Intervention de Jean Bizet

Réunion du 2 novembre 2005 à 21h30
Loi d'orientation agricole — Motion d'ordre

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, proposer une loi d'orientation agricole est toujours un moment fort non seulement pour notre agriculture, mais aussi pour le pays tout entier, car, plus que jamais, l'agriculture est au coeur de notre société.

Souvenons-nous de la loi d'orientation agricole de 1960, qui avait confié à notre agriculture la délicate mission d'assurer la couverture alimentaire des Françaises et des Français.

En 2005, l'environnement socioéconomique ayant profondément évolué et l'agriculture étant entrée dans une économie de marché, il convient de passer d'une vision patrimoniale à une vision entrepreneuriale de l'agriculture française. Parallèlement, nous devons assurer une parfaite intégration de l'agriculture au sein de cette société dont les aspirations ont, elles aussi, beaucoup changé.

Les Françaises et les Français veulent davantage de qualité, de sécurité sanitaire, de typicité, et également de l'environnemental et du bien-être animal - que de missions ! - ainsi que, tout récemment, à la suite à l'explosion durable des coûts de l'énergie, la fourniture de biens non alimentaires.

Cette loi d'orientation répond à toutes ces demandes, avec pertinence et détermination. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous en féliciter et de vous assurer de mon total appui.

Je ne mettrai l'accent que sur deux points.

Le premier est la vocation non alimentaire de l'agriculture, approche désormais essentielle ; c'est même la grande évolution de l'agriculture de ce XXIe siècle. Cette « chimie verte » doit produire non seulement des biocarburants, mais aussi des biolubrifiants, des cosmétiques, des acides gras spécifiques, des acides aminés essentiels...

La production de ces molécules industrielles, dont la toute première transformation pourra être réalisée « au champ », est une vraie révolution, qui permettra de diversifier profondément notre agriculture et d'assurer une régulation plus fine de nos volumes de production des filières proprement alimentaires.

Sur ce sujet particulier, monsieur le ministre, permettez-moi d'insister sur le nécessaire partage de la valeur ajoutée entre l'agriculteur et l'industriel, gage d'une indispensable équité, et sur la pertinence de l'utilisation des biotechnologies dans le domaine non alimentaire, afin de répondre à la demande de l'industrie tant en quantité qu'en spécificité de production des molécules concernées. Actuellement, 1 200 000 hectares sont en jachère. Je me réjouis que l'agriculture française puisse trouver une destination spécifique à ces surfaces au travers du non-alimentaire.

Le second point sur lequel je veux mettre l'accent est l'intégration de notre agriculture dans un environnement très concurrentiel à l'échelon international.

A la veille des négociations de l'OMC à Hong-Kong en décembre prochain, nos débats d'aujourd'hui n'ont que plus d'importance encore pour conforter nos agriculteurs et nos industries agroalimentaires, afin que les uns et les autres puissent affronter les marchés dans de meilleures conditions. Soyons particulièrement conscients de l'importance grandissante des tensions sur les marchés, qu'ils soient de matières premières ou de produits transformés.

Monsieur le ministre, permettez-moi de regretter qu'en juin 2003 - c'était hier ! -, lors de l'Accord de Luxembourg, nous ayons été un peu trop vertueux - c'est le qualificatif qui convient - en réformant trop fortement la politique agricole commune. A cette époque, je m'étais exprimé contre l'ampleur des mesures proposées par M. Franz Fischler et portées à l'OMC par M. Pascal Lamy, notre commissaire européen de l'époque. Certes, la stratégie était bonne, mais le dosage ne l'était pas ! Face à nos partenaires, notamment les Etats-Unis, nous n'avons plus aujourd'hui qu'une infime marge de manoeuvre dans la négociation.

Monsieur le ministre, les négociations avec M. Portman, secrétaire d'Etat américain au commerce extérieur, vont se dérouler alors que ce dernier n'aura aucune maîtrise sur la réforme du Farm Bill, programmée après Hong-Kong, au cours de l'année 2007. Seul le congrès américain aura les pleins pouvoirs et, aujourd'hui, personne ne peut être sûr qu'il renouvellera au président Bush, au travers de la procédure dite du fast track, son autorité économique.

Nous serons alors dans une totale impasse, avec des aides américaines à hauteur de 20 000 dollars par farmer, à comparer aux 14 000 dollars par agriculteur français, ...

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