Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 2 novembre 2005 à 21h30
Loi d'orientation agricole — Motion d'ordre

Dominique Bussereau, ministre :

Monsieur le rapporteur, j'ai bien noté votre adhésion aux dispositifs centraux proposés dans ce texte, à savoir la cessibilité du bail et la création du fonds agricole. Je confirme mon accord sur le caractère optionnel de ce fonds.

Par ailleurs, je suis très ouvert à tous les aménagements que vous proposez pour adapter des dispositions relatives aux sacs plastiques ou aux huiles végétales pures.

Je partage également votre souci de clarifier ce texte. S'agissant du contrôle des structures, par exemple, le projet de loi tient compte du livret qui a été élaboré en y associant les organisations professionnelles agricoles et la représentation nationale.

De façon générale, les sociétés sont traitées à égalité avec les exploitations individuelles. Le contrôle de la double participation est maintenu. Les modifications proposées dans ce projet de loi sont donc limitées : elles concernent essentiellement la réduction du nombre d'associés et la répartition interne du capital entre les associés. Les contrôles spécifiques aux sociétés ont été peu utilisés compte tenu de leur complexité et des risques de contentieux qu'ils présentent.

Nous aurons l'occasion de revenir sur vos principales propositions, monsieur le rapporteur, lors de la discussion des articles.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez, à juste titre, évoqué les incertitudes qui pèsent sur l'évaluation des DPU. Il est vrai que nos prévisions s'arrêtent à 2013, mais cela représente tout de même 10 milliards d'euros par an d'ici là !

Vous avez également abordé les conséquences fiscales de la création du fonds agricole, ce qui est compréhensible en votre qualité de rapporteur de la commission des finances. Je puis vous apporter des assurances en la matière : d'une part, la création de ce fonds n'aura aucune conséquence fiscale au moment de sa création ; d'autre part, en cas de mutation à titre gratuit, le régime fiscal sera le même que pour l'exploitation individuelle, avec, pour le cédant, une exonération des plus-values si l'activité est poursuivie, et des trois quarts des droits de mutation pour les héritiers. En cas de vente, les plus values du cédant bénéficieront des exonérations prévues dans la loi Dutreil et le repreneur ne devra acquitter qu'un droit fixe de 125 euros, disposition qui a été introduite par les députés.

Enfin, je veillerai à ce que le dispositif relatif à l'exonération des plus-values prévu pour la cession des fonds de commerce d'une valeur inférieure à 300 000 euros, qui doit être revu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, soit étendu au fonds agricole. Sur ce point, vous aurez donc satisfaction, monsieur le rapporteur pour avis.

Je tiens également à remercier le président de la commission des affaires économiques de sa contribution. S'agissant de l'exonération de la TFNB, il a développé une argumentation simple, que je partage. Il est par ailleurs très attaché à l'assurance récolte.

L'un des objets du projet de loi est bien d'encourager la compétitivité de notre agriculture, donc d'alléger les charges. Pour ce faire, le Premier ministre a décidé de diminuer progressivement la taxe sur le foncier non bâti. Je le répète, un débat vous sera proposé à ce sujet dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Cette mesure représente quand même 140 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable pour les exploitations agricoles. Cette diminution sera intégralement compensée par l'Etat aux communes. Le dispositif proposé permettra de la répercuter totalement sur les exploitants agricoles. J'ai bien entendu l'appel quelque peu différent de M. Vasselle en la matière.

Monsieur Emorine, vous souhaitez par ailleurs développer le mécanisme d'assurance récolte, qui a rencontré un franc succès, avec plus de 65 000 adhésions la première année. Le monde agricole est donc intéressé ! Je partage votre analyse : il est nécessaire d'élargir l'assiette, afin de mutualiser les risques. Le Gouvernement examinera favorablement l'amendement que vous proposez et qui vise à étendre progressivement ce mécanisme à l'ensemble des productions agricoles.

Monsieur le Cam, nous avons des visions stratégiques divergentes sur l'agriculture. Peu d'articles du texte recueillent votre approbation, et je le regrette. Je tiens toutefois à corriger, si vous permettez cette expression, quelques points.

Les quotas laitiers n'ont pas de valeur marchande et n'ont donc pas vocation à faire partie du fonds agricole. S'agissant de l'article 14 relatif à l'organisation économique des producteurs, le transfert de propriété n'est pas l'unique voie de reconnaissance pour les organisations de producteurs. Nous avons prévu une certaine souplesse dans le mécanisme.

Vous avez également évoqué les « mesurettes » prises en faveur des producteurs bio. On peut toujours, il est vrai, faire plus, mais les dispositions prévues représentent déjà 22 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable. On sait que l'agriculture biologique dispose d'un créneau économique dans notre pays.

Monsieur Soulage, vous avez parlé du calendrier quelque peu serré de l'examen de ce texte, des biocarburants, de la filière des fruits et légumes, de l'assurance récolte. Je vous remercie d'avoir rappelé que l'agriculture constitue un atout essentiel pour le dynamisme économique de nos régions. Ce projet de loi est cohérent avec la mise en oeuvre de la réforme de la PAC. Nous avons souhaité utiliser la procédure d'urgence, car il est essentiel que les décrets d'application soient publiés avant le 1er janvier 2006.

Vous avez également abordé la question des biocarburants, comme l'avait fait à l'Assemblée nationale votre collègue du Lot-et-Garonne Jean Dionis du Séjour.

Le développement non alimentaire des produits agricoles est désormais un objectif à part entière de notre politique agricole. Comme M. Beaumont vient de l'indiquer, le Gouvernement s'est engagé sur des objectifs concrets quantifiés.

En ce qui concerne les huiles brutes, nous avons mis en place un dispositif, avec une phase d'observation, afin d'éviter que le développement trop rapide et non contrôlé des huiles brutes ne remette en cause celui de l'éthanol ou du diester. Nous essayons de parvenir à un équilibre. Naturellement, nous pourrons revenir sur ce point, car il s'agit d'une question importante.

S'agissant de la filière des fruits et légumes, votre département, comme bien d'autres - notamment ceux du Tarn-et-Garonne, du Vaucluse, ou encore des Bouches-du-Rhône -, est touché par la crise que connaît ce secteur. Nous voulons lutter contre les distorsions de concurrence au niveau européen. J'ai récemment envoyé un courrier à la commissaire européenne à propos des importations massives ou mal contrôlées qui ont eu lieu l'été dernier.

Nous avons également pris de bonnes mesures en faveur de l'emploi saisonnier, car ce secteur y a largement recours. L'organisation économique de cette filière doit être améliorée ; j'ai engagé des démarches en ce sens au niveau européen, car les dispositifs de gestion de crise font actuellement défaut. Il est vrai que nous ne disposons pas des bons outils eu égard tant aux règles de concurrence qu'aux règles de gestion des marchés. Avec un grand nombre de pays, nous faisons donc pression sur la Commission européenne pour avancer dans ce domaine.

M. Pastor, quant à lui, a notamment estimé que le texte était un peu libéral. Il a évoqué les petites entreprises, la multifonctionnalité. Les petites entreprises agricoles bénéficieront de toutes les mesures contenues dans ce texte ; j'emploie à dessein le terme « entreprise », car la forme sociétaire n'est pas, à mes yeux, opposée au fait que l'exploitation conserve son caractère familial. Mais il faut bien prendre en compte les évolutions actuelles.

La multifonctionnalité est au coeur du texte de Jean Glavany ; elle passe par le développement de nouveaux débouchés pour l'agriculture. Selon moi, ce texte ne représente pas une marche arrière, bien au contraire !

M. Jacques Blanc a défendu avec passion, comme bien d'autres, la nécessité de prévoir un volet « montagne ». Il a beaucoup travaillé sur ce sujet en commission, avec le rapporteur et le président. Il a même, à un certain moment, poussé à la roue. Quarante amendements ont été déposés à ce propos ; nous verrons le sort qui leur sera réservé.

L'idée est de reprendre les mesures déjà introduites par l'Assemblée nationale, en particulier le code de la montagne, et, si vous le décidez, d'y ajouter d'autres dispositions. Par exemple, M. Blanc a proposé de prendre en compte les handicaps naturels ou le soutien à la fonction agro-environnementale de l'agriculture de montagne. Mais cela peut aussi intéresser la politique de la forêt.

M. Baylet a indiqué que ce texte privilégiait les grandes exploitations. C'est faux ! Ce texte ne se résume pas à cette logique. Je ne crois pas que le volet social soit inexistant. La suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants, la mise en place d'un congé formation en faveur des exploitants agricoles, le congé de remplacement pour les éleveurs, l'amélioration de la protection sociale des petits exploitants - exploitations d'une superficie inférieure à une demi-SMI - sont autant de mesures qui démontrent que ce texte prend bien en charge le volet social.

Madame Hoarau, vous avez évoqué deux sujets importants pour la Réunion.

Tout d'abord, la suppression du colonat, une demande ancienne des agriculteurs réunionnais, est une mesure essentielle du projet de loi.

Vous avez également souligné la crise que traverse l'agriculture réunionnaise du fait de la situation de la production sucrière.

Vous le savez, la Commission européenne a engagé une réforme de la filière du sucre. Nous nous battons pour obtenir des aménagements en faveur de l'outre-mer : une moindre baisse du prix du sucre, le rétablissement de l'aide à l'écoulement dans l'enveloppe financière accordée à la filière ou encore des mesures très spécifiques pour l'outre-mer.

Lors du Conseil des ministres qui s'est tenu la semaine dernière, nous avons indiqué très clairement à la Commission que ce texte devait être amélioré dans son volet ultramarin et pour les petites sucreries qui ne se situent pas dans les grands secteurs de production de la métropole. Si la Commission persistait dans une attitude de blocage sur les négociations de l'OMC, nous serions conduits à revoir l'approbation de principe que nous avons donnée à propos de la réforme du sucre.

Quoi qu'il en soit, nous souhaitons préserver les intérêts de l'outre-mer et ne pas oublier les pays les moins avancés, telle l'île Maurice, une grande part de leur activité économique et de leurs exportations dépendant de la production sucrière. Nous devons, dans notre politique, tenir compte des liens anciens que nous avons depuis les accords de Lomé.

M. Jean Boyer a surtout évoqué les zones de montagne, qu'il connaît bien dans le département de la Haute-Loire, et les compensations du handicap naturel. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sont traitées dans différents titres du projet de loi, ce qui nuit à leur lisibilité. Sur l'initiative de votre rapporteur, de Jacques Blanc et de vous-même, elles seront regroupées. Elles formeront, je l'espère, un véritable volet « montagne », sachant que la loi relative au développement des territoires ruraux avait déjà largement abordé ces questions.

Mme Herviaux a évoqué le décalage existant entre ce projet de loi et les débats régionaux. Certes, nous n'avons pas pu tenir compte de tous les débats qui se sont déroulés dans les vingt-deux régions métropolitaines et les régions d'outre-mer, car ils ont naturellement été très riches et divers, mais c'est vraiment à partir de cette consultation que nous avons élaboré ce texte.

La Bretagne étant une grande région agricole, je n'ose imaginer qu'une partie des propositions que nous avons reprises n'aient pas été évoquées par cette région.

Vous avez décrit l'évolution de l'agriculture dans un petit village breton. J'ignore si c'est celui de la bande dessinée, mais j'ai trouvé votre histoire imaginative.

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