Intervention de Maurice Blin

Réunion du 1er décembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Maurice BlinMaurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Philippe Adnot et moi-même avons l'honneur de vous présenter ce matin - pour la première fois, selon le format de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF - un budget important, qui occupe depuis de longues semaines les esprits, celui de la recherche dite « à la française ».

Disons-le d'emblée, l'exercice est relativement périlleux dans la mesure où la recherche est une activité qui comporte bien des aléas et pour laquelle il n'est pas toujours possible d'établir un lien direct entre moyens et résultats. Une telle difficulté ne doit cependant pas nous décourager.

En effet, pour cette raison même, la recherche doit faire l'objet d'un suivi plus poussé et plus spécifique par des contrôles directs et par la surveillance de l'évolution d'indicateurs significatifs. Si la tâche est délicate, elle est plus que jamais nécessaire. Nous serons d'ailleurs très bientôt amenés à revoir l'ensemble de ces dispositions, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche constituant la partie législative du Pacte pour la recherche.

Dans l'immédiat, la nouveauté réside dans la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », dite « MIRES » - dénomination appelée à devenir générique -, qui succède au budget de recherche et de développement technologique, le BCRD. Cette mission présente un caractère interministériel très affirmé : elle relève de sept ministères et comporte treize programmes. Autant dire que la question de son pilotage, qui incombe au ministre chargé de la recherche, est à la fois importante et délicate.

À cette diversité de tutelle ministérielle s'ajoute, pour la recherche, une multiplicité d'opérateurs aux statuts très différents : universités, établissements publics de recherche - eux-mêmes répartis en établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, et en établissements à caractère industriel ou commercial, les EPIC -, centres hospitaliers et universitaires, écoles d'ingénieurs, instituts - tels l'Institut Pasteur ou l'Institut Curie -, sans oublier des acteurs à statut privé. Dès lors, la mesure de la performance, qui nous préoccupe tous, n'a pas la même signification pour chacun d'eux.

Quant au budget lui-même, il illustre l'effort significatif et novateur consenti par le Gouvernement en faveur de la recherche. Il se traduit par une hausse de près de 1 milliard d'euros par an des crédits de paiement de la mission, et ce pour la deuxième année consécutive.

Ces crédits atteindront 20, 69 milliards d'euros. Tous les acteurs en bénéficieront, au premier rang desquels les universités - M. Philippe Adnot en parlera dans un instant -, qui absorbent, à elles seules, toutes catégories confondues, 57 % des crédits de la mission, mais aussi les divers organismes de recherche, auxquels est consacrée la quasi-totalité du reste des crédits de la MIRES.

Ce crédit d'impôt recherche, évalué à 760 millions d'euros pour 2006, poursuit sa montée en puissance et devrait contribuer à dynamiser la recherche et le développement au sein des entreprises, ce dont nous devons nous féliciter.

En termes d'emplois, le Gouvernement a annoncé la création de 3 000 postes dans la recherche en 2006. Ainsi, 1 900 postes seront affectés aux universités - 1 100 postes d'enseignants-chercheurs sont prévus - et 1 100 postes, aux établissements publics de recherche.

Dans cet ensemble, monsieur le ministre, deux nouveautés se détachent : l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, et l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII.

L'ANR a pour vocation de financer des projets de recherche aussi bien thématiques que « blancs », c'est-à-dire à la disposition de leurs auteurs, sur la base de la décision motivée d'un jury composé de spécialistes s'appuyant sur des critères purement scientifiques. Pour 2006, cette agence disposera de 800 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 590 millions d'euros de crédits de paiement.

L'AII a, quant à elle, été créée à la suite des recommandations du rapport remis par M. Jean-Louis Beffa à M. le Président de la République, Pour une Nouvelle Politique industrielle. Elle doit exercer une mission de promotion et de soutien de grands programmes d'innovation industrielle, porteurs d'activité et d'emplois, à travers des aides qui, en majorité, seront des avances remboursables. Elle veillera surtout à faire participer les petites et moyennes entreprises, les PME, - trop étrangères, pour la grande majorité d'entre elles, à l'effort de recherche français - à hauteur de 25 % dans chacun des grands programmes qu'elle soutiendrait financièrement. Par ailleurs, 2 milliards d'euros d'engagements d'aides seront réalisés par cette agence d'ici à 2007.

Ces deux nouveaux organismes contribueront à diffuser en France la culture du financement par projet - pratique répandue dans de nombreux pays -, et non plus par établissement ou par structure. Ce faisant, nous nous inspirons d'expériences étrangères qui ont réussi, hélas ! souvent beaucoup mieux que nous.

Certes, il ne saurait être question - j'y insiste - d'abandonner la recherche fondamentale, mais ce mode de financement complémentaire peut permettre de mieux répondre à plusieurs enjeux cruciaux pour son avenir. Je pense notamment à l'orientation de la recherche vers les secteurs prioritaires, à l'articulation entre la recherche publique et le secteur privé, ou à la responsabilisation plus précoce des plus brillants de nos jeunes chercheurs.

Je souligne cependant que les crédits d'intervention de ces deux agences ne se trouvent pas au sein de la MIRES. En d'autres termes, ils ne sont pas directement affectés par le budget de l'État. Vous le savez, certains crédits sont financés par le compte d'affectation spéciale, c'est-à-dire par le produit des privations. Une telle anomalie, si elle peut s'expliquer par les difficultés financières qui sont les nôtres, ne devrait pas aider le Parlement dans son travail d'évaluation des résultats des programmes par rapport aux moyens engagés. Nous devrons donc veiller à cela avec une attention toute particulière.

Le Sénat a été saisi, en première lecture, du projet de loi de programme pour la recherche. Sans entrer d'ores et déjà dans ce débat, je vous rappelle les principaux objectifs de ce texte : un pilotage clair, un encouragement des partenariats locaux entre établissements de recherche, une réforme de l'évaluation des projets - il s'agit d'un problème difficile, mais capital -, un allégement de plusieurs contraintes administratives, le tout soutenu par une programmation rigoureuse.

Chacun voit bien qu'il s'agit de pistes susceptibles de faire évoluer en profondeur notre organisme de recherche, qui est loin de répondre aux exigences de l'avenir et aux voeux de l'opinion. Si nous n'améliorons pas le système actuellement en vigueur dans notre pays - c'est l'objet de ce projet de loi de programme -, nos voisins ne nous attendront pas !

Le Gouvernement aurait pu se contenter d'engager une réforme sans y adjoindre les moyens nécessaires, prenant modèle sur la Grande-Bretagne, qui, avouons-le, affiche aujourd'hui des résultats plus brillants que les nôtres avec des crédits moins importants. Mais il a fait le choix, plus courageux, de mener de front l'abondement des moyens et la réforme de l'appareil. Il s'agit de l'un des engagements du Pacte pour la recherche : les moyens seront là. Nous veillerons à ce que des objectifs clairs y soient mis en regard. Ainsi, l'esprit de réforme qui nous anime avec la LOLF est donc indispensable pour rendre cet effort payant.

Dans l'immédiat, notre collègue M. Philippe Adnot et moi-même vous proposons l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » que nous examinons aujourd'hui, assortis de quelques amendements inspirés, dans le cadre de la LOLF, par un triple souci de précision, d'efficacité et d'économie. Nous écouterons avec intérêt, monsieur le ministre, les réponses que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet.

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