Intervention de François Pillet

Réunion du 22 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Discussion de deux propositions de loi

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

La commission des lois a examiné simultanément la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, de notre collègue M. Roland Courteau, et la proposition de loi, élaborée par les députés, adoptée par l’Assemblée nationale le 25 février 2010. Cette dernière est le fruit des travaux d’une mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2008, présidée par Mme Danielle Bousquet et ayant pour rapporteur M. Guy Geoffroy. Je tiens ici à souligner la qualité des travaux de nos collègues députés.

Ces deux propositions de loi ont un triple objet commun : mieux protéger, mieux prévenir, mieux réprimer.

La commission des lois, partageant sans réserve les objectifs visés, soumet à vos débats, mes chers collègues, un texte qui recèle des modifications qui ne sont destinées qu’à conforter sur le plan juridique les propositions initiales…

Dès que l’on aborde le problème des violences, on traite habituellement de la prévention et de la sanction.

Le texte qui nous occupe prévoit en tout premier lieu la création d’un instrument juridique profondément novateur : l’ordonnance de protection.

L’objectif de cette ordonnance de protection est de stabiliser temporairement, pour une durée de quatre mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation d’avec l’auteur des violences.

Le juge aux affaires familiales, qui se voit confier cette compétence, pourra interdire à l’auteur des violences de rencontrer la victime ; interdire à l’auteur des violences de détenir des armes ; statuer sur la résidence séparée du couple ; attribuer le logement et évincer du domicile l’auteur des violences ; fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale ; fixer la contribution aux charges du ménage ; préciser les conditions de paiement du loyer ou des emprunts.

Le juge aux affaires familiales pourra en outre décider d’autoriser la victime à ne pas révéler son domicile ; protéger une personne majeure menacée de mariage forcé en interdisant, à sa demande, la sortie du territoire ; organiser le droit de visite et d’hébergement et, surtout, organiser la remise de l’enfant à l’autre parent, qui constitue souvent une occasion de réitérer ou d’aggraver certaines violences contre l’autre parent, voire contre l’enfant lui-même.

Après avoir noté que ces initiatives répondaient en particulier à l’article 2 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, la commission a souhaité renforcer l’efficience de ces mesures de protection en prévoyant la saisine la plus aisée et la plus rapide qui soit du juge tout en sauvegardant au mieux, compte tenu des objectifs visés, l’examen contradictoire des circonstances et éléments du conflit et des violences qui l’accompagnent.

La commission des lois a par ailleurs veillé à ce que, sans qu’elles prennent le risque de devenir une partie au procès, les associations puissent apporter tout leur concours au soutien de la victime et des enfants.

L’ordonnance de protection, création juridique innovante, devrait constituer un important progrès de notre droit de la famille.

Ce texte renforce également les mesures de prévention contre les violences.

Ainsi, il est prévu qu’un rapport devra être remis par le Gouvernement au Parlement sur les initiatives prises afin de créer un observatoire national des violences faites au sein du couple.

Sur un autre plan, il est précisé que certaines actions de formation consacrées à ce phénomène et à l’égalité entre les hommes et les femmes doivent être confortées par des sensibilisations du grand public à travers les médias et l’école.

Le texte s’attache, dans un autre volet, à organiser et homogénéiser des sanctions spécifiques pour répondre à ce type de violences.

C’est ainsi – et c’est là un point très important – que la violation des obligations imposées au conjoint violent dans le cadre d’une ordonnance de protection sera pénalement sanctionnée.

Le recours au placement sous surveillance électronique mobile de l’auteur des violences avant sa condamnation et après l’exécution de sa peine sera facilité.

Des dispositions de téléprotection complémentaires pourront être proposées à la victime.

L’appréhension de l’auteur des violences par les forces de police et de gendarmerie pourra être effectuée pour une personne mise en examen dès lors qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a manqué aux obligations qui lui incombent, sans attendre que cette inobservation soit avérée.

Les personnes reconnues coupables de menace à l’encontre de leur compagne ou de leur compagnon pourront être condamnées à une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire.

S’agissant du recours à la médiation pénale dans le cadre de violences conjugales, il vous est suggéré que, en dehors de l’hypothèse où une victime de violences conjugales a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande d’ordonnance de protection, elle puisse être proposée, mais que la victime demeure libre de la refuser.

Bien que des faits constitutifs de harcèlement psychologique puissent, en l’état de notre droit pénal, d’ores et déjà être réprimés, il est apparu à la commission que la loi pouvait opportunément rehausser la voix du législateur en inscrivant dans ses tables un délit spécifique.

La rédaction retenue pour celui-ci a fait l’objet de modifications par rapport à la proposition de loi adoptée par les députés, dans un souci de sécurité juridique, mais également dans l’intérêt des victimes. En effet, un certain nombre de personnes entendues – en particulier celles et ceux qui auront à appliquer ces dispositions – ont souligné le risque que ce nouveau délit puisse être détourné par les auteurs de violences conjugales pour justifier les violences infligées à leur compagne ou leur compagnon par un prétendu harcèlement dont ils feraient l’objet au quotidien.

En ce qui concerne le harcèlement sexuel, la commission, qui ne partage pas les inquiétudes des députés quant à la compatibilité de notre droit pénal avec le droit communautaire, n’a pas souhaité qu’un nouveau texte vienne nuire à la définition acquise et admise pour satisfaisante de ce délit.

Je signalerai enfin que la commission des lois a procédé à certaines harmonisations de peines et, surtout, a adopté un amendement permettant l’application de cette proposition de loi dans les collectivités d’outre-mer, où le phénomène des violences dans le couple présente certainement une acuité particulière.

Au terme de son examen des deux textes, la commission a ainsi constaté que les articles 1er et 2 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau ainsi qu’une partie de son article 3 étaient satisfaits par la proposition de loi des députés.

Elle a en revanche laissé aux débats en séance publique le soin d’intégrer ou non dans le texte l’institution d’une journée nationale de sensibilisation aux violences au sein du couple.

Enfin, elle a regretté que les dispositions de l’article 4 de la proposition de loi de M. Courteau, qui portent sur l’organisation de formations spécifiques à l’intention des personnels amenés à prendre en charge des victimes de violences conjugales, ne puissent être intégrées du fait de leur irrecevabilité financière.

Pour terminer, nous vous proposons d’élargir l’intitulé de la loi afin qu’il recouvre plus exactement l’ensemble des dispositions qu’elle contient et constitue en lui-même la démonstration de sa portée. §

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