Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux répéter en cet instant que les membres de mon groupe étaient favorables à une réforme du Conseil supérieur de la magistrature – ils le restent d’ailleurs –, réforme voulue par les magistrats eux-mêmes. Cependant, comme je l’ai indiqué lors des première et deuxième lectures du projet de loi organique, nous n’avons pas pu donner notre aval à l’adoption du nouvel article 65 de la Constitution, qui ne renforce qu’en apparence l’indépendance du CSM à l’égard de l’exécutif.
Certes, le projet de loi organique qui nous est soumis a le mérite d’organiser la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Cette procédure constitue une indéniable avancée ; ses modalités ont été renforcées et améliorées par l'Assemblée nationale, qui a permis au justiciable auteur d’une plainte d’être entendu par la commission d’admission des requêtes.
Néanmoins, le renforcement des droits des justiciables est loin de suffire pour que le texte qui nous est soumis puisse tenir les promesses affichées…
La réforme ne renforce en rien la crédibilité du Conseil supérieur de la magistrature en assurant l’autonomie de ses décisions. Loin de garantir l’indépendance souhaitée, elle maintient la mainmise de l’exécutif sur cette institution.
S’il ne préside plus le CSM, le Président de la République disposera du pouvoir de nommer deux de ses membres qualifiés et en désignera le secrétaire général. Nous aurions souhaité que les magistrats et les membres qualifiés soient à égalité au sein du Conseil, mais telle n’est pas la solution retenue.
Deux points contestables de la réforme ont été adoptés.
Premièrement, la transmission pour examen de la plainte à la formation compétente du CSM en cas de partage des voix au sein de la commission d’admission des requêtes a été retenue. Un tel partage aurait pourtant dû conduire à un classement sans suite de la plainte, car le doute devrait bénéficier au magistrat mis en cause.
Deuxièmement, le garde des sceaux a la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés malgré le rejet par la commission d’admission des requêtes d’une plainte qui lui aurait été adressée par un justiciable ou par le garde des sceaux lui-même.
Or d’une part, ces mesures nuisent à la cohérence d’un texte qui dispose, par ailleurs, que les décisions de rejet de la commission d’admission des requêtes sont insusceptibles de recours ; d’autre part, la réforme consacre par ce biais une immixtion de l’exécutif dans la procédure disciplinaire, afin, vraisemblablement, de permettre au Gouvernement d’user de la menace de sanction à ses propres fins et de répondre aux pressions d’une partie de l’opinion, toujours plus favorable à la répression.
Par ailleurs, les modalités de la désignation des membres du CSM et les incompatibilités applicables à certains d’entre eux ne permettent ni de renforcer leur légitimité, ni de garantir la transparence et l’impartialité des décisions de cette autorité.
Ainsi, les conditions de désignation de l’avocat devant siéger au Conseil ne nous satisfont pas ; nous appelions de nos vœux sa désignation par ses pairs, car son élection par l’Assemblée générale du Conseil national des barreaux aurait, nous semble-t-il, accru sa légitimité. Les objections qui ont été formulées à ce sujet ne m’ont pas convaincue.
Nous contestions également la possibilité laissée à l’avocat membre du CSM d’exercer pendant la durée de son mandat sa profession. Notre position n’a pas été retenue, pas plus que la proposition du Sénat, cependant meilleure que la mesure finale adoptée par la commission mixte paritaire.
Pour ce qui concerne le secrétaire général du CSM nommé par le Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour après simple avis du CSM, nous réclamions un avis conforme de la formation plénière. Un tel avis aurait renforcé la légitimité de cette personnalité, destinée à exercer des fonctions très importantes au sein du CSM, contrairement à ce qui a pu être dit. Là encore, notre point de vue n’a pas été retenu.
Enfin, les prérogatives de la formation plénière du CSM nous paraissaient insuffisantes ; elles n’ont pas été accrues, ni par l’Assemblée nationale, ni, bien sûr, par la commission mixte paritaire.
Dans le texte qui nous avait été soumis, cette formation avait pour seule fonction de répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République, ainsi qu’à toute question du garde des sceaux concernant la déontologie des magistrats ou le fonctionnement de la justice. Elle ne pouvait donc être à l’initiative d’avis portant sur des atteintes à l’indépendance de la justice. Or la possibilité de rendre de tels avis non seulement aurait renforcé sa crédibilité aux yeux de l’opinion, mais également aurait évité une instrumentalisation par l’exécutif.
En vertu des dispositions adoptées, il devrait désormais revenir à la formation plénière du CSM de se prononcer sur le manquement de l’un de ses membres et de prescrire l’avertissement ou la démission d’office de ce dernier. Ce nouveau rôle attribué à la formation plénière – que nous appelions de nos vœux, je le répète – devrait renforcer la crédibilité des décisions du Conseil supérieur de la magistrature en garantissant l’intégrité de ses membres. Cependant, cette mince amélioration – tout comme l’autonomie budgétaire, fort heureusement rétablie – ne suffira pas à modifier le regard négatif que nous portons sur la réforme qui nous est soumise.
Le Gouvernement, en contradiction avec son intention affichée de renforcer l’indépendance de l’institution, entend préserver son pouvoir d’intervention sur les décisions du Conseil supérieur de la magistrature.
Confirmant la position que nous avions adoptée lors des première et deuxième lectures du projet de loi organique, nous voterons donc contre ce texte.