Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 22 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Suite de la discussion de deux propositions de loi

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Je tiens également à remercier pour leur investissement Michèle André, présidente de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Muguette Dini, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Françoise Laborde, rapporteur pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et, enfin, François Pillet, rapporteur de la commission des lois.

Après un bilan d’étape de notre législation dressé il y a deux ans, à l’occasion d’une question orale avec débat adressée à Valérie Létard, alors secrétaire d’État à la solidarité et à la parité, je me réjouis de voir ce sujet revenir devant le Parlement.

Nous l’avions déjà dit à l’époque, des progrès ont été accomplis, mais les chiffres restent toujours accablants ! Je ne rappellerai pas tous ceux que vous avez énumérés, mes chers collègues, mais ils parlent d’eux-mêmes…C’est que les faits sont têtus !

Longtemps restées dans l’ombre, les violences envers les femmes, notamment les violences conjugales, sont mieux connues, depuis quelques années, grâce à plusieurs enquêtes.

L’enquête nationale sur les violences envers les femmes, réalisée en 2000 sur la demande du secrétariat aux droits des femmes, a permis, et pour la première fois, de prendre véritablement la mesure de ces violences et, en particulier, des violences exercées au sein du couple.

Sept ans plus tard, l’enquête réalisée par l’Observatoire national de la délinquance a recensé, en 2007, 47 573 faits constatés de violences volontaires sur femmes majeures par conjoint ou ex-conjoint. En trois ans, ce nombre a connu une augmentation de 31 %, qui s’explique par l’amélioration de la collecte de l’information et l’enregistrement des actes de violences conjugales, qui n’étaient auparavant pas considérées comme des délits.

Ces enquêtes ont suscité une prise de conscience qui a facilité l’adoption de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ou commises contre les mineurs ; ce fut une étape législative majeure qu’il nous appartient aujourd’hui de renforcer.

Rappelons aussi que le Gouvernement a lancé deux plans successifs d’accompagnement pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales : un plan courant de 2005 à 2007 intitulé « Dix mesures pour l’autonomie des femmes », puis un plan triennal, entre 2008 et 2010, pour combattre les violences faites aux femmes, lancé en novembre 2007 par notre ancienne collègue du groupe de l’Union centriste, Valérie Létard, alors secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Deux ans après le lancement de ce plan, nous pouvons constater que le bilan est positif, puisqu’un certain nombre d’avancées ont été rendues possibles en matière de prise en charge des victimes : 36 « référents violences » ont été mis en place dans 32 départements ; la plateforme d’écoute téléphonique du 3919 répond à plus de 80 000 appels par an ; enfin, 12 000 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale sont consacrées à l’accueil d’urgence des femmes victimes de violences.

Enfin, une campagne de communication avec des messages télévisés a été réalisée pour sensibiliser le grand public.

On le voit, beaucoup de moyens ont été mis en place, mais, aujourd’hui, il nous faut renforcer la législation.

La présente proposition de loi vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales, mieux prévenir les violences, mieux punir les auteurs.

Elle prévoit ainsi, en son article 1er, la création d’un instrument juridique novateur, l’ordonnance de protection, qui devrait permettre d’assurer une protection rapide et efficace des femmes victimes de violences, de stabiliser temporairement la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation avec l’auteur des violences.

Quand on sait que 90 % des victimes n’osent pas porter plainte parce qu’elles craignent les conséquences possibles de cette démarche – en matière de logement, de garde des enfants ou de régularité du séjour pour les femmes étrangères –, nous ne pouvons que saluer cette initiative et regretter quelque peu la restriction apportée par la commission des lois, qui a supprimé la possibilité reconnue aux associations de saisir le juge avec l’accord de la partie intéressée.

La proposition de loi prévoit aussi la création d’un dispositif de surveillance électronique mobile applicable à titre expérimental, pendant une durée de trois ans. Si le principe me semble intéressant, la pratique pourrait être complexe. Il serait dès lors pertinent d’obtenir un rapport parlementaire ou gouvernemental, d’ici à trois ans, afin d’étudier l’opportunité de maintenir, voire de renforcer ce système.

Nous soutenons, en tout cas, la sécurisation de la situation administrative des personnes de nationalité étrangère victimes de violences conjugales sur le territoire français, et les conventions qui devraient être passées avec les bailleurs et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, afin de réserver un nombre suffisant de logements aux personnes victimes de violences conjugales.

Ce sont deux facteurs de réinsertion sociale et économique primordiaux qui aideront les femmes à se reconstruire et à sortir de l’impasse.

J’insisterai enfin sur l’article 17, qui crée un délit spécifique de harcèlement psychologique au sein du couple.

Cette transposition du harcèlement moral au travail adapté à une relation de couple, est particulièrement innovante. Malgré les inquiétudes de certains acteurs sur les difficultés à prouver le harcèlement et le risque d’utilisation abusive, il n’en reste pas moins que ce dispositif permet de reconnaître et de sanctionner la violence, dès l’apparition des premiers signes et, peut-être, d’éviter une escalade, douloureuse et dangereuse, aussi.

Comme le soulignait Mme Valérie Létard, « nous voulons nous attaquer au dernier des tabous : la violence verbale et psychologique dans le couple, qui est la plus ordinaire, mais à l’origine de toutes les autres ». Ne l’oublions pas, ces violences psychologiques et verbales représentent la majorité des violences conjugales, 80 % des appels au 3919 le montrent.

Mes chers collègues, souvenez-vous du court métrage réalisé par Jacques Audiard à ce sujet. Là, pas de sang, pas de larmes, pas d’assiettes qui volent, mais une violence psychologique insidieuse. Pour le réalisateur, « il n’y a pas de fatalité, en bouclage de film, l’espoir est là, notre femme n’est pas abattue, elle réagit… et c’est au spectateur d’imaginer la suite ».

Madame la secrétaire d’État, vous aviez d’ailleurs, au moment de la diffusion de ce court métrage, indiqué être « convaincue de la nécessité de compléter le dispositif législatif existant ». C’est chose faite aujourd’hui.

Indéniablement, même s’il reste perfectible, ce texte représente, pour notre groupe, une véritable avancée législative. Ma collègue Anne-Marie Payet proposera quelques améliorations en défendant des amendements.

Pour ma part, je formulerai quelques regrets.

Le texte reste en retrait par rapport au dispositif souhaité pour renforcer la prévention. Il est en effet primordial que l’ensemble des personnes appelées à prendre en charge des victimes de violences conjugales disposent d’une formation adaptée et complète.

En outre, les jeunes doivent être particulièrement sensibilisés au respect de l’égalité.

À l’instar de ce qui est fait en Espagne, la prévention et l’éducation doivent commencer dès le plus jeune âge afin d’enrayer les préjugés sexistes.

Mais cela, mes chers collègues, nécessite des moyens et, sur ce point, nous regrettons que la formation obligatoire des intervenants auprès des femmes victimes de violences ait disparu, en application de l’article 40…

Comme nombre de mes collègues, je trouve également regrettable que la recommandation de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, visant à modifier l’intitulé de ce texte afin que les violences subies par les hommes soient également reconnues, n’ait pas été prise en compte.

Bien que moins nombreuses, ces violences-là existent cependant et sont tout aussi traumatisantes pour les hommes qui en sont victimes ; ils ont de grandes difficultés à en parler et à trouver de l’aide, le sujet restant encore très tabou.

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