Intervention de Ivan Renar

Réunion du 1er décembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je commencerai par citer quelques propos entendus au cours de l'été : « nous allons faire un effort inédit pour notre recherche fondamentale » ; « l'importance de la recherche fondamentale pour la nation sera réaffirmée, parce que l'avancement de la connaissance est un objectif en soi légitime, mais aussi parce qu'elle permet l'éclosion des applications de demain ».

Ces déclarations, que je pourrais faire miennes, sont extraites d'un discours du Président de la République en date du 30 août dernier. Force est de constater combien le décalage est important entre les propos du Chef de l'État et la réalité budgétaire.

Le projet de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2006 apparaît en effet comme un simple rattrapage, qui fait suite aux coupes sévères opérées depuis 2002, aux gels et aux annulations de crédits décidés ces dernières années.

Certes, les crédits de la MIRES connaissent une très légère augmentation, à hauteur de 2, 2 %. Il faut y voir le résultat de la mobilisation exceptionnelle de la communauté scientifique, qui a permis de sensibiliser l'opinion publique aux enjeux de la recherche. Loin de n'être que la manifestation de démarches revendicatives simplement corporatistes, le mouvement des chercheurs et enseignants-chercheurs a donné naissance aux états généraux de la recherche. La communauté scientifique a ainsi engagé une profonde réflexion sur le système national de recherche et d'enseignement supérieur, débouchant sur des propositions jetant les bases d'une vaste réforme à venir.

Cependant, le Gouvernement n'a pas choisi de suivre les recommandations des chercheurs. En témoigne le projet de loi de programme pour la recherche, à maintes reprises retardé. Nous y reviendrons dans deux semaines, lors de l'examen de ce texte.

Le projet de budget de la MIRES pour 2006 montre également que la communauté scientifique n'a pas été entendue. Alors que l'État devait consentir un effort considérable, les moyens affectés à la recherche et à l'enseignement supérieur demeurent bien insuffisants.

Dans ces domaines, la France avait pourtant besoin d'un « électrochoc » pour retrouver sa position sur le plan mondial. Nous le savons, le temps joue contre nous. En 2006, l'écart entre la France et des pays tels que la Chine, le Japon, l'Inde, la Corée du Sud, sans parler des États-Unis, continuera à se creuser.

Sur la situation de l'emploi scientifique, les critiques sont quasiment unanimes. En effet, chacun s'accorde à dire qu'un plan pluriannuel est nécessaire. Le Gouvernement est cependant resté sourd à cet appel, alors qu'une programmation pluriannuelle aurait constitué un signal particulièrement positif pour les jeunes attirés par la recherche.

On relèvera néanmoins la création de 3 000 postes, à mettre au crédit de la mobilisation des chercheurs, qui ont alerté l'opinion publique sur les manques d'effectifs. Sont notamment créés 1 100 emplois d'enseignant-chercheur, mesure rendue nécessaire par la mise en oeuvre de la réforme « LMD », licence-mastère-doctorat, qui a suscité de nouveaux besoins en matière d'enseignement et de suivi des étudiants.

En termes d'emplois scientifiques, il est particulièrement instructif de lire l'avis du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, qui souligne que « le passif dans ce domaine nécessite un effort de rattrapage soutenu dont les mesures annoncées cette année ne doivent constituer que le premier pas ». On ne peut que s'interroger sur les suites que le Gouvernement entend donner à cette résolution, sachant qu'il ne s'est pas engagé au-delà de 2007.

La précarité, véritable mal endémique de notre société contemporaine, n'épargne pas le secteur de la recherche : un cinquième des chercheurs et un quart des enseignants-chercheurs n'ont qu'un emploi précaire. Le recours aux contrats temporaires, de plus en plus fréquent, s'avère pourtant éminemment préjudiciable à la continuité des travaux scientifiques. Il faut entendre les chercheurs témoigner de leurs expériences professionnelles. Ils disent à qui veut l'entendre que les fins de contrat de leurs collègues en situation précaire engendrent presque systématiquement la perte de savoir-faire, parfois uniques, d'expériences et d'idées de recherches à mener dans l'avenir.

Reconnaissons que la recherche de qualité exige une accumulation de compétences, de connaissances et de contacts qui font les spécialistes. La multiplication des contrats à durée déterminée fragilise les équipes, les directeurs de recherche se contentant alors de sous-traiter une partie de leur activité.

On le voit, la question de l'emploi demeure essentielle, d'autant que, en 2004, un tiers des titulaires de diplômes d'études supérieures spécialisées ou de doctorats avaient un emploi précaire ou étaient au chômage. Devant le manque de perspectives à moyen terme, une partie de nos jeunes chercheurs continue à s'exiler, aux États-Unis notamment, où les conditions de travail sont beaucoup plus attrayantes.

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