Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 20 octobre 2005 à 9h30
Développement et financement des infrastructures de transport — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

...d'abord, le refus de la privatisation des SEMCA ; ensuite, l'affectation à I'AFITF de la part Etat des dividendes, qui était versée jusqu'alors au budget général de l'Etat.

Nous avions salué cet effort comme il le méritait. Toutefois, nous voulions voir fonctionner cette Agence. Que constatons-nous aujourd'hui ?

Les dividendes autoroutiers sur la période 2005-2032 devaient apporter à I'AFITF de 35 milliards à 40 milliards d'euros, selon les estimations. Celle-ci ne disposera plus, désormais, de ressources fiables et croissantes sur le long terme. L'affectation annuelle du produit de la TAT, de la redevance domaniale et d'une partie du produit des amendes de radars ne peut suffire, en volume, à l'alimenter à moyen et long terme.

En tout état de cause, ces recettes étaient affectées ailleurs, dans le budget général de l'Etat ou dans celui des collectivités locales. Là où elles ne seront plus versées, elles manqueront nécessairement.

Monsieur le ministre, le Gouvernement donne l'impression d'avoir repris à son compte la devise du sapeur Camember, qui pour boucher un trou en creusait systématiquement un autre. Le Gouvernement a annoncé le versement à l'AFITF d'une dotation de 4 milliards d'euros, provenant du bénéfice de la vente des parts de l'Etat dans les SEMCA.

Il s'agit d'une ressource ponctuelle, non reconductible, qui correspond presque exactement au montant jugé nécessaire pour respecter les engagements pris par l'Etat dans les contrats de plan Etat-région. En effet, le volet routier a au moins deux ans de retard et le volet ferroviaire trois ans.

L'engagement de l'ordre de 2, 5 milliards d'euros que vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, pour achever les contrats actuels, a été estimé insuffisant par les observateurs et partenaires avertis.

Ce chiffre n'intègre pas la totalité des engagements de l'Etat à l'égard des collectivités locales, de RFF et des entreprises, pas plus qu'il n'intègre certains projets relevant de contrats interrégionaux.

Les besoins financiers du volet « transport » des contrats de plan Etat-région et des contrats particuliers s'élèvent, semble-t-il, à près de 4 milliards d'euros : 2, 8 milliards d'euros pour la route et 1, 2 milliard d'euros pour le ferroviaire.

Ce montage financier doit être mis en relation avec l'annonce de l'allongement probable de la durée de mise en oeuvre de ces contrats jusqu'en 2009.

Le ministre des transports a déclaré, propos rapportés par un grand journal national, que ces moyens permettraient « d'accélérer la réalisation des contrats de plan Etat-régions ». Si cette affectation permet à l'Etat d'honorer ses engagements ordinaires, la décision de vendre les SEMCA va priver I'AFITF de ressources pour sa mission essentielle.

Cela ne nous rassure pas, monsieur le ministre, sur le financement des trente-cinq grands projets, auxquels sont venus s'ajouter, depuis, d'autres projets. Par exemple, cela ne me rassure pas sur la capacité de l'Etat à financer sur la durée la liaison Langres-Delle et la branche Est du TGV Rhin-Rhône.

La vente des parts de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes aurait-elle pour unique objet de permettre au Gouvernement de remplir, en vue des échéances électorales, des engagements retardés depuis maintenant trois ans ?

Votre décision soulève de nombreuses questions. Quel besoin y a-t-il à privatiser les SEMCA ? Quelle sera la valeur ajoutée pour les usagers et pour la nation ? Quel sera le prix de vente ? La maintenance du réseau sera-t-elle assurée demain aussi bien qu'elle l'est aujourd'hui ? L'emploi sera-t-il maintenu dans ces entreprises ?

Les SEMCA sont des sociétés d'économie mixte, dont l'actionnaire majoritaire est l'Etat. Elles fonctionnent aujourd'hui selon les règles du droit privé ; ce ne sont pas des services publics. Elles ne sont donc gênées par aucune contrainte particulière liée à leur statut. Elles s'inscrivent déjà parfaitement dans le cadre d'une délégation de service public.

Dans ces conditions, je ne vois pas ce que la vente des actions apportera comme valeur ajoutée à l'usager et à la nation.

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