Intervention de Roland Courteau

Réunion du 22 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Discussion de deux propositions de loi

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Toujours en ce qui concerne la prévention, nous avons été alertés sur les situations de danger dans lesquelles se trouvent des femmes et leurs enfants. On a en effet pu noter que les victimes de violences hésitaient très souvent à porter plainte, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, la crainte de représailles, ensuite, les problèmes d’urgence liés au logement, à la garde des enfants ou à la régularité du séjour pour les personnes étrangères.

Il nous a semblé nécessaire de mettre en place, modestement, certes, une procédure permettant de protéger, avant tout dépôt de plainte, la victime et ses enfants, en saisissant le juge aux affaires familiales, comme le prévoit l’article 220-1 du code civil pour les couples mariés. Nous avons donc souhaité, par souci de cohérence, élargir cette compétence du juge aux affaires familiales aux partenaires liés par un PACS et aux concubins. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que notre préoccupation soit satisfaite par le texte proposé par la commission.

J’en viens à notre proposition de créer un délit pour violences psychologiques. Il s’agit pour nous d’un dossier ancien. Certes, je n’ignore pas que le repérage de ce type de violences peut, dans certains cas, s’avérer difficile. En effet, les violences psychologiques ne laissent pas de traces aisément identifiables et médicalement objectivables. Faut-il pour autant persister à ne rien faire, sous prétexte que le sujet serait difficile ? Je rappelle qu’il s’agit d’un phénomène de société alarmant, particulièrement destructeur et qui consiste en une mise à sac de la confiance en soi et de l’estime de soi.

Bref, un vrai travail de harcèlement, un vrai travail de démolition morale, qui, souvent, précède, prépare l’arrivée des violences physiques, lesquelles sont autant de blessures parfaitement préméditées, organisées et planifiées. Certes, ces blessures sont peut-être parfois invisibles, mais elles sont « indélébiles » et détruisent un être à petit feu.

La menace itérative est une autre technique d’usure : « Si pars, tu le regretteras ! » ; « Si tu me quittes, je te tue ! » ; « Si tu t’en vas, tu ne verras plus tes enfants, et je me tue après... ». C’est du vécu, mes chers collègues !

Selon certains psychologues, la séparation, dans ces cas-là, ne peut avoir lieu que si l’auteur des menaces est soumis à la justice. Il ne renoncera à ces violences que s’il connaît les risques qu’il court sur le plan judiciaire.

Or, aujourd’hui, comme le soulignait justement l’avocate maître Yaël Mellul, « lorsque la violence psychologique s’exerce à l’intérieur du couple, la justice, elle, reste à la porte ».

Que reste-t-il à faire pour la victime, s’interrogeait récemment le docteur Feldman ? Rester ? Se soumettre, et donc aller, à brève échéance, vers la destruction ? Ou bien partir, sans savoir ce que deviendront les enfants ? Combien de victimes de ces violences psychologiques ont-elles mis fin à leur calvaire en se donnant la mort ?

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que certaines des dispositions visées dans ces deux propositions de loi soulevaient des difficultés juridiques ; c’est pourquoi vous y avez apporté plusieurs modifications. Sachez que nous approuvons celles-ci.

Concernant l’article 5 de notre proposition de loi, relatif à l’aide juridictionnelle, nous proposions que cette aide soit accordée à la victime sans condition de ressources et pour tous les cas de violences au sein des couples. Chacun imagine bien que, dans ces situations, il ne faudra pas compter sur l’agresseur pour payer les frais de justice...

Malheureusement, en raison, encore une fois, de l’irrecevabilité financière en application de l’article 40, nous n’aurons pas satisfaction sur ce point précis.

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à compléter la loi du 4 avril 2006, mais aussi la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, peut-être faudrait-il s’assurer qu’elles sont correctement appliquées, plus particulièrement en matière d’éviction du domicile ou d’injonction de soins pour les auteurs de violences.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faudra améliorer le délai de réponse de la justice en matière d’éviction du domicile familial de l’auteur de violences.

Concernant l’injonction de soins, à l’article 12 sont reprises les dispositions de notre proposition de loi visant à incriminer les violences habituelles commises au sein des couples. Vous nous en voyez satisfaits, monsieur le rapporteur, même si nous eussions aimé que la deuxième disposition qui suivait dans notre texte fût, elle aussi, retenue.

Je rappelle que nous proposions que, dans ces cas-là, les auteurs de violences soient condamnés à un suivi socio-judiciaire.

Je rappelle aussi que l’injonction de soins a été généralisée dans le cadre du suivi socio-judiciaire par la loi d’août 2007. Je constate, pour le regretter, qu’une telle mesure a été d’abord écartée par les députés pour les violences habituelles commises au sein du couple. Pourquoi ? Parce que nous manquons de médecins coordonnateurs, ai-je cru comprendre. Mais toute la question est de savoir pourquoi nous manquons de médecins coordonnateurs. La réponse est surprenante : c’est tout simplement parce qu’ils sont insuffisamment ou mal payés !

Or, faute de médecins coordonnateurs, les mesures d’injonction de soins ne peuvent être correctement suivies dans plus de la moitié des tribunaux. Le plus étonnant, c’est que la seule réponse qui ait été apportée à ce problème d’indemnisation des médecins a consisté à limiter l’automaticité du contrôle socio-judicaire et, donc, de l’injonction de soins qui en découle.

En d’autres termes, comme le dirait mon ami Jean-Jacques Mirassou, si vous avez de la fièvre, vous cassez le thermomètre et le tour est joué !

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