Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 22 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Discussion générale

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rappeler l’attachement de notre majorité à la défense des femmes contre toute forme de harcèlement ou de violence. La proposition de loi soumise à notre examen vise, en ce sens, à protéger les femmes victimes de violences au sein de leur couple et, plus largement, toutes les personnes victimes, directement ou indirectement, de violences.

Notre rapporteur, François Pillet, fait état d’une situation bien souvent mal connue et les chiffres sont difficiles à appréhender. Toutefois, certaines statistiques sont révélatrices de la croissance du phénomène. Par exemple, une recrudescence de 30 % des cas de violences volontaires sur les femmes majeures par un conjoint ou ex-conjoint a été observée sur les années 2004-2007. Le nombre total atteint 47 500 cas.

Et je souhaite insister sur le fait que ce chiffre n’est que la partie visible de l’iceberg. Selon l’Observatoire national de la délinquance, « le nombre de plaintes déposées par les victimes de violences conjugales représenterait moins de 9 % des violences conjugales réellement subies ».

Nous ne pouvons tolérer, mes chers collègues, madame le secrétaire d’État, que ceux de nos concitoyens qui font l’objet d’atteintes physiques ou morales ne soient pas protégés ni accompagnés dans les meilleures conditions possibles.

C’est pourquoi je me réjouis, au nom du groupe UMP, qu’au fur et à mesure des années notre droit soit de plus en plus protecteur de ces personnes.

Notre majorité a sans relâche montré sa volonté de renforcer les droits des victimes de violences, que ce soit à travers la réforme du code pénal de 1994, qui a prévu l’aggravation des peines encourues lorsque les violences sont commises par un conjoint ou un ex-conjoint, à travers la loi du 26 mai 2004, qui donne la possibilité au juge d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal en amont d’une procédure de divorce, ou encore la loi du 4 avril 2006, qui a reconnu le viol entre époux.

Dans le même esprit, la proposition de loi présentée aujourd’hui marque une nouvelle avancée. En effet, il s’agit de mieux prévenir et de mieux déceler ces cas de violences, d’améliorer l’accompagnement des victimes et enfin de lutter contre la récidive.

Je tiens à saluer l’excellent travail de notre rapporteur, notre commission ayant, sur son initiative, élargi le champ d’application des dispositions qui, à l’origine, visaient expressément les femmes victimes de violences. Le texte concerne désormais l’ensemble des violences commises au sein du couple, que la victime soit un homme ou une femme. Il s’agit ici de prendre en compte une situation ignorée mais bien réelle : celle des hommes violentés. Selon l’Observatoire national de la délinquance, « 130 000 hommes majeurs auraient subi des violences infligées par une conjointe ou une ex-conjointe entre 2005 et 2006 ».

L’apport majeur de la proposition de loi est l’instauration d’une ordonnance de protection. Afin d’agir dans l’urgence, cette ordonnance donne aux personnes subissant des violences de la part de leur actuel ou ancien conjoint, concubin ou partenaire, le statut de victime permettant de sécuriser provisoirement leur situation. Si la commission a étendu la protection aux hommes, elle a cependant supprimé la référence à la famille dans le cadre de l’ordonnance de protection. Ce dispositif répondant à une situation précise, il serait inadapté d’y insérer les violences au sein de la fratrie ou entre ascendants et descendants.

Sur proposition de notre collègue François Pillet, il a été précisé, au regard des faibles moyens d’investigation dont dispose le juge aux affaires familiales, que l’ordonnance ne peut attester les violences commises. A contrario, cette ordonnance ne visera désormais que les « raisons sérieuses de la commission de violences et le danger auquel la victime est exposée ». Nous approuvons cet ajustement, laissant au juge pénal la compétence pour établir la réalité des violences.

Délivrée par le JAF, cette ordonnance organise toutes les mesures provisoires pour protéger la victime. Il est dès lors notamment possible au magistrat d’interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes, de statuer sur la résidence séparée des époux ou encore de prononcer l’admission à l’aide juridictionnelle de la victime. En outre, la personne victime de violences peut éventuellement, sur proposition du juge, choisir l’association habilitée pour l’accompagner tout au long de la procédure.

Je souhaite m’attarder sur certaines des mesures ayant fait l’objet d’améliorations par notre commission.

Premièrement, concernant l’autorité parentale, notre rapporteur a rétabli, à juste titre, la rédaction actuelle du code civil selon laquelle l’exercice du droit de visite et d’hébergement « ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ». Nous sommes favorables à cette rédaction. Elle place au cœur de la décision l’intérêt de l’enfant qui, je le souligne, est souvent un tiers subissant indirectement les violences. Il serait injuste, aux fins de protéger, de le priver de ses parents si les faits ne le justifient pas.

Deuxièmement, pour respecter le principe de proportionnalité, la commission a souhaité conditionner le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté : d’une part, il faut une condamnation effective d’au moins cinq ans d’emprisonnement ; d’autre part, la dangerosité du conjoint doit avoir été constatée par une expertise médicale.

Nous nous en félicitions. La Haute Assemblée s’affirme ainsi, une nouvelle fois, comme garant des libertés individuelles.

Tout en maintenant la cohérence de cette disposition avec notre droit commun, la commission a facilité le placement sous surveillance électronique mobile. En effet, dans la version du texte votée par les députés, ce placement était conditionné au respect par la personne condamnée de la seule interdiction - signifiée par le juge - de paraître au domicile du couple.

Notre rapporteur a, de manière opportune, permis que cette possibilité soit donnée à chaque fois que le juge l’estime nécessaire. Par ailleurs, la juridiction de jugement pourra placer sous suivi socio-judiciaire la personne reconnue coupable d’avoir proféré des menaces contre son conjoint, partenaire ou concubin.

Troisièmement, sur le champ de la rétention de la personne mise en examen par les services de police et de gendarmerie, il s’agit, comme l’a indiqué notre rapporteur, de limiter la mesure au seul cas de violation des obligations « susceptibles de présenter un réel danger pour les victimes ». Néanmoins il est apparu opportun d’élargir les possibilités de recours à cette rétention, lorsque des éléments laissent penser que les obligations n’ont pas été respectées.

Nous ne pouvons que souscrire à cette évolution, dans la mesure où l’inobservation n’a plus à être avérée et que la simple présomption permet d’assurer une meilleure protection de la victime.

Le rapporteur a également proposé un amendement afin que les droits du prévenu soient respectés, notamment en interdisant aux services de police ou de gendarmerie d’effectuer des investigations corporelles internes.

Quatrièmement, sur l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant, qui est la dernière mesure provisoire sur laquelle je tiens à m’exprimer, je me félicite que, au nom de son rapporteur, la commission ait très justement étendu l’interdiction avec inscription au fichier des personnes recherchées aux situations de mariage forcé. Vous avez madame le secrétaire d’État, souhaité la suppression de l’inscription de l’interdiction sur les passeports. Nous vous soutenons dans ce choix au regard de l’inadéquation de la mesure avec la norme mondiale fixée par l’Organisation de l’aviation civile internationale, norme à laquelle la France a souscrit.

En outre, je souhaiterais développer un autre point essentiel de cette proposition de loi : le caractère moral des atteintes portées à la victime. Il me paraît indispensable de revenir, d’une part, sur la référence aux violences psychologiques et, d’autre part, sur la nouvelle définition du harcèlement moral.

Tout d’abord, s’agissant des violences psychologiques, nous adhérons à l’avis de notre rapporteur qui, par cohérence avec la jurisprudence de la Cour de cassation, a supprimé la précision tenant au caractère psychologique des contraintes. En effet, la rédaction originelle aurait entraîné une insécurité juridique, alors que la Cour de cassation considère déjà sans ambiguïté la violence comme pouvant être aussi bien physique que psychologique.

Ensuite, concernant la définition du harcèlement moral, nous sommes favorables à la nouvelle rédaction établie par notre commission. Ainsi, l’utilisation du terme « harceler » traduit directement l’intention malveillante de l’auteur des faits, clarifiant par conséquent l’élément moral. Quant à l’élément matériel, il nous a paru préférable de lier la notion de dégradation des conditions de vie à l’altération de la santé physique ou mentale de la victime.

Par ailleurs, dans un souci de proportionnalité, il était nécessaire de moduler les peines encourues en fonction du degré d’incapacité totale de travail de la victime.

Enfin, concernant l’entrée en vigueur et l’application de la loi, j’évoquerai deux amendements de cohérence adoptés par notre commission : d’une part, celui de notre rapporteur, qui prend en compte l’outre-mer, oublié par l’Assemblée nationale dans l’application de la loi ; d’autre part, l’amendement du Gouvernement relatif au report de l’entrée en vigueur de la loi, laissant ainsi aux magistrats le temps d’organiser leurs services pour une mise en œuvre efficiente de la procédure.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la proposition de loi issue des travaux de la commission des lois.

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