Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre de préoccupations relatives au développement et au financement des infrastructures de transport, préoccupations partagées par mon éminent collègue Hubert Haenel.
« L'Union européenne doit se doter d'infrastructures modernes pour renforcer sa compétitivité. Développer et améliorer les infrastructures sont des éléments clés du nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi » : telle était la communication de la Commission européenne de juillet dernier sur la mise en oeuvre des réseaux transeuropéens.
Ce qui vient d'être dit à l'échelle de l'Union européenne peut l'être aussi pour la France. C'est pourquoi je me réjouis de voir le Sénat organiser, à l'instar de l'Assemblée nationale, un débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport. Il faut de temps à autre, comme cela a été fait mi-2003, avant le CIADT de la fin de l'année, que le Parlement puisse débattre de cette question qui est l'une des composantes essentielles de l'aménagement de notre territoire et l'une des conditions de notre croissance et de notre compétitivité.
Nous avons tous en mémoire ces leçons d'histoire et de géographie où nos bons maîtres nous expliquaient la politique de Colbert et de quelques autres, nous enseignaient le rôle du développement du chemin de fer dans la révolution industrielle et où nous découvrions le nom de Freycinet. Plus tard, nous avons tous vécu la révolution technologique de la grande vitesse ferroviaire.
Rassurez-vous, mon intention est non pas de refaire l'histoire, mais, en vous faisant part de ces interrogations, de susciter de votre part, monsieur le ministre, les précisions nécessaires qui permettront au Parlement de dégager quelques orientations.
Ma première interrogation, à laquelle j'associe ma collègue Fabienne Keller, retenue à Strasbourg, qui partage cette préoccupation, est relative au mode de financement des infrastructures : le Gouvernement a créé une agence, l'AFITF, dont la présidence a été confiée à notre collègue Gérard Longuet, pour garantir un financement pérenne des infrastructures, nous a-t-on dit. Les incertitudes liées à la privatisation des sociétés d'autoroutes - utilisation des produits de cessions, valeur de cession - ont déjà suscité quelques inquiétudes chez les parlementaires qui ont encore en mémoire la naissance, puis la mort, du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
Plus que des assurances, monsieur le ministre, nous souhaiterions obtenir de votre part des engagements sur les ressources de l'Agence au-delà de 2006.
S'agissant de l'emploi de ses ressources, l'Agence s'est vu confier la mission de suppléer l'Etat pour le financement des contrats de plan Etat-région déjà engagés et, j'ose le dire, de certains CPER mal engagés en raison du retard pris.
Compte tenu des sommes affectées aux CPER et aux projets déjà engagés, combien restera-t-il en 2006, monsieur le ministre, pour les projets nouveaux, mode par mode ? Et qu'en sera-t-il au-delà de 2006 ?
J'ai évoqué les CPER et les projets d'infrastructures nouvelles. Sur ces deux questions, je souhaite également, monsieur le ministre, obtenir des précisions de votre part.
S'agissant des CPER, vous comprendrez que les représentants des collectivités territoriales que nous sommes soient particulièrement attentifs à leur devenir. Au-delà de l'achèvement des contrats actuels, quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Y aura-t-il une nouvelle génération de CPER ? Dans l'affirmative, quel sera leur contenu et quelle sera leur durée ?
En ce qui concerne les projets nouveaux, monsieur le ministre, l'élue alsacienne que je suis vous interrogera en particulier sur les perspectives de réalisation du barreau Est du TGV Rhin-Rhône et sur la seconde phase du TGV Est européen.
S'agissant du TGV Rhin-Rhône, lors du comité de pilotage qui a eu lieu au début de ce mois, l'Etat a enfin fait connaître le montant de sa participation au financement du premier tronçon de la branche Est Auxonne-Petit-Croix, soit 724 millions d'euros. Mais le compte n'y est pas.
Pour que les travaux puissent commencer au printemps 2006, nous attendons maintenant de vous, monsieur le ministre, la finalisation du protocole d'accord sur le financement.
Avez-vous l'intention de solliciter le concours financier de la région Rhône-Alpes, du département du Rhône et de l'agglomération lyonnaise, qui seront également les grands bénéficiaires de cette infrastructure nouvelle ?
En ce qui concerne le TGV Est européen, la Commission européenne a proposé, au mois de juillet dernier, que l'ensemble du corridor de l'axe ferroviaire Paris-Bratislava soit retenu parmi les six projets prioritaires du futur réseau transeuropéen de transport, le RTE-T.
Sur cet axe, la date pour la réalisation du tronçon Baudrecourt-Strasbourg-Stuttgart, y compris le pont de Kehl, est fixée à 2015.
Le gouvernement français est-il prêt à faire preuve de la même détermination pour la réalisation de la deuxième phase du TGV Est européen qui le concerne, à savoir de Baudrecourt à Strasbourg ?
Je rappelle simplement que, selon les études de la Commission européenne, la réalisation du réseau transeuropéen de transport permettrait d'apporter un surcroît de croissance pouvant atteindre 0, 2 à 0, 3 point de produit intérieur brut, ce qui correspond à la création d'un million d'emplois permanents.
De plus, la réalisation du réseau permettrait de réduire d'environ 4 % les émissions de gaz à effet de serre, ce qui contribuerait à rapprocher l'Union européenne des objectifs contenus dans le protocole de Kyoto. Je souligne donc, mes chers collègues, qu'en défendant les projets alsaciens je défends aussi les emplois et l'environnement de tous !
La dernière question que je souhaite évoquer concerne l'état de notre réseau ferré.
Comme vous le savez, sur la demande conjointe des présidents de la SNCF et de RFF, un audit a été réalisé sur l'état du réseau ferré national par l'école polytechnique fédérale de Lausanne, sous la conduite du professeur Rivier.
Cet audit a dressé le constat suivant : « La SNCF et RFF (depuis 1997) ont fourni leurs meilleurs efforts pour maintenir l'exploitation et la sécurité ferroviaire sur un réseau très étendu malgré les ressources nettement insuffisantes pour la maintenance (entretien et renouvellement) de l'infrastructure durant les 30 dernières années. » Je rappelle que l'ensemble du réseau ferré national représente 30 880 kilomètres de voies.
Et l'audit conclut : « La seule manière de garantir la pérennité du réseau classique consiste à investir pour rajeunir ce patrimoine. Cette diminution de l'âge moyen est la seule façon durable de maîtriser l'évolution de la qualité du réseau et celle des coûts de maintenance de l'infrastructure à long terme.
« Le maintien de la qualité et des hautes performances du réseau à grande vitesse nécessite un accroissement progressif des ressources destinées à sa maintenance. Les composants des premières lignes construites arrivent en fin de vie et doivent être renouvelés. Leur remplacement engage des sommes importantes. »
Pour maintenir simplement en état l'actuel patrimoine du réseau, 3 milliards d'euros par an seraient nécessaires, soit 500 à 550 millions d'euros de plus que ce qui est dépensé aujourd'hui, selon l'audit.
Vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, une enveloppe de 70 millions d'euros supplémentaires, grâce à la cession de réserves foncières. Le projet de loi de finances que nous examinerons bientôt prévoit la création d'une société de valorisation des biens immobiliers de RFF : une part de ce produit ira effectivement à RFF, qui pourra financer des investissements de renouvellement, mais une part plus importante encore, semble-t-il, sera affectée au budget général de l'Etat.
D'où cette interrogation, monsieur le ministre : la vente des bijoux de famille de RFF ne devrait-elle pas profiter en priorité à la préservation du réseau ferroviaire et de son avenir ?