Intervention de Jean Desessard

Réunion du 2 novembre 2005 à 21h30
Loi d'orientation agricole — Motion d'ordre

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Ainsi, l'ethyl-tertio-butyl-éther, l'ETBE, et le diester, sont issus de l'agriculture intensive et sont donc nuisibles à l'environnement de par leur mode de production, qui utilise du pétrole, et de par leur utilisation, alors qu'ils sont abusivement présentés comme d'efficaces carburants de substitution à l'essence. Mais pour qui sont-ils efficaces ? Quel est leur véritable bilan énergétique ?

De leur côté, les huiles végétales pures, dont l'écobilan est positif, sont mises sous cloche et font l'objet d'une discrimination dans le présent projet de loi, qui en limite sérieusement le développement.

De même, rien n'est fait en matière de recherche pour inciter les fabricants automobiles à adapter les injecteurs et les carburateurs aux huiles végétales.

Ainsi, l'essor et le soutien des agrocarburants profiteront peut-être aux agriculteurs, mais surtout aux lobbies agricoles et aux grandes firmes pétrolières ; ils ne sont pas suffisamment analysés en fonction du réchauffement climatique.

Les agrocarburants et les biocarburants deviennent plus rentables que le pétrole. Profitons-en pour accélérer la recherche dans ce domaine.

Enfin, il n'est pas assez question de la méthanisation des déchets végétaux et fumiers, malgré les recommandations de la Commission européenne. Pourtant, les systèmes sont parfaitement au point et permettent de ne pas laisser s'échapper dans l'atmosphère le méthane, l'un des gaz les plus « toxiques » pour l'effet de serre.

L'avenir des territoires ruraux n'est pas dans une mondialisation qui laisserait ses acteurs sur le carreau. Redynamiser les territoires ruraux et préserver l'environnement sont deux enjeux qui vont de pair et se rejoignent dans la prise en compte de la pluriactivité et de la multifonctionnalité de l'agriculture, mais aussi dans la mise en place des circuits courts. Il faut interpréter cette volonté d'autonomie protéinique et d'autosuffisance alimentaire non pas comme un retour en arrière et, encore moins, comme un idéal d'autarcie déplacé, mais comme une mesure de bon sens où tout le monde sera gagnant.

Pour l'environnement, les circuits courts permettent des économies d'énergie par la réduction considérable des transports. Mais si l'on utilise les huiles végétales pures, c'est aussi le moyen de créer des échanges entre agriculteurs, de procurer à ces derniers un complément de revenus, de favoriser les services publics dans des régions où les stations-service sont très espacées et où les collectivités locales sont demandeuses de moyens économiques et écologiques pour maintenir le car scolaire ou favoriser les déplacements de la camionnette de La Poste.

Par ailleurs, je suis surpris de voir écrit noir sur blanc dans ce projet de loi que les produits phytopharmaceutiques peuvent contenir des OGM. Voilà encore un moyen d'inscrire dans la loi des questions qui ne sont pas encore tranchées.

A l'heure actuelle, les animaux d'élevage sont nourris avec du tourteau de soja provenant du Brésil ou d'Argentine. Ces pays ont fait, en grande partie, le choix de cultures d'OGM. Ainsi, alors qu'en France le débat sur les OGM est loin d'être tranché, l'élevage français se nourrit d'OGM importés, malgré le refus massif des consommateurs.

S'il avait orienté l'agriculture française vers la mise en place des circuits courts, ce projet de loi aurait pu apporter une solution à ce problème. A titre d'exemple, le développement dynamique de la production d'huiles végétales pures à la ferme aurait permis de produire des tourteaux de tournesol ou de colza, qui ne seraient pas des OGM, qui n'auraient pas besoin de franchir des milliers de kilomètres et qui pourraient apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs.

J'en reviens à la fonction de l'agriculture. Il ne s'agit pas simplement d'une activité visant à produire du blé, de la viande, des légumes ou du lait, comme cela a été dit à plusieurs reprises. L'agriculture produit aussi des paysages, qui constituent notre patrimoine. Non figés dans le temps, ils évoluent depuis des millénaires. Il faut cesser de considérer qu'un espace non urbanisé est un espace vierge en voie d'urbanisation. Nous protégeons nos forêts au même titre que le patrimoine bâti, mais n'oublions pas les champs et les vergers.

L'agriculture est aussi la sauvegarde de l'environnement. Les espaces agricoles favorisent le maintien des sols, la préservation de la biodiversité. Dans l'esprit de beaucoup, la biodiversité reste encore un luxe un peu abstrait. C'est pourtant un .pilier essentiel non seulement de la protection de notre milieu naturel, mais aussi de la sécurité sanitaire. Il n'est que de voir l'exemple des ravages causés par la vache folle dans le cheptel des Prim Holstein. Peut-être l'avenir nous montrera-t-il que la grippe aviaire s'est propagée en raison de la standardisation du capital génétique. Véritable barrière en cas de pandémie, la variété des espèces pourra certainement nous être utile face au changement climatique qui nous est annoncé.

C'est la raison pour laquelle je m'interroge au sujet des articles de ce projet de loi qui prévoient la certification des semences pour les ruminants. Il m'avait pourtant semblé que nous allions dans le sens d'un retour à la diversité des races avec la réhabilitation du baudet du Poitou ou de la pie noire bretonne, sauvée in extremis de la disparition.

J'en viens à la qualité de notre alimentation. Deux choses devraient aller de pair : la qualité gustative et la qualité sanitaire. Mais, trop souvent, ce vocable « sanitaire » n'est que le souci hygiéniste pastorien. Jamais n'est prise en compte l'accumulation des toxiques chimiques dont sont remplies les cuves des pulvérisateurs agricoles.

Trop souvent dans ce projet de loi, les consommateurs, ainsi que leurs associations dont le rôle de veille est essentiel pour les parlementaires que nous sommes, sont oubliés des organismes consultatifs.

Trop souvent, le respect de l'environnement et la protection animale sont oubliés des processus de labellisation des produits ou des conditions indispensables à l'obtention d'un soutien financier.

Où sont les projets pour une agriculture raisonnée, moderne par son souci de réduire les intrants, de redynamiser les territoires, de donner leur place aux grandes comme aux petites exploitations ? Quelles sont les perspectives dans le domaine de la recherche qui permettront de développer une agriculture intelligente dans les années à venir ?

Si nous prenons l'exemple du maïs, je ne vois rien dans le présent texte qui incite concrètement à réfléchir sur cette culture extrêmement consommatrice en eau. En ces temps de dérèglements climatiques et d'épuisement des ressources, faut-il exploiter le maïs différemment et, si oui, comment ? Ou bien faut-il en arrêter progressivement la culture dans certaines régions ou l'associer à d'autres cultures ?

Ce projet de loi entend adapter le monde agricole à la libéralisation des échanges, à la recherche du prix minimum. Ce n'est pas la direction que les consommateurs, les agriculteurs, les Verts et leurs parlementaires souhaitent prendre.

Dans le cadre actuel de crise environnementale, c'est pourtant de l'agriculture que viendront les solutions. Productrice d'énergie verte, génératrice d'échanges et d'emplois, implantée dans le monde rural en équilibre par rapport à la ville, l'agriculture moderne sera écologique, sociale, ou ne sera pas. Ce n'est évidemment pas dans cette direction que nous oriente la nouvelle loi agricole, puisqu'elle est sans véritable orientation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion