locales de jouer leur rôle. Je me fais la porte-parole de nombreux maires et élus locaux qui s'interrogent, aujourd'hui, sur l'annonce du président Chirac concernant la suppression de la taxe sur le foncier non bâti. Il s'agit d'une mesure destinée à « calmer les campagnes », comme l'indique le rapport du Conseil économique et social !
Je veux rappeler que cette taxe représente environ un cinquième des recettes fiscales directes des 21 000 communes de moins de 500 habitants et que cette suppression porte atteinte au principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités.
En outre, ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, par cette mesure, de mettre les agriculteurs « à part », de casser le lien entre eux et le reste de la population ?
Ajoutons que cette taxe participe à l'effort des communes pour l'aménagement du monde rural.
J'ai néanmoins noté que vous nous proposiez de réduire cette taxe de 20 % seulement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.
Prendre en compte l'intérêt général, c'est aussi savoir entendre les attentes des citoyens, attentes qui ont évolué et qui continueront à le faire : qualité des aliments, traçabilité, sécurité sanitaire, demande de proximité, de respect de l'environnement, maintien des paysages, activités touristiques.
Je préside moi-même, en Bretagne, un de ces pays touristiques nés grâce à la volonté des professionnels et des élus locaux de maintenir la vie sur leur territoire et de faire connaître leur richesse à d'autres. Quelle dynamique est tirée de cette conjonction des énergies ! Parmi les acteurs, figurent bien sûr les agriculteurs, qui diversifient leurs activités, s'ouvrent à d'autres et accueillent concitoyens et étrangers. Ils font ainsi connaître et aimer la réalité de nos campagnes et, au-delà, de notre pays.
Toute l'activité paysanne, marchande ou non marchande, doit être reconnue. Elle existe et doit être valorisée. Or la notion de contrat entre l'agriculteur et l'Etat a totalement disparu.
Le contrat territorial d'exploitation permettait d'affirmer ce lien entre pouvoirs publics, société et agriculture. Il reconnaissait la diversité des agriculteurs selon leur région, leurs productions, leurs activités et aussi leurs difficultés. Il s'agissait d'une véritable orientation politique et philosophique, d'un outil innovant ; vous l'avez cassé. Il consacrait les diverses fonctions de l'agriculteur, certes producteur avant tout, mais également aménageur, entrepreneur, architecte du paysage, acteur social.
Vous provoquez la rupture avec l'ambition sociétale de l'agriculture qui apparaissait dans la loi d'orientation de 1999.
Vous nous proposez un recul de la spécificité agricole, notamment par l'assimilation des exploitations agricoles à des entreprises.
Vous nous proposez un nouveau paysage agricole, l'agrandissement des exploitations au détriment du lien social, du paysage et de l'emploi, au détriment également du renouvellement souhaitable des générations.
Le présent texte valorise les grandes exploitations aux dépens des petites et ne prend en compte les dimensions environnementales que de façon marginale. Il privilégie la compétitivité individuelle, en installant des milliers de petites exploitations dans une situation de précarité. N'êtes-vous pas déjà en train d'imaginer un monde rural sans paysan ?
L'Etat, en tout cas, ne joue plus son rôle d'organisateur, de régulateur. Il doit avoir un projet de territoire qui garantisse l'équilibre des espaces, la préservation des paysages et du cadre de vie. Le rôle de l'Etat est de définir une stratégie globale et d'en assurer la cohérence, après concertation, bien entendu !
Nous réaffirmons fortement la nécessité de l'intervention publique. Nous voyons bien, à travers ce texte, que nous sommes confrontés à deux conceptions opposées : vous vous orientez définitivement vers une agriculture libérale qui ne laissera aucune chance aux plus faibles et cela, nous ne l'acceptons pas !