La seule différence se situera au niveau du capital et de la destination des dividendes.
Le prix de vente sera-t-il celui qui a été annoncé par le Gouvernement, soit 10 à 12 milliards d'euros, basé sur un taux d'actualisation annuel de l'argent à 8 %, taux dont nous savons tous qu'il date d'un autre temps, ou plutôt celui qui découle des conclusions du rapport Lebègue, repris par le Gouvernement en début d'année 2005, c'est-à-dire une actualisation réaliste de l'argent public à 4 % l'Assemblée nationale, qui conduit à un prix global de cession supérieur à 20 milliards d'euros ?
Le rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, un député UMP, prenant en compte un taux d'actualisation annuel proche de 5 %, c'est-à-dire 4 % de loyer de l'argent plus 1 % de risque, et une croissance annuelle du trafic de 2 %, soit une croissance inférieure à ce qu'elle est actuellement, considère que la valorisation doit atteindre 20 à 22 milliards d'euros. Ce n'est pas rien !
La sous-estimation très probable serait-elle aujourd'hui liée à la mise prochaine sur le marché d'actions destinées à augmenter le capital d'une grande entreprise publique ? Nous entrons là dans un « Meccano budgétaire » auquel le Parlement doit s'intéresser.
Monsieur le ministre, quel sera finalement le prix de vente des parts de l'Etat dans les SEMCA ?
On doit craindre enfin pour la maintenance du réseau sur le long terme, surtout à mesure que l'on s'approchera du terme de la concession, comme on doit craindre pour l'emploi dans ces sociétés, devant la recherche du plus grand profit que visent souvent les actionnaires privés.
Il serait beaucoup plus raisonnable que le Gouvernement renonce à son projet pour laisser l'Etat récolter, d'ici à 2032, les fruits des efforts consentis collectivement depuis plus de quarante ans par les usagers et, dans une moindre proportion, par les contribuables, et qu'il décide d'affecter, comme il l'avait prévu en 2003, 2004 et encore au début de 2005, cette rente pérenne et croissante au financement des grands projets dont notre pays a tant besoin.
Cette décision est loin, très loin de faire l'unanimité dans les rangs de votre majorité, monsieur le ministre. Elle correspond à une gestion chaotique des finances de l'Etat.
Le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, pourtant membre de votre majorité, a même jugé la décision de privatisation des SEMCA « contraire à la philosophie économique de l'Etat ».
La stratégie de l'Etat actionnaire s'enfonce dans l'incertitude, et cette gestion chaotique des dossiers essentiels s'étend à plusieurs aspects de la gestion gouvernementale, y compris dans les dossiers d'actualité.
Pour résoudre des problèmes d'intendance de court terme, on laisse en panne le long terme, qui redevient, et pour longtemps, un problème considérable.
Avec la pérennisation des ressources de l'AFITF, l'avenir était assuré. Aujourd'hui, avec des recettes non pérennes et une extension inconsidérée du périmètre d'intervention de l'Agence, c'est le retour à l'incertitude. Comment assurer le financement sur le long terme ? Comment le pérenniser ? Dans son nouveau périmètre, annoncé cet été, l'AFITF va devoir suppléer l'Etat, et ce non seulement pour les trente-cinq grands projets et les opérations qui viennent s'y ajouter, mais aussi pour les contrats de plan Etat-régions, pour le transport collectif urbain, où les besoins sont considérables...
Il y a aussi, en point d'interrogation, d'autres sollicitations potentielles pour l'AFITF, et nous avons entendu tout à l'heure nos collègues de la majorité. Certains pensent à la modernisation et au développement de nos réseaux d'infrastructures de transport ferroviaire, à la suite de l'audit publié le 19 septembre dernier. D'autres souhaitent que le produit des privatisations puisse être affecté au désendettement ferroviaire.
La question se pose donc et se posera encore demain des ressources de l'AFITF, de leur pérennité et de leur affectation.
La taxe d'aménagement du territoire, la fameuse TAT, pas plus que la redevance domaniale, ne permettra pas de tenir les engagements que vous avez pris en termes d'investissements. D'ailleurs, les nouveaux concessionnaires vont très vite réclamer ce que demandaient déjà les anciens, à savoir sa suppression, en échange d'une modération sur l'augmentation du prix des péages.
Quant au produit des amendes de police, il est extrêmement aléatoire au moins à deux égards. Tout d'abord, qu'arriverait-t-il si, ce que tout le monde souhaite, nos concitoyens se mettaient à respecter les limitations de vitesse ? Devrait-on alors abandonner la construction des grands équipements ? Voilà qui serait surprenant !