Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 12 avril 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, des propos que vous avez tenus : si nous sommes loin de partager toutes vos conclusions, je salue votre rigueur – au sens positif du terme ! –, en particulier vis-à-vis de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, suffit-il d’accumuler les lois pour résoudre les problèmes ? Notre réponse est non !

Une bonne loi est celle qui n’est pas, chaque année, rectifiée, modifiée.

Une bonne loi est celle qui, par des mesures de bon sens, recueille, à défaut d’une adhésion unanime, un consensus respectueux.

Une bonne loi est celle qui, pour le citoyen, est lisible, compréhensible, et qui simplifie au lieu de compliquer.

Une bonne loi est celle qui est juste pour celui auquel elle est appliquée, qui rassemble et ne provoque pas la rupture.

Monsieur le ministre, la sensibilité politique que vous incarnez assume la responsabilité gouvernementale depuis neuf années. Dans le monde rural, on dirait : « C’est un bail ! ». En tout cas, c’est un temps largement suffisant tant pour mener une politique que pour en tirer le bilan.

On aurait pu penser que les critiques acerbes dirigées, en 2002, contre ceux qui avaient gouverné de 1997 à 2002 conduiraient le Gouvernement, s’agissant de dossiers aussi importants que celui de l’immigration, à prendre des lois fondatrices, et donc à trouver des solutions pratiques visant à remédier aux dérives prétendues.

Qu’en est-il ? Nous nous retrouvons avec un nouveau catalogue législatif, et des chiffres de l’immigration illégale en augmentation.

Nous examinons en effet la sixième loi relative à l’immigration depuis 2002. Avant le présent texte, quatre lois ont substantiellement modifié la politique d’immigration : la loi du 26 novembre 2003 relative – déjà ! - à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ; la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d’asile ; la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a concrétisé le concept d’immigration choisie ; la loi du 20 novembre 2007 relative – encore ! - à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, dont la mesure emblématique, mais neutralisée de fait, concernait les tests ADN ; c’était l’arbre qui cachait la forêt...

Pourquoi autant de lois sur le même thème ont-elles été présentées depuis 2002, alors qu’une seule, objet peut-être d’une réflexion plus approfondie, aurait suffi à concrétiser votre projet politique ?

La réponse, nous la connaissons tous : c’est un choix de communication politique.

Immigration, identité nationale et sécurité forment une trilogie à vocation médiatique, destinée à entretenir le feu pendant neuf ans. Nous ne pensons pas que ce soit la bonne méthode, et nous ne sommes pourtant pas de ceux qui prônent le laxisme. L’un des nôtres, notre collègue Jean-Pierre Chevènement, l’a démontré par les faits lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Vous-même, monsieur le ministre, avez pu en juger dans l’exercice de vos fonctions préfectorales antérieures.

Il est incontestable que la question de l’immigration sera pour longtemps prégnante dans la gouvernance de nos nations du Nord, du fait d’une explosion démographique mondiale incontrôlée, voire favorisée par nombre de traditions religieuses, et des problèmes de la production et de la distribution des ressources énergétiques, des ressources alimentaires et de l’alimentation en eau auxquels est confrontée notre planète ; dans les vingt-cinq ans à venir, probablement 4 milliards d’hommes sur terre seront en situation dite pudiquement de « stress hydrique ». Ne nous étonnons donc pas qu’il y ait de plus en plus de pression en matière d’immigration !

Pour faire face à ces défis, nous considérons pour notre part qu’il convient de définir une politique qui, dépassant la diversité des sensibilités, concilie le respect absolu des droits de l’homme et l’équilibre à la fois sociologique et économique de notre société.

Cette politique doit nécessairement être définie tant sur le plan national que sur le plan européen ; la situation actuelle entre la Tunisie et l’Italie en est une illustration frappante.

Oui, nous persistons à dire que l’intégration signifie le respect par les immigrés des lois de la République laïque, lois qui incluent des devoirs aussi bien que des droits. Ceux qui voudraient entrer en France pour continuer à vivre et à agir selon les lois de leur pays d’origine font, pour nous, fausse route.

Notre République, c’est vrai aussi, ne peut accueillir tous ceux qui frappent à sa porte – ou, surtout, qui passent à travers ! – dans n’importe quelles conditions et pour faire n’importe quoi. Mes chers collègues, nous savons tous, en tant qu’élus de terrain, qu’une politique d’immigration raisonnée et raisonnable impose des choix prospectifs en matière de logement, d’éducation, de formation. Nous savons qu’en matière d’urbanisme et de logement social, la mixité sociale est primordiale. Or, depuis des décennies, sous les gouvernements de différentes sensibilités, ces principes n’ont pas été observés ; ils ne le sont d’ailleurs toujours pas aujourd'hui.

Voilà quelques jours, un reportage d’une des grandes chaînes de télévision françaises montrait un immigré sans papier recevant sa feuille d’impôt sur le revenu…Quelle incohérence ! Et cela continue…

Le dépôt de la présente motion répond à notre souhait que le texte soit renvoyé à la commission, en application de l’article 44 du règlement. À nos yeux, plutôt que cette accumulation de dispositions législatives, un bilan objectif sur le dossier de l’immigration est indispensable, bilan qui, à ce jour, n’a pas réellement été effectué.

Comme vous l’avez indiqué dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, il suffit pour s’en convaincre de se reporter au septième rapport du secrétariat général du Comité interministériel du contrôle de l’immigration au Parlement de mars 2011, rapport que vous avez préfacé vous-même ; nous n’en avons toutefois pas la même interprétation.

Vous y écrivez d’ailleurs : « C’est dans l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine que peut vivre la tradition d’accueil et d’intégration de la France ». Nombre d’entre nous pourraient souscrire à ces propos. Il est vrai que nous étions alors au mois de mars et qu’il n’était encore point question de réduire l’immigration légale !

Cependant, le rapport – au demeurant instructif – démontre la difficulté que représente l’évaluation du nombre réel de clandestins ;…

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