Songez qu’il fallut attendre 1989 et les premières initiatives prises par Michèle André, alors secrétaire d’État chargée des droits des femmes et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour que l’on se préoccupe enfin de ce mal. Peu d’évolutions intervinrent ensuite, et ce jusqu’à l’adoption de la loi du 4 avril 2006.
Pour la première fois, un texte spécifique était soumis à l’examen du Parlement. C’était d’ailleurs tout à l’honneur du Sénat, précurseur en ce domaine, ce dont je me réjouis, même si le groupe socialiste n’avait pas été totalement suivi pour ce qui concerne l’élaboration d’une loi-cadre, comme a su s’en doter l’Espagne.
Cela dit, tant mieux si, comme le mentionnait Françoise Laborde, cette loi de 2006 a provoqué un déclic, à la fois social, judiciaire et législatif, et enclenché une dynamique générale se traduisant par la montée du taux de révélation et de judiciarisation de ces violences. Tant mieux si les tabous ont commencé à tomber ; tant mieux si, par ce premier texte, le droit et la justice ont pu pénétrer, enfin, dans la sphère privée. Et tant mieux, en outre, si la parole s’est libérée. C’est bien la preuve qu’une action volontariste permet de mieux lutter contre ce fléau, même s’il est vrai que des chansons aussi scandaleuses que celle d’Orelsan ne nous aident guère à progresser.
En fait, c’est bien parce que la lutte contre les violences au sein du couple ne peut souffrir aucun répit que nous avons déposé deux autres propositions de loi, l’une en juin 2007, et l’autre en décembre 2009. C’est cette dernière que nous examinons concomitamment avec le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de parvenir à un texte unique.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ampleur du phénomène auquel nous sommes confrontés exige que nous mettions en œuvre une prévention massive. Il est vrai que la situation nous faisait d’abord obligation de mettre en place un arsenal juridique, afin de lutter contre ces violences. Ce fut principalement le rôle de la loi de 2006, laquelle prévoyait une aggravation des sanctions, l’éloignement du domicile de l’auteur des violences, la lutte contre les violences faites aux mineurs, la lutte contre les mariages forcés, l’incrimination du viol au sein du couple, ou encore la prise en charge sanitaire, sociale et psychologique, y compris dans le cadre du PACS ou des anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires pacsés.
Si ces dispositions ont apporté une première réponse, elles doivent être relayées par d’autres dynamiques, afin de changer profondément certains schémas ancrés dans les mentalités. Punir sévèrement est nécessaire. Mais si nous voulons changer les mentalités, et donc réduire ces violences jusqu’à – pourquoi pas ? – les éradiquer, il faut agir très en amont, c’est-à-dire à l’école, au collège et au lycée : informer, éduquer, prévenir. Comme le disait Romain Rolland, « tout commence sur les bancs de l’école ».
L’une de ces dynamiques consiste en un vrai travail d’éducation sur le respect mutuel entre les garçons et les filles, l’égalité entre les sexes, le respect des différences et la lutte contre le sexisme. Qu’est-ce que le sexisme, si ce n’est « cette tendance à vouloir inscrire la différence entre les garçons et les filles dans un rapport hiérarchique de domination, où le masculin l’emporte sur le féminin » ?