Nombreux, malheureusement, sont aujourd'hui les exemples de désengagement de l'Etat.
Tout d'abord, par la loi de décentralisation, l'Etat transfère des blocs de compétence à la région et aux départements, sans pour autant transférer à ces collectivités les moyens financiers nécessaires à leurs nouvelles missions. Les comptes sont loin d'être équilibrés sur ce chapitre !
De même, dans le domaine ferroviaire, l'Etat se dégage de la partie transport des contrats de plan, dont l'exécution revient maintenant à l'AFITF.
Il se désengage aussi en tentant de déclasser des lignes d'intérêt national sous l'appellation de « trains d'intérêt interrégional », pour obtenir des régions un cofinancement, voire un financement intégral.
Il le fait encore en consacrant dans la loi de finances des crédits de plus en plus minimes au transport, soit 3 % du PIB, alors qu'une étude comparée montre que les autres pays européens accordent à ce secteur des moyens supérieurs.
Pour simple exemple, je rappellerai que les subventions au transport combiné ont été programmées par la loi de finances pour 2005 à hauteur de 16 millions d'euros, alors qu'en 2002 ce financement atteignait 92 millions d'euros ! Dans cette même loi de finances, la contribution de l'Etat aux charges d'infrastructures ferroviaires a diminué de 80 millions d'euros, soit une baisse de 6, 4 %.
Ainsi, la question essentielle est posée : comment financer les infrastructures de transports, alors même que l'Etat se désengage financièrement de plus en plus et assume de moins en moins ses missions de service public dans ce domaine ?
Comment va-t-on aujourd'hui pouvoir financer les infrastructures de transports, alors même que l'organisme qui devait prendre en charge ces projets se trouve privé de l'essentiel de ses ressources pérennes au-delà de 2007 ?
Cette décision méconnaît le vote du Parlement, qui avait, dans la loi de finances pour 2005, affecté les recettes des sociétés d'autoroutes au financement des infrastructures de transports.
L'AFITF aurait ainsi dû recevoir en moyenne 1, 5 milliard d'euros de recettes des autoroutes par an pendant vingt ans. En lui allouant 11, 5 % de la vente escomptée de ce patrimoine pour 2006, soit 1, 5 milliard d'euros, le Gouvernement cherche, certes, à tempérer les ardeurs éclairées des parlementaires, mais l'agence n'en bénéficiera qu'une fois. Par la suite, ce sont les actionnaires qui en useront.
L'Etat cède ainsi au privé un patrimoine collectif public d'une valeur considérable, financé par les usagers et les contribuables. Il met fin à la péréquation entre sections rentables et non rentables. Il incite à accentuer le tout routier en appelant à l'augmentation des flux pour accroître les dividendes.
Au regard des enjeux de rééquilibrage entre les différents modes de transports, dans un contexte où les besoins vont augmenter de 60 % pour le transport de personnes et de 40 % pour le fret, cette mesure est contre-performante.
En effet, l'objectif assigné à l'AFITF lors de sa création était, selon le Gouvernement, la promotion d'une politique des transports qui favorise les modes de transports alternatifs à la route, notamment le rail, par le financement des grands projets d'infrastructures tels qu'ils ont été définis lors du comité interministériel d'aménagement du territoire, le CIADT, de décembre 2003. Sans financement suffisant, ces objectifs, que le groupe communiste républicain et citoyen partage, ne seront pas atteints.
Pourtant, les impératifs de préservation de l'environnement, mais aussi la crise actuelle du pétrole, appellent une politique forte en faveur du développement du transport ferroviaire, notamment du fret ferroviaire et du transport combiné.
Ce n'est apparemment pas la volonté du Gouvernement. Au contraire, des plans de repli du fret et du combiné sont présentés. Parallèlement, des mesures favorisant le patronat routier ont été entérinées dans un plan que vous avez présenté le 12 septembre dernier, monsieur le ministre, qui prévoit de nouvelles exonérations de taxe professionnelle sur les poids lourds. Rappelons tout de même que ce plan va coûter 400 millions d'euros sur le budget des transports.
De plus, il s'agit d'un nouveau cadeau puisque la loi de finances pour 2005 prévoyait déjà l'extension du dégrèvement de taxe professionnelle pour les camions de plus de 7, 5 tonnes. Cette mesure a coûté 1 milliard d'euros. En tout, c'est donc 1, 4 milliard d'euros de cadeau au patronat routier. Il ne s'agit pas là de mesure favorisant le rail au détriment de la route.
Contrairement à la politique menée par le Gouvernement, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen estiment qu'il est temps d'enrayer cette libéralisation dont les effets sur la sécurité, la qualité, l'égalité de traitement, l'aménagement du territoire et l'emploi sont particulièrement néfastes et risquent d'avoir des conséquences irrémédiables.
Dans ce sens, nous demandons donc que le Gouvernement revienne sur sa décision de privatisation des concessions d'autoroutes.
Nous voulons également, comme le recommande l'audit sur l'état des infrastructures de transport ferroviaire, que l'Etat s'engage bien au-delà des 70 millions d'euros actuellement prévus pour rénover ce réseau.
En effet, cet audit pointe très clairement l'état de sous-investissement chronique du réseau ferroviaire français. Il y est précisé que, si le budget de maintenance continue à régresser - au regard de l'inflation -, cela conduira à « la cessation d'exploitation sur 60% du réseau à l'horizon 2025. Ne subsisteront à cette date que les lignes à grande vitesse ainsi que les axes majeurs nationaux et de banlieue ». Ce scénario « va à contresens d'une mobilité durable des personnes et des marchandises en France ».
Dans ce document, il est recommandé au Gouvernement de porter à 3, 1 milliards d'euros par an, contre 2, 5 milliards d'euros actuellement, la contribution à l'entretien du réseau afin d'en assurer le maintien.
Les sommes à trouver atteignent dont 600 millions d'euros par an, avec un pic à l milliard d'euros entre 2011 et 2015. Ce sont donc 4 milliards d'euros que la puissance publique doit investir pour son réseau.
C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que le Gouvernement s'engage à fournir à l'AFTIF des ressources pérennes.
Nous estimons également que le Gouvernement doit s'engager à la reprise de la dette de la SNCF et de RFF qui représente 41 milliards d'euros, afin que ces entreprises publiques puissent satisfaire à leurs missions.
Nous souhaitons encore que le Gouvernement s'engage à honorer les contrats de plan entre l'Etat et les régions, qui ont subi tant de retard.
Nous demandons enfin, une nouvelle fois, qu'une étude mesurant l'impact des politiques de libéralisation des transports en Europe sur l'emploi, la sécurité et sur le niveau de développement des réseaux soit réalisée.
Nous jugeons indispensable de mettre en place une véritable politique commune de développement des réseaux transeuropéens de fret ferroviaire, intégrant les objectifs de développement durable, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de développement de l'emploi.
En conséquence, nous estimons fondamental que soient élaborés à l'échelle européenne de véritables plans de financements permettant aux Etats d'entreprendre les investissements nécessaires en matière d'infrastructures nouvelles, de modernisation des réseaux actuels et des nouveaux réseaux dédiés.
Mais ce n'est malheureusement pas dans cette direction que s'engage le Gouvernement, comme il nous l'a encore démontré mardi dernier en faisant ratifier en urgence la libéralisation du fret ferroviaire dans le cadre du projet de loi très prétentieusement intitulé « sécurité et développement des transports ».