Intervention de François Pillet

Réunion du 22 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Discussion de deux propositions de loi

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Madame le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui à examiner un texte qui consacre l’aboutissement d’une initiative parlementaire très forte et la poursuite d’un processus législatif très large.

Les propositions de loi sont le fruit d’une préoccupation et d’un travail dont nous pouvons tous souligner, avec une fierté et une satisfaction légitimes, qu’il a été totalement consensuel.

Le constat de l’état des lieux conduit, dès l’origine, à des conclusions convergentes : les violences conjugales sont un phénomène d’ampleur mal connue qui engendre un contentieux atypique.

Un phénomène d’ampleur mal connue parce que les études, les recherches, les auditions démontrent qu’il existe peu de données statistiques fiables.

Un phénomène d’ampleur mal connue parce que, par hypothèse, dans la mesure où ces violences ont lieu dans l’intimité familiale, elles sont nimbées d’un voile de non-dit, de secret, voire de pardon plus ou moins librement consenti.

Cette situation génère ou amplifie un contentieux atypique parce que ces violences touchent tous les milieux et que l’isolement, la religion, l’âge, le chômage et l’alcool semblent les amplifier.

Un contentieux atypique aussi, parce que son règlement interviendra au terme d’un débat judiciaire qui aura peu souvent permis de mettre au jour toutes les réelles intentions, les arrière-pensées, les manipulations de l’une ou l’autre des parties, voire des deux.

Un contentieux atypique, enfin, parce qu’il s’éteint souvent par le renoncement de la victime au-delà duquel la justice évite de s’engager craignant, hélas ! assez souvent à juste titre, d’être instrumentalisée.

Tous ces obstacles à des réflexions et des choix éclairés ne sauraient pour autant faire douter que l’on doive encore mieux légiférer puisqu’il persiste là un espace sombre de souffrances, de violences et, finalement, d’atteintes aux libertés fondamentales.

Nul ne peut être insensible ou étranger à cette situation inacceptable.

C’est pourquoi certains d’entre nous, de tous bords, de toutes sensibilités, ont pris des initiatives auxquelles nous avons collectivement adhéré.

Au Sénat, je citerai bien évidemment nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo-Cohen Seat, à l’Assemblée nationale, les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy.

Je pourrais évoquer bien d’autres noms : le fait que je ne le fasse pas ne signifie pas que leurs initiatives soient moins louables.

D’ailleurs, il est significatif de noter les points suivants : depuis le nouveau code pénal de 1994, les peines encourues par les auteurs de violences conjugales sont aggravées ; depuis le 26 mai 2004, notre droit permet également d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal ; depuis le 4 avril 2006, sur l’initiative de nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo-Cohen Seat, une loi a, en particulier, reconnu la notion de viol et d’agression sexuelle au sein du couple, ainsi que l’existence du vol entre époux pour certains biens ; depuis le 4 avril 2006, cette loi élargit la circonstance aggravante de violences conjugales aux pacsés, anciens conjoints, anciens concubins et anciens pacsés ; depuis le 5 mars 2007, une loi a mis en place un suivi socio-judiciaire éventuel pour les personnes reconnues coupables de violences conjugales ; depuis le 25 mars 2009, une loi a prévu que les victimes de violences conjugales figureraient parmi les publics prioritaires pour accéder à un logement social.

On peut même ajouter que s’agissant des femmes étrangères menacées de mariage forcé dans leur pays, une loi du 10 décembre 2003 a ouvert la faculté de les faire bénéficier de la protection subsidiaire accordée aux personnes qui établissent être exposées dans leur pays à des menaces de traitements inhumains ou dégradants, ce qui inclut, bien évidemment, les femmes victimes ou menacées de mariage forcé.

Le cheminement législatif est ainsi constant et déterminé.

Il a, par ailleurs, été accompagné d’initiatives volontaristes des pouvoirs publics.

Il faut rappeler la mise en place d’une politique interministérielle de prévention et de répression des violences conjugales qui associe l’ensemble des acteurs concernés. La lutte contre ces violences a ainsi constitué l’un des axes essentiels du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes lancé en 2005. Il faut également rappeler le lancement d’un second plan triennal, qui lui a succédé en 2008. Il faut enfin rappeler la déclaration selon laquelle la lutte contre les violences faites aux femmes, incluant les violences conjugales, est, en 2010, une « grande cause nationale ».

Localement, les parquets ont mis en place des politiques pénales spécifiques.

Sur ce point, les auditions du procureur de la République de Versailles et du procureur de la République de Strasbourg ont été particulièrement intéressantes. Elles ont apporté la démonstration que des progrès notables étaient enregistrés dans ce domaine lorsqu’une convention est passée entre les services de la préfecture, les services de police, les services judiciaires, certains professionnels de santé, les offices d’HLM et, bien évidemment, le secteur associatif.

Les mesures déclinées au quotidien ont aussi permis d’incontestables progrès en matière de sensibilisation du public et des professions concernées.

Enfin, il faut souligner, pour le saluer, le travail des associations qui interviennent aux différents stades du traitement du problème…

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