Intervention de Denis Badré

Réunion du 25 novembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme dans toute démocratie parlementaire, lorsque nous votons la loi de finances, nous mettons en oeuvre, par délégation de nos compatriotes, le principe du consentement à l'impôt. Ce principe est le fondement de l'organisation de la société. C'est lui qui nous fait sortir du « chacun pour soi ».

Il est donc essentiel, au sens fort du terme, que le projet de loi de finances soit lisible par tous. Il est préférable aussi qu'il exprime une politique identifiable et qu'il ait suffisamment de sens pour mobiliser les citoyens. Il doit être sincère et équilibré. Il doit, enfin, tenir compte de l'environnement économique et préparer l'avenir.

Je dirai quelques mots, d'abord, sur la sincérité. ; il faut toujours commencer par ce qui fâche un peu !

Il est très difficile, dans les années que nous vivons, de faire des prévisions de croissance qui ne soient pas très vite démenties. Celles sur lesquelles est bâti votre projet le sont déjà ; vous n'y êtes pour rien. Les perspectives d'évolution de la croissance se sont assombries. L'exécution de la loi sera plus difficile que prévu. C'est d'autant plus fâcheux que votre projet comportait déjà, nous semble-t-il, des sous-estimations de dépenses sur les opérations extérieures, OPEX, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FIPSA - l'ancien BAPSA - ou encore les rémunérations des fonctionnaires. L'avenir, même à un an, est donc loin d'être dégagé.

J'évoquerai, ensuite, la hausse du prix du baril de pétrole.

Elle entraîne, évidemment, une plus-value de recettes fiscales. Mais celle-ci est, en réalité, budgétairement masquée par une baisse sensible de la consommation, laquelle s'explique bien plus par la « diesélisation » de notre parc de véhicules et par la réduction de la vitesse des automobilistes que par la hausse des prix elle-même.

Suivant les recommandations du groupe de travail que vous avez mis en place sur ce sujet, monsieur le ministre d'Etat, auquel j'ai eu l'honneur de participer, et sans confondre les sujets, ce que vous nous aviez demandé, vous avez choisi de retourner une part des surplus de recettes fiscales provoqués par la hausse des prix à ceux qui la subissent. Il fallait le faire, ne serait-ce que pour ne pas les décourager de poursuivre sur la voie dans laquelle ils se sont engagés, celle des économies d'énergie... et de vies humaines.

Je centrerai maintenant mon propos sur la lisibilité d'ensemble du projet de loi. La LOLF nous met en meilleure situation pour l'apprécier. En examinant les fascicules de dépenses, notre commission des finances a constaté que, globalement au moins, son esprit est pris en compte, et non simplement ses prescriptions littérales.

Si la lisibilité du texte doit apparaître dans ses détails, il faut aussi que sa lisibilité d'ensemble soit évidente. Je regrette qu'aujourd'hui le projet de loi de finances ne vise pas, globalement, plus explicitement la compétitivité de la France, alors qu'il le fait par nombre de ses parties.

Telle doit pourtant bien être notre priorité si nous ne voulons pas voir se creuser notre retard sur les USA - vous en parliez ce matin, monsieur le ministre -, si nous voulons nous donner les moyens d'enrayer l'inquiétante vague de délocalisations, si nous voulons retrouver notre influence au sein de l'Union européenne et notre rayonnement dans le monde et, beaucoup plus simplement, si nous voulons soutenir notre emploi et disposer des moyens d'une juste solidarité envers ceux qui sont moins armés pour affronter un monde souvent très dur.

Cet objectif de compétitivité, s'il représente vraiment « la » priorité de votre action politique - ce que je crois -, doit apparaître de manière éclatante dans l'exposé des motifs comme dans le contenu de la loi.

La plupart de nos concurrents, au sein de l'Union comme à l'extérieur, ont fait un tel choix. Nombre d'entre eux osent afficher l'objectif de compétitivité. Pourquoi pas nous ? Monsieur le ministre, n'ayons pas la compétitivité honteuse ! Aucune idéologie ne peut nous interdire de nous battre, vous le dites d'ailleurs très bien vous-même.

Cet objectif doit, bien sûr, se retrouver dans les recettes. Nous avons eu, sur les prélèvements obligatoires, un excellent débat qui me permet de ne pas m'étendre à nouveau sur ce sujet. Je dirai simplement qu'il faut travailler dans ce domaine avec au moins autant de pragmatisme que d'idéologie.

Je ne parle ici de l'ISF qu'un instant pour illustrer mon propos en rappelant que, lorsqu'un contributeur à l'ISF quitte le pays, son départ n'entraîne pas seulement une perte d'ISF ; il entraîne aussi une perte d'activité, de consommation, donc d'autres rentrées fiscales. En outre, ce sont autant de recettes en plus pour nos concurrents. Nous ne pouvons plus nous contenter de mesurer le coût fiscal direct d'une mesure d'allégement ; il nous faut un bilan fiscal et, bien plus, un bilan économique complet. Votre ministère n'est-il pas celui de l'économie autant que celui des finances ?

L'inventaire des atouts à jouer et des handicaps à réduire pour améliorer notre compétitivité a été fait, et le catalogue des mesures à prendre est assez bien connu. Mais nous savons que tout n'est pas possible tout de suite. Dès lors, nous avons intérêt à retenir tout de même quelques mesures ponctuelles qui démontrent que, même si les temps sont difficiles, nous choisissons le mouvement.

Vous savez comme moi, monsieur le ministre, que les aspects psychologiques jouent beaucoup. Le poids de la confiance en matière financière est connu. Ceux qui envisagent l'expatriation ne passent jamais à l'acte de gaîté de coeur. Un signe, si petit soit-il, peut prendre à leurs yeux une valeur symbolique et les dissuader de partir. De même, un signe peut encourager nos compatriotes qui ont réussi à l'étranger - ils sont très nombreux - à revenir vivre leur retraite « au pays », avec leur épargne, plutôt que de s'y rendre simplement la moitié de l'année moins un jour en vacances.

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