Tous les enfants qui vivent dans ces couples où ont lieu des violences conjugales et familiales, à huis clos, sont des victimes.
Bien entendu, devant un tel constat, une unanimité s’est formée au sein de la commission des lois pour faire avancer la lutte contre ce fléau, pour lever les tabous, pour en parler et pour en faire parler, pour informer et pour former.
Tous les moyens sont bons et seront toujours bons pour informer les victimes, pour qu’à un moment dans leur vie, au moment où elles en ont besoin, au moment où elles sont capables de l’entendre et de le voir, elles puissent saisir au vol un numéro de téléphone, trouver l’oreille d’un ami ou d’un voisin qui a été informé et alerté, et qui saura les écouter et les diriger, pour qu’elles puissent trouver une association à proximité, une main tendue, et qu’elles puissent la saisir.
Malgré tout, malgré cette unanimité, il reste des lacunes dans le texte qui nous est proposé ; il reste des incompréhensions, il reste quelques dissensions ou quelques désaccords. Et malgré tout, nous sommes tous obligés de le reconnaître, ce fléau demeure mal connu, mal évalué.
Pourquoi ? Je crois qu’en premier lieu il faut se demander ce que recouvre le terme « violences ». Il est extrêmement important de nommer ces violences, et de les qualifier.
Les violences sont plurielles, et celles auxquelles nous pensons en premier sont les coups. Mais les violences sont aussi des mots, des mots qui sont lâchés à petits coups, à petites touches, mais toujours avec cruauté, des mots qui, petit à petit, humilient, blessent, abaissent, torturent et détruisent, des mots qui amènent celles et ceux qui les reçoivent à supporter l’insupportable, et à tolérer l’intolérable. Ces mots, dans les phénomènes que l’on qualifie de violences conjugales, sont toujours le prélude aux coups et aux violences physiques.
Pourtant, même au sein de ces violences conjugales, je voudrais que l’on distingue deux types de violences, et ce n’est pas pour faire de la sémantique. Je viens de parler des mots qui tuent, je pense qu’il est très important de parler également des mots qui désignent, des mots qui qualifient, et aussi des mots qui guérissent. Il est primordial, quand on s’attaque à un tel sujet, d’utiliser les bons mots, de qualifier correctement les fléaux contre lesquels on lutte.
Au sein d’un couple, il peut y avoir un conflit. Celui-ci peut aboutir à de la violence physique. Il peut aussi aboutir à de la violence avec les mots. On peut en effet, dans un moment où l’on perd la maîtrise de soi, utiliser des mots blessants, des mots humiliants, des insultes. On peut échanger des coups, même si ce n’est pas une bonne chose. Néanmoins, les deux protagonistes ont des chances égales. Il n’y a pas de réitération systématique des faits, entre celui qui frappe et celui qui reçoit.