Et ce choix, je ne veux pas le faire peser sur les épaules des autres.
Ce n'est pas que je ne croie pas à la baisse des impôts. Je suis même persuadé que la France ne pourra pas s'en passer, car on ne peut pas continuer à faire peser sur les Français des impôts plus élevés qu'ailleurs. Je pense simplement que les choses doivent se faire dans l'ordre. On ne peut pas affirmer qu'il convient de réduire le déficit et, dans le même temps, dire qu'il faut réduire les recettes. Je suis persuadé que les Français ont compris le choix qui a été fait, d'autant qu'il était nécessaire de compenser les hausses des prélèvements affectés à l'assurance maladie.
Nous avons donc été contraints de diminuer les prélèvements de l'Etat de 5, 9 milliards d'euros pour compenser l'augmentation de 6, 5 milliards d'euros des prélèvements en faveur de l'assurance maladie. Sans cela, les prélèvements obligatoires auraient augmenté.
S'agissant de la dépense publique, nous nous sommes contraints à une croissance zéro en volume, comme l'avait fait Alain Lambert les deux années précédentes. Ce dernier a d'ailleurs noté que nous avons été particulièrement sévères puisque nous avons retenu une hypothèse de croissance de 1, 8 %, ce qui signifie que nous nous sommes interdit de dépasser un taux d'inflation de 1, 8 %. Or chacun sait que l'inflation se situe entre 2, 1 % et 2, 2 %. Cela nous a conduits à ne pas remplacer 10 000 emplois, soit un solde de 7 200 emplois.
Là encore, pour les uns, c'est trop et, pour les autres, ce n'est pas assez. Je reconnais volontiers que l'on peut estimer que ce n'est pas assez et qu'il y avait matière à faire plus. Mais, lorsque je me suis amusé à regarder qui, au cours des dix dernières années, avait fait plus, je n'ai trouvé personne. Ce n'est donc pas si simple !
Il faut savoir que, dans un premier temps, la réduction des effectifs fait mal et que les bénéfices n'apparaissent qu'ultérieurement. En effet, pour qu'elle soit sensible dans l'équilibre du budget de l'Etat, il faut que des économies se soient accumulées sur dix ans.
Je suis heureux de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour la troisième année consécutive, toutes les lois de programmation seront scrupuleusement financées à l'euro près, qu'il s'agisse de la sécurité, de la défense et de la justice. Je sais que les parlementaires n'aiment pas voter des lois de programmation si les financements ne suivent pas.
Si l'on veut réhabiliter la politique, il faut faire ce que l'on dit et dire ce que l'on pense.
Au total, sur 17 milliards d'euros de marge de manoeuvre, 10 milliards ont été consacrés à la réduction du déficit, 5 milliards aux lois de programmation et 2 milliards aux mesures fiscales en faveur de la croissance et de l'emploi.
A ce propos, je pense à l'impôt sur les bénéfices, qui pose une question extrêmement délicate.
En tout état de cause, la situation actuelle ne peut plus durer. Notre taxation sur les bénéfices est quasiment la plus élevée d'Europe puisque, avant la proposition du Gouvernement, nous nous situions aux alentours de 34 %, alors que, pour les pays d'Europe de l'ouest, la moyenne est de 29 % et que, pour les pays de l'Europe des 25, elle est de 20 %.
Je voudrais défendre devant vous une idée à laquelle je crois beaucoup et que je continuerai à défendre : l'Europe, c'est la concurrence, mais la concurrence loyale. Il ne s'agit pas de demander aux autres pays de s'aligner sur nos impôts ; ce serait absurde. Et il ne s'agit même pas de créer un taux d'imposition identique ; cela n'aurait aucun sens.
Mais je ne peux pas accepter que l'on se considère suffisamment riche pour supprimer, voire réduire à zéro, le taux de l'impôt sur les bénéfices des entreprises et que, dans le même temps, on se dise assez pauvre pour demander à bénéficier des fonds structurels, alimentés par les autres, pour assurer l'équilibre d'un budget dont les recettes sont inexistantes puisque l'on a supprimé les impôts.
Soit on est riche, soit on est pauvre, mais on ne peut pas être les deux à la fois ! En tout cas, on ne peut pas se tourner vers des pays comme la France, qui, eux, ne peuvent plus utiliser les fonds structurels et à qui on va demander de payer plus. La France se retrouverait alors dans une situation étrange : elle subirait des délocalisations parce que certains pays baissent de façon agressive leurs impôts et son déficit augmenterait parce qu'on lui demanderait d'alimenter des fonds structurels auxquels elle ne peut plus être éligible.