Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport pourrait être l'occasion d'aborder de nombreux sujets. Il en est ainsi de la décentralisation des routes, dont la carte a été rendue publique cet été.
Sur ce dossier, je tiens à saluer la décision du Gouvernement de renoncer finalement à transférer aux départements quelque 1 800 kilomètres de routes nécessitant d'importants travaux de rénovation auxquels ils auraient dû faire face. En outre, je pense que nous pouvons être confiants sur le montant de la compensation qui sera versée à ce titre aux collectivités territoriales - 185 millions d'euros, sans compter les moyens nécessaires à la rémunération des personnels -, puisque la commission consultative sur l'évaluation des charges et le comité des finances locales lui ont donné un avis favorable.
Restent des inquiétudes, que vous pourrez sûrement dissiper, monsieur le ministre, sur la question du transfert des moyens humains, en particulier celui du personnel d'encadrement des services d'études des directions départementales de l'équipement, auquel les départements tiennent beaucoup.
On pourrait également évoquer l'inquiétant état des voies ferrées françaises mis en évidence par un audit qui vous a été remis le mois dernier, monsieur le ministre. Depuis des années, les moyens consacrés à l'entretien des voies sont insuffisants pour faire face au vieillissement. Sans un effort substantiel de régénération, c'est 60 % du réseau actuel qui devra être fermé d'ici à 2025 !
Mais ce qui nous intéresse avant tout aujourd'hui, c'est, bien évidemment, le dossier de la privatisation des sociétés d'autoroutes et son impact sur le financement des grands projets d'infrastructures.
Le choix de la privatisation est un choix courageux sur le plan politique et justifié au regard de la situation des finances publiques.
C'est en effet le choix du réalisme puisqu'il vise à enrayer la progression de la dette publique, qui, rappelons-le, représente 64 % du PIB en France, et à adresser un signal positif aux autorités européennes concernant notre intention de respecter les critères de Maastricht. Notons, à cet égard, que diminuer la dette publique de 8 milliards d'euros, c'est 400 millions d'euros d'intérêts d'emprunt en moins à verser et autant d'économies pour le budget de l'Etat !
En outre, il faut garder à l'esprit que ce choix est neutre sur le plan financier puisque, si l'on actualise le montant des dividendes qui auraient été perçus par l'Etat d'ici à 2032, date de la fin des concessions en cours, à savoir 40 milliards d'euros, on obtient un chiffre assez proche des 12 milliards d'euros, correspondant au montant attendu des cessions.
Mais, si je soutiens personnellement cette décision, c'est aussi parce que les modalités de cette privatisation me semblent présenter toutes les garanties requises.
Garantie, d'abord, de transparence, avec le choix d'un appel à candidatures plutôt qu'une négociation de gré à gré.
Garantie de la préservation de l'intérêt économique des sociétés vendues, dès lors que les critères de sélection exigent des repreneurs un projet industriel crédible et le maintien d'une structure financière saine.
Garantie pour le marché et les conditions de concurrence en aval, puisque que les marchés de travaux passés par les sociétés d'autoroutes continueront - on nous l'a assuré - à respecter les règles applicables à la commande publique et devront ménager une place aux PME.
Garantie, enfin, pour l'usager, puisque les sociétés d'autoroutes continueront à assurer leur mission de service public, en vertu des contrats de concession qui les lient à l'Etat, lequel reste propriétaire du réseau routier concédé ; un débat a d'ailleurs eu lieu récemment à la télévision sur ce sujet. A ce titre, l'Etat conservera un représentant au sein du conseil d'administration de chaque société et continuera à contrôler l'évolution des tarifs des péages.
Si les modalités de cette privatisation nous rassurent, reste toutefois posée la question centrale des moyens affectés à l'AFITF.
Je tiens, à cet égard, à exprimer l'attachement de la commission des affaires économiques que je préside à cette agence, dont elle avait appelé la création dès le débat sur les infrastructures en juin 2003 et dont elle avait salué l'installation en début d'année. Notre commission était très favorable à l'idée d'affecter à cet établissement des ressources pérennes, seules à même de garantir sa capacité, par-delà les aléas de l'annualité budgétaire, à mettre en oeuvre la « feuille de route » que lui a confiée le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003, à savoir, d'ici à 2012, une trentaine de grands projets d'infrastructures.
Si l'AFIFT perd les dividendes des sociétés concessionnaires d'autoroutes, elle devrait se voir - si l'on en croit ce qui a été annoncé - affecter une partie non négligeable du produit de leur vente - 4 milliards d'euros en tout -, ce qui, ajouté aux ressources qui lui sont déjà affectées - taxe d'aménagement du territoire, redevances domaniales et fraction du produit des amendes perçues grâce aux radars automatiques -, devrait représenter un budget de 2 milliards d'euros pour 2006, contre 700 millions d'euros environ en 2005.
A ce propos, j'aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, selon quelles modalités cette dotation de 4 milliards d'euros sera allouée à l'AFITF. Lui sera-t-elle affectée entièrement dès le budget 2006, ce qui lui donnerait la possibilité de placer cette somme et de l'utiliser sur plusieurs années, ou lui sera-t-elle attribuée par tranches successives sur plusieurs exercices budgétaires ?
Ces financements paraissent suffisants pour faire face à un programme raisonnable de travaux à moyen terme. N'oublions pas, à ce propos, que l'AFITF devra désormais en plus financer le volet « infrastructures de transport » des contrats de plan Etat-région 2000-2006, ainsi que plusieurs programmes d'adaptation des transports en milieu urbain.
Certes, le Gouvernement s'est engagé à ce que cette enveloppe globale de 7, 5 milliards d'euros promise d'ici à 2012 à l'AFITF, lors du CIADT de décembre 2003, soit respectée.
Mais qu'en sera-t-il dans une dizaine d'années ?