Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 2 novembre 2005 à 21h30
Loi d'orientation agricole — Motion d'ordre

Dominique Bussereau, ministre :

Votre majorité a mis en place, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un contexte budgétaire très difficile, la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles. Elle représente en moyenne 1 000 euros supplémentaires par an pour 435 000 retraités. C'est également cette majorité qui a voté la mensualisation de la retraite, répondant ainsi à une demande très forte et très ancienne des retraités agricoles, ainsi que l'a souligné M. Bailly. Pour autant, de gros efforts doivent encore être faits en leur faveur. Nous savons tous, par exemple, pour les recevoir dans nos permanences, ce que représente la retraite mensuelle des veuves retraitées.

Je remercie M. de Montesquiou du soutien qu'il apporte au texte. Il a évoqué le coût que représentent l'ensemble des mesures prévues, à savoir 80 millions d'euros. C'est peut-être peu, mais, dans la conjoncture budgétaire actuelle, c'est important. En outre, il convient d'ajouter à cette somme les 140 millions d'euros correspondant à la première tranche de baisse de la taxe sur le foncier non bâti, ce qui représente, au total, 220 millions d'euros.

S'agissant de l'armagnac, alcool aussi important que le cognac, nous pourrons sans doute satisfaire vos voeux par la voie réglementaire. Je vous propose que vous-même, les producteurs et le ministère travaillent sur ce sujet. Je veillerai à ce que cela se fasse rapidement. En cas d'accord, nous aurons réglé cette affaire dans deux à trois mois. Rien ne s'oppose à ce que nous apportions une réponse à votre demande dont je comprends parfaitement la justification.

M. Biwer a évoqué la démographie des agriculteurs ainsi que celle des fonctionnaires, et a établi des comparaisons. Il a souhaité une politique intelligente des contrôles. Nous avons fait beaucoup d'efforts en cette matière : nous avons essayé de les limiter dans le temps et d'organiser de meilleurs rapports au moyen d'une charte. Tout s'est relativement bien passé cette année, sur le terrain, mais les efforts doivent être poursuivis.

Il nous faut également assurer la protection des contrôleurs. Nous avons tous en mémoire le drame survenu en Dordogne. Il y a quelques semaines, M. Mortemousque et moi-même étions sur place afin de rendre hommage à ces contrôleurs qui ont été assassinés dans des conditions épouvantables. Il faut donc pacifier les relations et mieux organiser le dialogue afin que les agriculteurs n'aient pas le sentiment que leur exploitation est soumise à une multitude de contrôles sans suites et sans coordination.

Mme Boyer a rappelé la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, dont je ne conteste pas certains effets positifs. Le projet de loi qui vous est soumis s'adapte aux exigences d'aujourd'hui, qui ne sont pas exactement les mêmes qu'à l'époque, compte tenu de la réforme de la PAC et des questions liées à l'OMC. Nous avons veillé à ce qu'il soit cohérent avec la loi relative au développement des territoires ruraux. Il existe une complémentarité entre l'économie agricole et les enjeux du développement rural. Ce projet doit donner confiance aux agriculteurs, qui ont un rôle de producteurs de biens agricoles, mais également de biens non alimentaires.

Je confirme à M. Vasselle, qui a une connaissance tant professionnelle que politique de ce sujet, que nous avons cherché à utiliser toutes les marges de manoeuvre disponibles dans les cadres communautaires et internationaux. Il faut être positif. Nous pouvons agir en de nombreux domaines. J'ai bien noté vos remarques sur la TFNB, sur le FIPSA, sur l'équilibre du PLFSS, dont vous êtes le rapporteur. Nous aurons des débats sur le financement du FIPSA lors de l'examen du PLFSS ou lors de l'examen du projet de loi de finances, à tout le moins avant la fin de cette année calendaire.

J'ai souhaité saisir l'occasion de ce projet de loi pour définir, à travers le bail cessible, un nouvel équilibre entre bailleur et preneur. Je me réjouis du caractère très constructif de la concertation que nous avons menée avec l'ensemble des parties. Nous avons réussi à trouver un équilibre qui ne lèse aucune d'entre elles. Nous nous situons dans un scénario « gagnant-gagnant », que nous pourrons toujours améliorer au moment de la discussion des articles.

M. Raoult a parlé de la compétitivité de l'agriculture, de sa dépendance à l'égard des marchés mondiaux et de la solidité de nos industries agroalimentaires. Il est vrai que la garantie des prix est une nécessité de bon sens : des prix plus élevés aux plans européen et international sont préférables aux aides. C'est la raison pour laquelle nous nous battons, au sein de l'OMC, afin que la spécificité des produits agricoles soit reconnue et, au niveau national, pour que l'organisation économique et celle des interprofessions soient améliorées. Nous souhaitons aider les agriculteurs à préserver les prix et à les augmenter en amont. C'est le meilleur service que nous puissions leur rendre.

M. Gaillard, comme toujours, a évoqué la forêt, qu'il connaît bien en tant que président de la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR. La forêt couvre 30 % de notre territoire et sa surface croît dans tous les départements. C'est une importante filière, qui représente 450 000 emplois. Elle fera prochainement l'objet d'un comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires.

Nous avons retenu la possibilité de mieux mobiliser nos ressources forestières par l'utilisation du bois en tant que matière première énergétique et par la valorisation, au moyen des mécanismes de marché, du carbone stocké par la forêt. Il nous faut maintenant réussir à mettre en oeuvre cette mesure. Vous avez proposé de nous faire profiter de votre connaissance remarquable de la forêt. J'y souscris volontiers. Nous pourrons installer un groupe de travail pour travailler sur les dispositions prévues à l'article 11 du présent projet.

M. Desessard a parlé des biocarburants. Il est vrai que cette question ne concerne pas uniquement l'agriculture. La production de biocarburants nécessite l'utilisation à grande échelle de terres agricoles, ce qui est toujours préférable à leur mise en jachère - M. Beaumont a évoqué ce point tout à l'heure. Avec les biocarburants, les exploitants trouveront de nouveaux débouchés. S'agissant des huiles végétales pures, l'article 12 du projet de loi d'orientation apporte un changement : ce qui était jusqu'à présent interdit est désormais autorisé dans un cadre expérimental, cette autorisation ayant naturellement vocation à être pérennisée. Les exploitants pouvant utiliser une énergie dont ils sont producteurs, leurs charges s'en trouveront certainement diminuées.

M. Murat a évoqué la question foncière. La loi relative au développement des territoires ruraux a donné lieu à de longs débats sur les relations entre l'agriculture et l'utilisation de l'espace rural. Un certain nombre de dispositions ont été prises concernant les services au public en milieu rural.

Nous avons essayé d'améliorer le volet foncier en nous inspirant du rapport Boisson. A cette fin, nous avons introduit plusieurs mesures afin de mieux prendre en compte les intérêts agricoles dans les procédures liées à l'urbanisme. Vous connaissez tous le phénomène de la périurbanisation : le développement des lotissements communaux a naturellement pour conséquence d'empiéter sur l'espace agricole. En même temps, nous ne voulons plus de grands ensembles. Là réside la difficulté. Il nous faut trouver le moyen de mieux organiser la « cohabitation » entre les communes et les agriculteurs.

M. Lise a parlé de l'agriculture ultramarine. Il est vrai que seul le titre V contient quelques mesures spécifiques en sa faveur. Cependant, les autres dispositions prévues dans le présent projet s'appliquent aussi à l'outre-mer, qu'il s'agisse de l'organisation économique, des biocarburants, du traitement des produits phytosanitaires, du foncier ou de l'emploi. Ce sont autant de mesures en faveur de l'ensemble des exploitations françaises, qu'elles soient métropolitaines ou ultramarines.

Il serait effectivement intéressant que soit présenté, un jour, un projet de loi spécifique à l'agriculture et à la pêche ultramarines - cette idée a été lancée à l'Assemblée nationale par plusieurs de vos collègues ultramarins - ou qu'un texte, qui serait préparé par François Baroin, contienne un volet agricole. Nous en parlerons avec lui, mais je suis très ouvert aux propositions des parlementaires ultramarins pour bâtir en commun un tel texte.

Je remercie M. Revet d'avoir évoqué de nombreuses perspectives d'avenir. L'enjeu consiste à permettre à notre secteur agricole et alimentaire de rester innovant et performant, de conserver sa place sur le marché mondial, d'être un facteur de cohésion nationale. Un autre enjeu, tout aussi noble, est de consolider le revenu des agriculteurs en favorisant de nombreux débouchés, en stabilisant les prix, en renforçant les systèmes d'assurance. C'est dans ces conditions que nous attirerons des jeunes dans le métier.

J'ai bien noté, monsieur Revet, les questions plus précises et plus techniques que vous avez posées, en particulier sur le sucre et sur la filière de la betterave. Nous vous donnerons des réponses rapidement.

M. Lejeune nous a rappelé l'arithmétique la plus simple, à savoir l'addition des zéros. Vous avez été un peu dur, monsieur le sénateur. Sur la question des retraites, le Gouvernement et sa majorité n'ont pas de leçons à recevoir ! Un travail sérieux a été effectué, même si l'on peut toujours mieux faire.

M. Bailly a évoqué la loi du 28 décembre 1966 sur l'élevage. Le schéma de financement de cette réforme est désormais stabilisé. Dans les années qui viennent, les crédits de l'Etat consacrés à la génétique animale seront d'un niveau suffisant pour attendre la montée en puissance progressive de la réforme.

Je souhaite vous rassurer s'agissant du court terme. En effet, de nombreuses questions écrites me sont posées sur ce sujet, en particulier par les sénateurs. Il est vrai que les crédits de la génétique animale ont fait l'objet d'un gel assez significatif. Toutefois, une fraction de ces crédits sera dégelée avant la fin de l'année, permettant ainsi de satisfaire une partie des besoins. Je vous répondrai sur d'autres points plus techniques ultérieurement.

Je remercie Benoît Huré de son soutien sur les différents aspects du projet : enjeux économiques, traçabilité, chimie verte, simplification de procédures trop complexes. Vous avez mis l'accent, monsieur le sénateur, sur les orientations fortes de ce projet de loi. Nous ne ferons de ce texte une « grande loi pour l'avenir » qu'à la condition que, dans cet environnement international difficile, le Sénat nous aide à lui donner plus de cohérence et plus de contenu.

C'est également l'analyse que fait Mme Henneron de ce texte. Le projet donne les moyens de renforcer la compétitivité de notre agriculture, de nos entreprises agricoles - grâce au fonds agricole -, de constituer des unités pérennes et transmissibles, les formes sociétaires, plus sûres sur le plan économique, pour de meilleures conditions de vie et une organisation du travail plus rationnelle. Nous partageons ces objectifs.

Monsieur Fouché, vous avez parlé de l'installation des jeunes et des biocarburants. S'agissant du premier point, je sais que la collectivité que vous présidez est très active dans ce domaine.

Le concours des collectivités, quelle que soit leur couleur politique, est très utile pour renforcer les initiatives nationales et européennes et augmenter fortement les enveloppes. A l'occasion du sommet de l'élevage, j'ai constaté l'intervention de la région Auvergne et de plusieurs de ses départements en faveur des bâtiments d'élevage. Les efforts des collectivités seront payés de retour : elles tireront bénéfice des installations et des équipements nouveaux, qui favoriseront l'animation de leur territoire.

Vous avez évoqué les biocarburants. Nous travaillons afin que leur utilisation soit pleinement satisfaisante. Je sais que la région à laquelle vous appartenez est très intéressée par cette question.

M. Bizet nous a fait part de ses analyses, et je l'en remercie, sur l'importance des produits non alimentaires pour l'agriculture et sur le rôle de l'OMC. C'est un sujet qu'il connaît bien. Pour notre part, nous sommes déterminés à préserver la réforme de la PAC. Nous aurions peut-être dû nous y prendre autrement que par le passé, mais nous devons défendre le mieux possible la copie qui est celle de la France et de l'Europe.

M. Beaumont a évoqué de nombreux points, en particulier les enjeux économiques de l'agriculture. Il m'a interrogé sur les mesures fiscales : elles figureront dans le projet de loi de finances. L'Assemblée nationale a d'ores et déjà adopté des amendements destinés à accompagner le plan sur les carburants.

Je réponds par l'affirmative en ce qui concerne la jachère. Nous aurons certainement besoin de la quasi-totalité des jachères actuelles pour atteindre l'objectif de 5, 75 % en 2008. Cela suppose de prendre rapidement un certain nombre de décisions.

Le plan annoncé par Jean-Pierre Raffarin prévoyait six nouvelles unités de fabrication de biocarburants, qu'il s'agisse d'usines neuves ou d'unités transformées. Avec le gain de deux ans apporté par Dominique de Villepin pour l'objectif 2008-2010, nous devrions bénéficier de deux unités de fabrication supplémentaires. Nous réfléchissons actuellement, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, à leur bonne localisation sur le paysage français. Nous voulons les répartir de la façon la plus harmonieuse possible en fonction des productions locales et des exigences de l'aménagement du territoire.

Monsieur le président, je vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long, mais je souhaitais répondre à chacun des orateurs. Je tiens à remercier les uns et les autres, en particulier les rapporteurs, de leur participation très constructive à ce débat.

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