Intervention de Bernard Vera

Réunion du 25 novembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce qui, à notre sens, devrait guider l'action publique, c'est une répartition plus juste des richesses, un combat déterminé contre la pauvreté, les inégalités et pour l'emploi.

Une loi de finances, en 2005, devrait donc être une loi de justice sociale et de solidarité. C'est ce qu'attendent les trois millions de chômeurs officiellement recensés, les millions de salariés précarisés, les salariés victimes de la modération salariale, ceux qui sont confrontés aux plans sociaux et à leur cortège de licenciements.

Notre pays compte plus de un million de familles touchant le revenu minimum d'insertion, deux millions d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté et un million de demandeurs de logement, victimes de l'explosion des loyers que les incitations fiscales les plus récentes ont vivement encouragée.

Quelles réponses le Gouvernement apporte-t-il ?

M. le ministre d'Etat a résumé ainsi l'ordre des priorités de la loi de finances pour 2005, à l'occasion de sa présentation devant l'Assemblée nationale, propos qu'il a réitérés ici même, ce matin : « Au total, les 17 milliards d'euros de marge de manoeuvre qui sont les nôtres pour 2005, nous les répartissons de la manière suivante : 10 milliards d'euros pour la réduction du déficit, 5 milliards d'euros pour les priorités du Gouvernement et 2 milliards d'euros pour la réduction de la fiscalité. »

Il poursuit : « Il faut inscrire ce mouvement de réduction de nos déficits dans la durée. Seule cette dernière nous permettra d'obtenir des résultats ».

Il ajoute : « En 2004, les 5 milliards d'euros de plus values sont ainsi affectés à la réduction du déficit, ce qui paraît logique lorsque l'on a 1000 milliards d'euros de dettes. »

Et il conclut : « Je rappelle simplement que, en 1999, les surplus de recettes avaient atteint 7, 5 milliards d'euros, et qu'ils avaient été intégralement affectés à des dépenses pérennes, aggravant donc la situation budgétaire pour la suite, au lieu de l'améliorer. »

Vos choix sont donc extrêmement clairs.

Comment ne pas citer un autre discours, que l'on entend peut-être un peu moins, mais qui semble particulièrement présent dans la conception de cette loi de finances : « Si le projet de budget de l'Etat pour 2005 témoigne de la volonté de maîtriser la dépense publique, il est néanmoins préoccupant pour les entreprises sur plusieurs points.

« Les dépenses publiques de fonctionnement restent trop élevées, avec le remplacement de neuf fonctionnaires sur dix partant à la retraite.

« La diminution du déficit demeure insuffisante : moins 0, 3 % du PIB, hors recettes exceptionnelles, ce qui marque l'absence de réduction des dépenses. »

Ce texte a été publié sous forme de communiqué de presse par le MEDEF, à l'issue de la présentation de la loi de finances pour 2005.

En définitive, il marque, sous les apparences d'un mécontentement relatif, l'orientation générale du projet de loi de finances. En effet, réduction du déficit et réduction de la dépense publique sont bel et bien les priorités de l'action de ce gouvernement, la nécessaire redistribution de la richesse nationale permise naturellement par le budget de l'Etat dût-elle en souffrir.

Et pour faire bonne mesure, alors que le projet de loi de finances présente toutes les apparences d'une forme de pause dans le processus de baisse des impôts, de nouveaux cadeaux fiscaux sont concédés tant aux ménages les plus aisés qu'aux entreprises.

Comment, à ce stade de la discussion, ne pas s'indigner de l'opération lancée contre l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF ?

Dans le texte initial de la loi de finances, aucune mesure n'était prévue pour réduire l'ISF. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez laissé à la représentation nationale le soin de porter des coups à un impôt dont le rendement est tout de même quelque peu limité, puisqu'il représente environ 1% des recettes fiscales de l'Etat.

Cet impôt de solidarité sur la fortune est symbolique quant à son rendement, mais il l'est aussi parce qu'il identifie fortement le gouvernement qui en modifie les règles, à la hausse ou à la baisse.

Je veux donc dire franchement que ce débat sur l'ISF est très choquant.

Alors que les assurés sociaux vont voir leurs salaires ponctionnés de 900 millions d'euros, alors que les retraités vont perdre 750 millions d'euros au titre de la CSG, alors que l'application du forfait de un euro va coûter 700 millions aux familles et que notre pays compte, malgré toutes les manipulations statistiques, 200 000 chômeurs de plus, voilà que la priorité du débat fiscal de cette année serait la peine dont souffriraient les 300 000 contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune, 300 000 contribuables que nous ne pouvons que rapprocher des 33 millions de foyers fiscaux de notre pays.

Ainsi, les infortunés contribuables de l'ISF représentent un peu moins de 1 % des ménages ! Quelle touchante sollicitude pour une petite minorité de contribuables !

Cette démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est assez emblématique.

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