Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à donner de nouvelles orientations à l'agriculture et aux agriculteurs, mais aussi à la politique économique et internationale de la France.
Nous mesurons en effet l'atout exceptionnel que représente l'agriculture pour notre pays dans ses développements actuels, qui sont essentiellement la production de biens alimentaires, et nous appréhendons de mieux en mieux les développements des productions de demain, qui sont non alimentaires et très prometteuses à bien des égards.
Dans ces deux domaines de production, l'alimentaire et le non-alimentaire, nous devons donner à l'agriculture tous les moyens lui permettant de renforcer sa place dans un secteur d'activités qui, à la fois, procure le plus d'emplois dans notre pays - 2, 5 millions d'emplois, vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre - et, par ses exportations, apporte d'importantes rentrées de devises ; avec 8 milliards d'euros, l'agriculture se place au deuxième rang de nos exportations.
Revenons un instant sur la première mission de l'agriculture, qui est la production des biens alimentaires. L'agriculture offre en effet à nos concitoyens l'indépendance alimentaire, avec une production de grande qualité, abondante, variée et sécurisée, avec la meilleure traçabilité au monde, tous les experts s'accordent sur ce point.
Le développement de la production agricole, qu'il faut renforcer, devra permettre à la France de prendre toute sa place aux côtés des grands pays producteurs qui devront relever le défi alimentaire mondial de ce début du XXIe siècle. Demain, il faudra nourrir 9 milliards d'hommes et de femmes. Pour cela, il faudra au moins doubler la production alors que, dans le même temps, la surface agricole continuera de se réduire.
En Chine, les simples besoins d'urbanisation absorbent depuis cinq années plus d'un million d'hectares par an ; je rappelle que la surface agricole utile de la Chine est de 115 millions d'hectares.
Alors le charabia, le blabla des disserteurs sur les excédents agricoles est désormais dépassé, voire indécent. Depuis plus de cinq ans, la production mondiale est devenue inférieure à la consommation solvable, elle-même très en deçà des besoins. Pour les seules céréales, les stocks mondiaux sont à peine équivalents à deux mois de consommation. La consommation solvable depuis cinq ans augmente de 30 millions de tonnes par an.
Si l'agriculture française a encore d'importants développements à faire dans le domaine de la production dite alimentaire, elle doit s'attaquer à un autre défi, celui de la demande croissante d'utilisation non alimentaire des productions agricoles, appelée aussi la chimie verte.
Cette demande se décline dans le domaine de biocarburants, car réduire notre dépendance énergique et la facture qui s'ensuit est devenu une ardente obligation, surtout à l'heure où la ressource pétrolière s'assèche.
La chimie verte se décline aussi dans le domaine de la production de produits tensioactifs, avec toutes les perspectives d'élaboration de matériaux industriels à base de fibres végétales, par nature biodégradable.
La chimie verte se décline encore dans le domaine des cultures biomoléculaires pour répondre aux nouveaux besoins de l'industrie pharmaceutique.
Bref, la chimie verte semble sans limite. A partir d'une plante on peut fabriquer, entre autres, des aliments, des carburants, des produits industriels, des produits pharmaceutiques, des articles de beauté, des détergents. Tous ces produits sont biodégradables. En outre, les agro-ressources sont inépuisables, puisque sans cesse renouvelables, et de surcroît « indélocalisables ».
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grands enjeux, les défis majeurs que notre agriculture doit relever en ce début de XXIe siècle. Le projet de loi d'orientation agricole s'inscrit dans cette perspective puisqu'il vise à donner aux agriculteurs les moyens de relever tous ces défis.
Ce projet de loi est l'aboutissement du travail de concertation que vous avez conduit, monsieur le ministre, avec l'ensemble des représentants du monde agricole. Il tend à moderniser le statut de l'exploitant, à faciliter l'exercice du métier, sous forme associative ou sociétaire, à permettre, par une contractualisation équilibrée et plus équitable pour les agriculteurs, d'améliorer leurs relations avec les autres acteurs de la filière. Il dotera aussi les exploitants de meilleurs outils pour gérer les risques et aléas de la production.
Le présent projet de loi a aussi pour objet de simplifier les procédures et réglementations administratives, souvent tatillonnes, il faut le reconnaître, que subissent les agriculteurs.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est un bon projet de loi. Enrichi du travail des sénateurs il deviendra, je n'en doute pas, une très bonne loi, une grande loi, comme le fut en son temps la loi dite Debré-Pisani.
Avec cette loi et ses déclinaisons budgétaires à venir, nous voulons donner aux agriculteurs des raisons de croire en leur métier en vivant dignement de leur travail, en retrouvant des capacités d'investir et d'oser entreprendre. Nous voulons aussi les conforter dans leur rôle irremplaçable en matière d'aménagement du territoire. Nous voulons leur donner les moyens de pratiquer une agriculture durable, respectueuse de l'environnement. Oui, cette future loi permettra de garantir l'avenir des agriculteurs et de conforter un secteur important pour la prospérité de notre pays.