Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui en deuxième lecture d’un texte qui modifie très sensiblement notre corpus législatif en matière d’immigration.
Je ne reviendrai pas sur les objectifs visés par ce texte – ils ont été clairement exposés par M. le ministre, M. le rapporteur et Mme Escoffier –, sur lesquels existe un certain consensus, me semble-t-il, alors que des divergences profondes apparaissent sur les modalités de ce projet de loi.
En première lecture, le Sénat avait effectué un travail de fond sur l’ensemble des dispositions du texte. À de nombreuses reprises, il avait adopté des positions fortes, allant parfois à l’encontre de ce qui avait été décidé par les députés et des souhaits du Gouvernement.
À cet égard, je tiens à rappeler que le groupe de l’Union centriste a toujours exprimé nettement et unanimement son opposition à la proposition visant à étendre les cas de déchéance de nationalité. Nous avons longuement débattu de cette question en première lecture et le vote du Sénat a été clair.
Monsieur le ministre, nous avons entendu tout à l'heure vos propos pleins d’égards pour le Sénat. Je tiens à saluer la position qui a été retenue sur cette question par les députés, puisque ceux-ci ont entendu nos arguments et renoncé à une mesure qui me paraissait injustifiée.
Malheureusement, si nos collègues députés ont fait preuve de sagesse sur ce point, ils nous ont surpris par un amendement qu’ils ont introduit dans la discussion en deuxième lecture.
L’aménagement législatif dont il est question concerne un sujet qui semblait pourtant faire l’objet d’un consensus républicain : depuis 1889, et à l’exception d’une brève période récente, les enfants qui naissent en France de parents étrangers et qui vivent de façon continue sur le sol national deviennent automatiquement Français à leur majorité, c'est-à-dire, actuellement, à l’âge de dix-huit ans. Cette procédure a permis à de nombreuses personnes de devenir françaises sans que, à ma connaissance, se soit posé le moindre problème.
Je ne veux pas croire qu’il existe un lien entre l’adoption de cet amendement à l’Assemblée nationale et l’abandon de la déchéance de nationalité… Toutefois, force est de constater que ce sont peu ou prou les mêmes parlementaires qui ont porté ces différentes propositions.
Pour notre part, nous sommes persuadés que la modification apportée par les députés est critiquable tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, tout d'abord, dans le cadre d’un examen en deuxième lecture, il est évident que cet aménagement ne respecte pas la règle constitutionnelle dite – l’image est curieuse, mais compréhensible par tous – « de l’entonnoir ». En effet, il s’agit d’une question nouvelle, qui ne peut être rattachée aux dispositions votées en première lecture par le Parlement.
Ce point a d’ailleurs été rappelé clairement par le rapporteur, François-Noël Buffet, au sein de la commission des lois. Sur le fond, les modifications introduites par les députés paraissent inopportunes et injustifiées. Je le répète, si elles étaient votées ou réintroduites, elles remettraient en cause sans raison valable un principe essentiel de notre droit de la nationalité. Notre commission a donc été très bien inspirée de rejeter – à l'unanimité, si ma mémoire est bonne – cette disposition.
Une deuxième question importante pose problème : le contentieux de l’éloignement. Le Gouvernement est parti du constat que celui-ci souffrait aujourd’hui de graves incohérences procédurales. Les praticiens, qu’ils soient magistrats ou avocats, savent bien que la situation en la matière n’est pas satisfaisante, et qu’il convient au plus vite de sortir de l’enchevêtrement qui caractérise ce contentieux.
Pour autant, dès les travaux en commission des lois, le Sénat avait fait part de ses réserves sur le report à cinq jours du délai d’intervention du juge judiciaire.
L’un des motifs de notre inquiétude était qu’un tel délai créait un risque d’inconstitutionnalité. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez parfaitement expliqué que ce laps de temps comprenait les quarante-huit heures de la saisine et les soixante-douze heures qui seraient nécessaires au juge administratif pour se prononcer.