Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 1er décembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement supérieur et la recherche, c'est une évidence depuis des décennies, font figure de parents pauvres de notre éducation nationale. Alors que la France dépense bien plus en faveur de ses collégiens et lycéens que les autres pays comparables avec des résultats pour le moins ambigus si ce n'est décevants, son effort financier pour l'enseignement supérieur s'est toujours avéré bien modeste.

Les comparaisons internationales tant avec les États-Unis, ce qui n'est pas une surprise, qu'avec les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, en attestent cruellement. Il aura fallu bien longtemps pour que l'opinion commence à prendre clairement conscience qu'il y avait là l'une des explications aux difficultés économiques dont nous souffrons avec leur cortège de chômage et de drames humains.

Même une formidable initiative comme celle des pôles de compétitivité nous met aujourd'hui trop souvent en présence des difficultés auxquelles nos universités sont confrontées, pour pouvoir enfin amorcer un partenariat efficace et fructueux avec le monde des entreprises, en l'espèce du secteur industriel, celui de la recherche privée et celui des collectivités territoriales.

A l'absolue nécessité de multiplier les échanges et de servir des projets communs hautement créateurs d'emplois s'oppose la logique obsolète du cloisonnement : coupure entre les grandes écoles et les universités, rivalités d'un autre âge entre les universités elles-mêmes quand ce n'est pas au sein des composantes d'une même université, ignorance trop répandue entre recherche universitaire et organismes de recherche privé.

Que de chemin reste à parcourir pour que le monde économique, le monde de l'université, le monde de la recherche publique et privée apprennent à marcher de concert, à travailler ensemble, à servir l'intérêt général et le développement de notre pays par l'excellence des projets plutôt que des intérêts catégoriels et parfois contradictoires.

Je salue « la prise de conscience quant à la nécessité de changer », pour reprendre l'expression de notre ministre, tout en soulignant qu'il s'agit d'une mutation culturelle essentielle, incontournable si nous voulons garder quelque ambition, mais aussi terriblement exigeante dans la modification de nos comportements, de nos habitudes, de nos routines, de nos travers. Qui ne voit également l'absolue nécessité d'approfondir dans ce cadre l'autonomie de nos universités leur permettant ainsi d'adapter leurs moyens, leurs travaux, leurs équipes aux réalités de leur environnement !

Ce préalable une fois posé, je n'en suis que plus à l'aise pour à la fois encourager l'indispensable effort financier en faveur de l'université et de la recherche, souhaiter qu'une autonomie renouvelée vienne doper le dynamisme universitaire et exprimer une vive inquiétude sur un certain nombre de dérives auxquelles il convient de remédier au plus vite.

La multiplication des implantations universitaires à laquelle il a été procédé depuis plus de vingt ans dans un souci, a priori louable, d'aménagement du territoire, nous amène aujourd'hui à prendre acte de brillants succès comme de cuisants échecs. Je n'ai pas l'impression de caricaturer en disant que parfois l'excellence côtoie Clochemerle.

Mon attention a été alertée à de nombreuses reprises sur certaines implantations universitaires - et j'ai le cas par exemple dans mon département d'élection, le Nord - où sévit un localisme exacerbé en matière de recrutement. Des enseignants titulaires nommés sur leur premier poste de professeur partent aussi vite qu'ils le peuvent et sans que rien - c'est un euphémisme - ne soit fait pour les retenir.

Des postes vacants ne sont pas mis au recrutement et si certains le sont, tout est fait pour que personne ne soit effectivement nommé. Convenons que ces emplois seraient plus utiles en d'autres lieux.

Certains mastères accueillent une poignée d'inscrits, souvent inférieurs à cinq, ce qui amène nombre de cours à être purement et simplement annulés faute de combattants. Et, si d'aventure un enseignant vient à regretter ce gâchis d'énergie et d'argent public, on lui répond que, son salaire n'étant en rien affecté de son inactivité, il aurait vraiment mauvaise grâce à se plaindre.

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